The Goal

I can't leave my house

Or answer the phone

I'm going down again

But I'm not alone

Settling at last

Accounts of the soul

This for the trash

That paid in full

As for the fall, it

Began long ago

Can't stop the rain

Can't stop the snow

I sit in my chair

I look at the street

The neighbor returns

My smile of defeat

I move with the leaves

I shine with the chrome

I'm almost alive

I'm almost at home

No one to follow

And nothing to teach

Except that the goal

Falls short of the reach

Du prochain album ― posthume ― de Léonard Cohen, ce seul titre est déjà diffusé. Ce message, plus parlé que chanté, est manifestement celui d’un homme arrivé au bout du chemin, conscient de l’inexorable progression de la maladie que, comme la pluie ou la neige, on ne peut arrêter. Cloué au lit par la souffrance, il ne peut que méditer sur sa vie -presque – passée, et vivre encore un peu par procuration, en observant, de son fauteuil, les feuilles agitées par le vent, les reflets renvoyés par les pare-chocs chromés des voitures… et en souriant, d’un air résigné, au voisin compatissant. De son passé resurgissent, comme pour examen, les espoirs et les déceptions, les malheurs et les bonheurs, les bonnes et mauvaises actions, les souffrances infligées ou subies que le bilan fait passer en profits et pertes ou factures acquittées pour solde de tout compte. Plus de gourou, plus de prophète (il en a jadis connu et suivi) pour tenter de donner un sens à la vie. Plus rien, non plus, à expliquer ou enseigner. Mais Leonard Cohen nous livre, en partant, un dernier mais étrange message : en lecture superficielle, on pourrait penser qu’il nous dit simplement que le but (de la vie ?) est hors de portée. Cependant, curieusement, il inverse la formule (“the goal falls short of the reach » et non « the reach falls short of the goal”). Ce n’est manifestement ni une erreur, ni une approximation. Leonard Cohen respecte et maîtrise à tel point la langue que ce jeu d’écriture n’est certainement pas innocent… et le message est terrible : nos attentes ne sont-elles pas plus grandes que ce que, arrivés au terme de la vie, nous atteignons finalement ? N’espérons-nous pas mieux que le néant ?

ALN

Le But

Je n’ peux ni sortir

Ni téléphoner

Je retombe mais ne suis

Pas abandonné

De l’âme, enfin

Mes comptes sont faits :

Ceci passe en pertes

Ça, c’est acquitté

La chute est ancienne

Et je la subis

Comme la neige

Comme la pluie

Depuis mon fauteuil

Regardant la rue

Le voisin renvoie

Mon sourire vaincu

Par les chromes, je luis

Par les feuilles, tournoie

Je suis presque en vie

Et presque chez moi

Plus personne à suivre

Rien à faire entendre

Sinon que l’atteindre

Dépasse l’attendre

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)