The Night Comes On

Est-ce un hasard si la nouvelle année commence avec une chanson majeure de Léonard Cohen ? Il la décrit lui-même comme une sorte de cheminement autobiographique, évoquant les personnes qui ont marqué sa vie, par leur absence autant que par leur présence :

- Sa mère (décédée quand il avait 34 ans), représentant la protection toujours présente au-delà de la mort, et qui, par son insistance, le maintient en vie.

- Son père (décédé alors qu’il n’avait que neuf ans), représentant le combat sans répit de la vie.

- Le mariage et la responsabilité des enfants, y compris lorsqu’ils « volent de leurs propres ailes ».

- La « muse » qui inspire le poète et le chanteur, et représente l’essence même de la féminité, sous ses différentes formes et avec ses différents visages.

- L’entourage et les amis, qui forment notre « monde » et nous y retiennent, mais ne peuvent nous faire oublier que ce qui est passé et passé, ce qui est perdu est perdu.

- Et le poète, le chanteur, à sa façon, tente de revenir en arrière ou de « passer de l’autre côté », mais l’image maternelle, patiemment, résolument, le renvoie vers « le monde » et, ainsi, continue de le protéger (y compris de lui-même).

Au premier jour d’une nouvelle année, il n’est pas inutile de repenser ainsi à ceux qui nous ont quittés (ou devancés), mais dont la pensée continue de nous protéger et nous guider.

La Nuit Survient

Je suis descendu où

Je savais que, sous la pierre

Et la neige, elle attendait

J’ai dit « Mère, j’ai peur de tout

Des éclairs et du tonnerre

Seul, je n’en sortirai jamais

Elle dit « Je serai là

Mon châle autour de toi

Ma main sur ta tête te suivra »

Et la nuit survint

Tout était très calme

J’aurais voulu que la nuit soit sans fin

Mais elle dit « Va, retourne au Monde »

En Egypte, nous combattions

Quand ils promirent par traité

Que nul ne serait plus tué

Puis ce fut cette explosion

Et mon père est tombé

Une terrible plaie à son côté

Il dit « Mon fils, vas y

Prends mes livres, mon fusil

Souvient toi comme ils ont menti »

Et la nuit survient

Tout est très calme

J’aurai bien voulu qu’il ait tort, néanmoins

On ne mentirait pas à un gamin

Dans cette cuisine, nous restions

J’entrais en religion

Ne sachant jusqu’à quand elle rest(e)rait

Tant il me fallait

N’avoir rien à toucher

C’est c’ que j’ai toujours désiré

Mais mon fils et puis ma fille

Sortant de l’eau s’égosillent

« Papa, tu as promis de jouer »

Et ils m’entraînent et disent

« C’est la grande surprise

Ne regarde pas, papa, les yeux fermés »

Et ils se cachent, se cachent dans le Monde

Et je la cherche sans cesse

Pris par cette attirance

Comme à un chapelet de prières

Disant « Quand m’appellera-t-elle ?

Quand me reviendra-t-elle ?

Pour être prêt, que dois-je faire

Quand sur mon vœu elle s’incline

Tout comme un saule, comme une fontaine ?

Elle se tient dans l’air de lumière

Et la nuit survient

Et tout est très calme

Je suis dans ses bras, elle dit « Quand je s(e)rai,

Partie, je s(e)rai à toi pour chanter »

Pour les vêpres, les grillons

Répondent au carillon

Le chat, sur sa chaise, assoupi

J’irai au bar du coin

Je n’ peux aller plus loin

Voir s’il y a toujours mes amis

C’est au peu de gens qui

Vous pardonnent ou pour qui

Ce que vous faites n’est pas un souci

Et la nuit survient

Tout est très calme

Je veux la rejoindre de l’autre côté

Mais elle dit « Allez, va, retourne au Monde »

(Traduction – Adaptation : Polyphrène)