Story Of Isaac

Une œuvre "fondamentale" de Léonard Cohen, évoquant l'un des passages les plus troublants et les plus forts de la bible, lorsque Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils Isaac. Bien que les exégètes en débatent encore, nombreux sont ceux qui considèrent que de tels sacrifices rituels étant courants à cette époque, l'intervention ultime de Dieu pour prévenir (interdire) ce sacrifice signifiait sa volonté de mettre fin, à jamais, à de telles horreurs. C'est, semble-t-il, l'interprétation qui prévaut dans le texte de Léonard Cohen, dont le récit est placé dans la bouche la la victime désignée, avec un réalisme frappant (jusqu'aux tournures de phrase enfantines).Mais, encore une fois, Léonard Cohen ne s'en tient pas là. Alors que d'autres soulignent cet épisode comme marquant la sortie de l'obscurantisme et de ses rites monstrueux, Léonard Cohen "relativise" tout cela et suggère que les prétendues volontés divines ne sont souvent que le déguisement de dessins humains intéressés, et que les circonstances peuvent faire de nous, tout aussi bien, un héros ou un assassin.

Bien évidemment, cela est simplement suggéré, et, comme toujours, les textes de Léonard Cohen laissent, dans une ombre de mystère, une grande lattitude d'interprétation.

L’Histoire d’Isaac

La porte, lentement, s’ouvrit

Mon père entrer, je vis

J’étais si petit

A neuf ans seulement face à lui

Et son regard bleu durcit

Quand d’un ton froid, il dit

« J’ai eu une vision, et si

Tu me connais fort et béni

Je dois faire ce qu’on m’a dit »

Alors, la montagne, il gravit,

Lui marchant, moi courant, et puis

Sa hache d’or il avait pris.

Bientôt disparurent les sapins

L’eau du lac comme un miroir,

Une pause pour boire du vin

La bouteille qu’il jeta au loin

Cassa une minute plus tard

Il mit sa main sur mon poing

Un aigle dans le ciel

Tournait, ou était-ce un vautour ?

Je ne suis sûr de rien

Mon père construisit un autel

Ne se retournant qu’une fois pour

Voir que je ne fuirais point.

Vous et vos autels sanglants

Pour immoler ces enfants,

Ne faites plus cela maintenant

Une vision n’est pas un plan

Et rien ne fut pour vous tentant

Ni de Dieu ni de Satan

Vous qui, sur eux, élevez

Vos hachettes ensanglantées

Aucun de vous n’était

Là quand sur un mont je gisais

Et la main de mon père tremblait

Pour le mot et sa beauté

Et si tu m’appelles « mon frère »

Pardonne-moi si je m’enquiers

Selon quel plan tu opères.

Quand tout retombe en poussière

Je te tuerai si je dois

Je t’aiderai si je peux

Quant tout retombe en poussière

Je t’aiderai si je dois

Je te tuerai si je peux

Et l’uniforme n’importe guère

D’homme de paix ou d’homme de guerre

Le paon fait la roue, fier.

(Traduction - Adaptation : Polyphrène)