Democracy

It's coming through a hole in the air,

From those nights in Tiananmen Square.

It's coming from the feel

That this ain't exactly real,

Or it's real, but it ain't exactly there.

From the wars against disorder,

From the sirens night and day,

From the fires of the homeless,

From the ashes of the gay

Democracy is coming to the U.S.A.

It's coming through a crack in the wall

On a visionary flood of alcohol

From the staggering account

Of the Sermon on the Mount

Which I don't pretend to understand at all.

It's coming from the silence

On the dock of the bay,

From the brave, the bold, the battered

Heart of Chevrolet

Democracy is coming to the U.S.A.

[…]

Sail on, sail on

O mighty Ship of State!

To the Shores of Need

Past the Reefs of Greed

Through the Squalls of Hate

Sail on, sail on, sail on, sail on.

It's coming to America first,

The cradle of the best and of the worst.

It's here they got the range

And the machinery for change

And it's here they got the spiritual thirst.

It's here the family's broken

And it's here the lonely say

That the heart has got to open

In a fundamental way

Democracy is coming to the U.S.A.

[…]

N’est-ce pas le moment approprié, alors que les U.S.A. viennent de réélire un président démocrate noir, de citer Léonard Cohen chantant l’arrivée de la démocratie ?

Bien qu’il ne l’ait terminée qu’en 1992, l’idée de cette chanson lui est venue en 1989, lors de la chute du mur de Berlin, en pleine liesse populaire, alors que le sentiment général était que la démocratie arrivait enfin en Europe de l’Est. Léonard Cohen raconte qu’il ne partageait pas ce sentiment, et se montrait plutôt inquiet et circonspect.

Ce qui s'est passé depuis semble lui avoir donné raison.

Il explique en revanche que son impression, à l’époque, était que la démocratie trouvait, en Amérique, son terrain d’élection, un véritable laboratoire, confronté à des problèmes d’immigration et de racisme, et paraissant capable de les surmonter.

Il considère la démocratie comme une sorte de religion occidentale qui, « en tant que grande religion, affirme les autres religions, et, en tant que grande culture, affirme les autres cultures ».

Léonard Cohen n’aurait sans doute pas pris partie dans l’affrontement entre républicains et démocrates au cours de la bataille électorale qui vient de s’achever, mais sa définition de la démocratie trouve néanmoins une belle illustration dans la réélection du premier président noir des Etats-Unis.

Léonard Cohen évoque ainsi, sur un mode presque incantatoire, toutes les misères, les douleurs, les drames et les malheurs qui mobilisent les esprits et les cœurs et y font naître la démocratie. Certes, dit-il, elle n’est pas encore vraiment là, mais on sent confusément qu’elle s’approche, et l’on se tient prêt, un bouquet de fleurs sauvages à la main, à l’accueillir.

Démocratie

C’est un trou dans les airs qui l’amène

Des nuits de la place Tienanmen

Ça vient de l’intuition

Que ce n’est qu’une impression

Ou c’est réel mais on le sent à peine

Des guerres contre la maladie

Des sirènes qui ne cessent pas

Des gays que l’on immola

La démocratie arrive aux U.S.A.

Elle vient par une fissure dans le mur

Sur un flot d’alcool inspirant les augures

De l’audace dont témoigne

Le sermon sur la montagne

Dont, pour moi, le sens reste encore obscur

Du silence au bout du quai*

Dans la baie, elle viendra

De ce brave cœur qui, rudoyé

Dans les Chevrolet, bat

La démocratie arrive aux U.S.A.

Elle vient du chagrin sur les rues et places

Des lieux saints où se mêlent les races

De ces petites phrases assassines

Que l’on entend dans les cuisines

Pour savoir qui mange les plats et qui les passe

Des puits de dépit ou prient

A genoux, les femmes, tout bas

Pour la grâce de Dieu dans ce désert-ci

Et le désert au delà

La démocratie arrive aux U.S.A.

Vogue, vogue,

Vaisseau sacré national,

Vers Nécessité

Passe l’écueil d’Envie

La haine en rafales

Vogue, vogue, vogue, vogue

C’est par l’Amérique qu’elle doit venir

Le berceau du meilleur et du pire

C’est là qu’ils ont la marge

Et les techniques pour que ça change

Et, spirituellement, ils en ont le désir

C’est là que la famille se meurt

Et c’est là que les gens seuls croient

Que, fondamentalement, le cœur

Un jour enfin s’ouvrira

La démocratie arrive aux U.S.A.

Ce sont les femmes et les hommes qui l’amènent

Nous ferons donc encore l’amour, ma reine

Nous descendrons si profond

Que les rivières pleureront

Et que la montagne criera « Amen »

Comme, sous l’attraction lunaire,

La marée montera,

Impérieux mystère,

Amour tendant les bras,

La démocratie arrive aux U.S.A.

Vogue, vogue…

Je suis un grand sentimental, vois-tu

J’aime le pays mais ne supporte pas la vue

Ni de gauche, ni de droite, mais

Ce soir devant cette télé

Si désespérante, je me sens perdu

Mais, têtu comme ces sacs-poubelles

Que le temps n’atteint pas,

Je ne vaux rien mais tends, fidèle,

Mon bouquet de Lila

La démocratie arrive aux U.S.A.

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)**

* Faut-il voir là une citation de "Sittin' on the Dock of the Bay", où Otis Redding chante la misère et la solitude du chômage ?

** Avec ses rimes imbriquées marchant par trois, cette chanson est l'une de celles dont la traduction m'a donné le plus de mal : La Démocratie, ça ne va pas de soi !