Field Commander Cohen
Field Commander Cohen, he was our most important spy.
Into diplomatic cocktail parties,
Urging Fidel Castro to abandon fields and castles.
Such as waiting rooms and ticket lines,
And racial roller-coaster rides
And other forms ofboredom advertised as poetry.
I know you need your sleep now,
Where you promisedto stand guard.
But I heard you cast your lot along
But then I overheard your prayer,
That you be this and nothing more
Than just some grateful faithful woman's favourite singing millionaire,
The patron Saint of envy and the grocer of despair,
Working for theYankee Dollar*.
I know you needyour sleep now...
Ah, lover, come and lie with me, if my lover is who you are,
And be your sweetest self awhile until I ask for more, my child.
Then let the other selves be wrong, yeah, let them manifest and come
Till every taste is on the tongue,
Till love is pierced and love is hung,
And every kind of freedom done, then oh,
Léonard Cohen évoque, de temps à autre, la question de l’armée, de la guerre, et du devoir civique ou patriotique, en des termes plutôt respectueux bien que parfois ambivalents : There is a war, The captain, The nightcomes on, The traitor, First we take Manhattan, On that day… Il est tentant de voir là le souvenir de son père, disparu très tôt, qui aurait souhaité le voir embrasser la carrière militaire, mais aussi la trace de son engagement personnel en Israël.
Au delà de ce premier niveau de lecture, il convient de noter que les allégories sont nombreuses, et que l’humour et l’autodérision ne sont jamais absents.
Imaginer Léonard Cohen, agent secret subversif, en service commandé pour un intérêt supérieur, renvoie à d’autres chansons dans lesquelles il évoque directement sa mission de chanteur (The tower of song) ou de porte-parole (Going Home). Puis, comme dans d’autres chansons, les rôles s’inversent ou se confondent, et l’auditeur peut s’interroger sur l’identité du locuteur : Celui-ci semble, dans les premiers vers de "Field Commander Cohen", parler de Léonard Cohen à la troisième personne ("He was our most important spy"), puis s’adresse directement à lui ("I know you need your sleep now"). Par contre, dans les dernières strophes ("Ah, lover, come and lie with me"), on peut penser que c’est Léonard Cohen lui-même qui prend la parole.
Cette juxtaposition de points de vue a pour effet de souligner les conflits ou contradictions qui peuvent naître du sentiment d’avoir un devoir à accomplir et de ne pas se sentir toujours « à la hauteur », que ce soit par faiblesse constitutionnelle ou par lâcheté : Le sentiment d’être tiraillé entre une mission, un rôle à assumer, et le besoin d’amour ou, tout simplement, de repos. On retrouve là le thème de « Tower of Song », où Léonard Cohen oppose amour et destin : le chanteur, répondant à sa vocation – ou sa mission – est hors de portée, quoi qu’il lui en coute, des amours temporelles.
A propos d’amour, Léonard Cohen revient, une fois de plus, sur les multiples courants, parfois contradictoires, qui l’animent, l’ambivalence fondamentale des sentiments (Eros et Thanatos), les multiples visages de la personnalité, mais aussi l’attrait que peuvent susciter ses « mauvais côtés », tant il est vrai que ce sont les imperfections qui mettent en évidence la beauté.
C’est tout cela qui anime et conduit "le commandant Cohen", sur le champ de bataille de la vie.
Et chacun de nous peut s’y reconnaître…
* Citation de "Rum and Coca-Cola", de Lord Invader, que Léonard Cohen interprète manifestement en référence à la version originale et non à la version américaine édulcorée.
Le Commandant Cohen
Le commandant Cohen, c’était notre meilleur agent
Blessé en service commandé
Ajoutant de l’acide
Aux cocktails des réceptions d’ambassade
Pressant Fidel Castro d’abandonner terres et châteaux
Tout quitter et, comme un homme
Revenir dans le banal
Des salles d’attentes et tickets de queue
Suicides par potion magique
Et grandes marées messianiques
Et puis montagnes russes ethniques
Et toutes autres formes d’ennui vendues pour de la poésie
Je sais qu’il te faut dormir
Je sais, ta vie n’est pas gaie
Mais des hommes vont périr
Où tu devrais faire le guet
Je n’sais pas,
Mais je t’ai entendu prendre parti
Pour les pauvres
Et puis, j’ai entendu ta prière
D’être ni plus ni moins rien d’autre
Que, pour une femme fidèle et reconnaissante, son chanteur millionnaire
Le saint patron de l’envie, l’épicier du désespoir
Bossant pour le Yankee Dollar
Je sais qu’il te faut dormir…
Oh, amour, viens à mes côtés
Si c’est mon amour que tu es
Montre ton plus tendre côté
Et quand ce n’ sera plus assez
Laisse les autres, mauvais, côtés
Venir et se manifester
Oh, amour, oh, amour, oh, amour
Oh, amour, oh, amour, oh, amour
(Traduction – Adaptation : Polyphrène)