Une origine génétique ?
L’hypothèse d’une détermination génétique de la dyslexie est apparue dès les années 50. Elle s’appuie sur trois observations :
- la prévalence masculine (4 à 5 garçons pour une fille) ;
- la récurrence élevée d’une dyslexie au sein d’une même famille ;
- la concordance élevée chez les jumeaux monozygotes, de l’ordre de 70 à 80% contre 30 à 40% chez les dizygotes .
Une origine neurologique ? ·
Des facteurs neuroanatomiques et neurophysiologiques ?
Des anomalies histologiques de l’architecture corticale font évoquer une perturbation précoce de la corticogénèse in utero, sous une influence hormonale et surtout immunitaire (GESCHWIND et GALABURDA, 1985).
Il est fait état d’un dysfonctionnement prénatal au niveau de trois zones (aire occipito-temporale, gyrus frontal inférieur, aire pariéto-temporale) qui entraîne un affaiblissement de l’activité neuronale ou une réduction du volume de matière dans les zones concernées par la lecture.
Un problème auditif ?
De très nombreuses expérimentations montrent que les dyslexiques traitent moins bien que les normolecteurs les messages auditifs, et essentiellement les messages verbaux : ceux-ci sont correctement perçus et transmis aux aires corticales alors que le traitement cérébral de l’information auditive verbale est perturbé. Des modifications de l’activation de certaines aires corticales du langage provoquent une anomalie d’intégration, d’analyse et d’interprétation, qui peut se rapprocher d’une « agnosie auditive verbale » (déficit de la capacité à identifier, comparer, segmenter, manipuler les sons de la langue). Ces difficultés se traduisent par :
- Un trouble de la conscience phonologique, qui se révèle être le plus sûr facteur prédictif de risque de survenue ultérieure de dyslexie chez l’enfant prélecteur (MANN et DITUNNO, 1990);
- Un trouble de la mémoire phonologique de travail (LACERT et SPRENGER-CHAROLLES, 1997) : il s’agit d’une atteinte de la boucle audiophonologique ; le son n’est pas conservé suffisamment longtemps, ou de façon peu précise, pour être analysé et traité de façon fiable. Ce défaut de traitement phonologique est responsable des difficultés d’acquisition de la voie indirecte (dyslexie associée à un trouble du langage oral, ou encore dyslexie dysphonétique);
- Un trouble du traitement des variations acoustiques rapides.
Une autre hypothèse concerne un défaut de perception et de traitement des informations auditives très brèves comme les occlusives (quelques dizaines de millisecondes) ou variant très rapidement (TALLAL et al., 1998).
Un problème visuel ?
La « théorie visuelle » met en cause une perturbation du fonctionnement du traitement verbal de l’information visuelle. Cette perturbation serait liée à des troubles du fonctionnement binoculaire, des mouvements oculaires, du système de perception visuelle transitoire.
- Trouble de la vision binoculaire (CORNELISSEN et al., 1992) : absence des mouvements de convergence (par lesquels les axes visuels des deux yeux se décalent, normalement, légèrement l’un de l’autre pour permettre la vision en profondeur d’une cible proche): la vision devient double, les lettres se chevauchent, entraînant un « strabisme parallèle ».
- Défauts des mouvements binoculaires : de façon physiologique, il y a succession de mouvements rapides, en saccades, correspondant à des temps de fixation et de pauses, d’environ 20 millisecondes (saisie de 6 à 10 lettres). Chez le dyslexique, ces mouvements binoculaires sont désordonnés : l’espace est parcouru par saccades anarchiques, avec de fréquents retours en arrière, et un temps de fixation irrégulier (POBLANO, 1996). Il s’ensuit un contrôle attentionnel insuffisant qui contribue aux troubles de lecture.
Deux questions se posent : la perturbation visuelle est-elle cause ou conséquence du trouble de la lecture ? S’il en est à l’origine, ce problème visuel constitue t-il un critère d’exclusion de la vraie dyslexie ?
- Problème au niveau du système magnocellulaire (système de la vision du mouvement, sensible aux variations temporelles rapides des stimuli) : pendant la lecture, l’image saisie par une fixation (système parvocellulaire) ne serait pas correctement effacée par le mouvement de saccades, et viendrait se surperposer à l’image lors de la fixation suivante, avec pour conséquence, les phénomènes d’erreurs et de confusions visuelles (LE CLUYSE et al., 1991).
- Problème à d’autres niveaux des fonctions visuelles : d’autres perturbations de la fonction visuelle chez les sujets dyslexiques ont été évoquées :
- Allongement de la durée de la persistance rétinienne (MARTOS et MARMOLEJO, 1993) ;
- Défaut du phénomène de masquage des perceptions périphériques/centrales (HELVESTON, 1987) ;
- Sensibilité particulière à certaines fréquences lumineuses (ROBINSON et al., 1996) ;
- Sensibilité particulière au contraste image/taille des constituants (WILLIAMS et al., 1995).
Un problème de spécialisation hémisphérique ?
Une modification de la spécialisation hémisphérique (ANNETT, 1996), de la répartition des fonctions entre les deux hémisphères, pourrait aussi être en cause : par exemple une intervention intempestive de l’hémisphère droit dans le traitement du langage ou un défaut de spécialisation de l’hémisphère gauche pour le traitement phonologico-séquentiel (dyslexie dysphonétique). Cette conception est confortée par certains travaux neuroanatomiques, nécropsiques ou d’imagerie, montrant, chez les dyslexiques, une très forte tendance à une symétrie du Planum Temporale, contrairement à l’asymétrie habituelle dans la population générale.