Closing Time

Sur cette chanson dont le texte est, avec « Don’t pass me by » probablement le plus long de son répertoire,Léonard Cohen s’est exprimé à plusieurs reprises, résumant sa pensée ainsi :

« It's that wild, or beautiful, or terrible time when things reach their maximum point of expansion, and then begin to contract. It's the time we're in.

Il a cité pour exemples la fermeture d’une « boîte », le retour à la vie civile, la fin d’une tournée, la fin d’une soirée… toutes ces situations où, ayant atteint l’apogée, on entame la chute.

Chacun peut discerner, dans sa propre vie, de tels moments, et Léonard Cohenconsidère que cela correspond à la période que nous vivons.

Comment ne pas lui donner raison en ces temps de crise subintrante, où les écarts entre riches et pauvres se creusent, où les compagnies multinationales et les sociétés financières font la politique, où les religions divisent, où les ventres repus n’ont pas d’oreilles pour entendre les affamés, où certains politiques renouent avec les idées de suprématie culturelle qui ont conduit aux heures les plus sombres de l’humanité…

Et chacun vit en soi-même ce que vit l’humanité : espoir et souffrance, désir et déception, vertu et contradictions, échec et progrès, tandis que le temps passe, inexorablement.

« On est à peine un gosse qu’il faut déjà grandir un peu

On est à peine un homme que l’on se sent devenir vieux »

Le soleil se lève, et le soleil se couche.

Et l’avion qui file vers le Levant abrège le jour et résume la vie.

« Nous avons commencé notre descente. Veuillez regagner vos sièges et attacher vos ceintures »

PS : Cette chanson comporte quelques formules délicieuses, remarquablement incisives et pertinentes, appelées à rester dans le langage courant, comme :

« The Johnny Walker wisdom » (la prétendue sagesse, pâteuse et sentencieuse, des esprits embrûmés par l’alcool),

et « The place is dead as Heaven on a Saturday night” (l’endroit est aussi mort que le ciel un samedi soir),

mais aussi “It looks like freedom but it feels like death” (cela a l’aspect de la liberté mais le contact de la mort), que l’on pourrait méditer à l’infini.

On Va Fermer

Ah, nous buvons, et nous dansons

L’orchestre est une révélation

On rivalise en sagesse de pastis

Et ma très douce compagne est

Un véritable ange de bonté

Elle frotte la terre entière contre ses cuisses

Et chaque buveur, chaque danseur

Lui sourit, l’air approbateur

Le violoneux joue des notes si exquises

Toutes les femmes arrachent leur chemise

A pois sur lesquelles tous les hommes dansent

Les partenaires changent au gré d(e) la chance

Et c’est le drame quand la musique cesse

On va fermer

Oui, toutes les femmes arrachent leur chemise

A pois sur lesquelles tous les hommes dansent

Les partenaires changent au gré d(e) la chance

Et c’est le drame quand la musique cesse

On va fermer

Nous sommes romantiques, isolés

Il y a de l’acide dans la bolée

Et l’Esprit Saint crie « Qui n’est pas content ? »

La lune prend un bain de minuit

Et l’été embaume la nuit

Du très puissant espoir d’un soulagement

Nous montons donc en titubant

Case des échelles, case des serpents

Vers la tour qui sonne les heures bénies

Je jure que ça s’est passé ainsi

Soupir, puis cri, baiser hardi

L’huis de l’Amour s’entrouvrit

Mais n’a guère progressé depuis

Qu’on va fermer

Je jure que ça s’est passé ainsi

Soupir, puis cri, baiser hardi

L’huis de l’Amour s’entrouvrit

Mais n’a guère progressé depuis

Qu’on va fermer

Je t’aimais pour ta beauté

Ca n(e)’ fait pas de moi un insensé

C’est ta beauté qui t’amenait là

Et, pour ton corps, je t’ai aimée

C’est la voix de Dieu, j’en jurerais,

Qui déclare, qui déclare, qui déclare que ton corps, c’est vraiment toi

Je t’aimais quand notre amour fut bénit

Je t’aime alors qu’il n’y a plus ici

Que chagrin, sentant que l’heure est passée

Tu me manques, depuis que c’est détruit

Et peu m’importe ce qui s’en suit

La mort sous un air de liberté

Ou entre les deux, je dirais

On va fermer

Oui, tu me manques, depuis que c’est détruit

Et peu m’importe ce qui s’en suit

La mort sous un air de liberté

Ou entre les deux, je dirais

On va fermer

Oui, nous buvons et nous dansons

Mais il ne se passe rien, au fond

Et l’endroit est aussi mort que le ciel un samedi soir

Et ma compagne, à mon côté

Me fait rire, et me fait tâter

Elle a cent ans mais porte des

Collants noirs

Je lève mon verre à l’Atroce Vérité

Qu’à la jeunesse on ne peut révéler

Sauf pour dire que ça n(e)’ vaut pas un sou

Et tous, autour, deviennent deux fois fous

Une fois pour le Christ, une fois pour le démon

Mais ces accès déplaisent au patron

Nous sommes chassés en pleine lumière

Chassés sous la pleine lumière

On va fermer

Et tous, autour, deviennent deux fois fous

Une fois pour le Christ, une fois pour le démon

Mais ces accès déplaisent au patron

Nous sommes chassés en pleine lumière

Chassés sous la pleine lumière

On va fermer

Oh, toutes les femmes arrachent leur chemise

A pois sur lesquelles tous les hommes dansent

Les partenaires changent au gré d(e) la chance

Et c’est le drame quand la musique cesse

On va fermer

Je jure que ça s’est passé ainsi

Soupir, puis cri, baiser hardi

L’huis de l’Amour s’entrouvrit

Mais n’a guère progressé depuis

Qu’on va fermer

Je t’aimais quand notre amour fut bénit

Je t’aime maintenant qu’ici

On va fermer

Tu me manques, depuis que c’est ruiné

Par l’ivraie du sexe, le vent du progrès

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)