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Je ne suis allé à l’école qu’à 6 ans, du fait de la guerre...
Jusque là, j’étais un enfant heureux. Je ne savais pas que j’allais devenir un cancre…
C’est lorsque j’ai dû apprendre à lire, écrire et compter, que je les choses se sont gâtées.
Impossible d’écrire un mot sans inverser ses syllabes, de rédiger une phrase sans fautes. Impossible de multiplier ou diviser correctement. Quand aux leçons à apprendre « par cœur » c’était l’horreur. Je ne retenais que quelques bribes.
Pourtant, au début, j’ai essayé. J’ai tenté d’apprendre ce que les « maîtres » voulaient « m’enfoncer dans la tête ».
J’aurais tant aimé être parmi « les bons élèves », tant voulu que mes parents soient contents de moi.
Qu’ils cessent de me traiter d’étourdi, de dissipé, de fainéant. Qu’ils soient fiers de signer mon carnet de notes.
Peine perdue, cette pédagogie dont je ne comprenais pas les règles, était hermétique pour moi. Je me suis donc fait à l’idée que j’étais nul, mauvais, distrait. Pas tout à fait crétin, tout de même, car quand il s’agissait de trouver une idée originale, j’étais souvent le meilleur...
À dix ans, vu mon niveau, pas question d’entrer en 6e. Mes parents se résignèrent. Je ne serai jamais ingénieur comme mon père l’espérait, jamais docteur comme ma mère le rêvait.
À cette époque, la dyslexie était encore méconnue. Les enseignants ignoraient qu’un dyslexique permutait, à son insu, les syllabes dans un mot ou les chiffres dans un nombre. Ils n’imaginaient pas une seconde, que les mots tordus que j’employais dans mes phrases étaient cohérents pour moi. Que mes yeux lisaient à l’endroit ce que mon cerveau écrivait à l’envers.
Je connus vexations et brimades, gifles et punitions. Je fus humilié devant mes camarades de classe, mortifié en famille. Ce fut une période de grande souffrance, je me croyais nul.
Une blessure de plus aurait suffi a transformer mon désespoir en pathologie.
Heureusement, j’ai eu comme un sursaut. J’ai décidé de ne plus tenir compte du jugement des autres, de ne plus essayer d’apprendre selon leurs méthodes. J'ai décréter de ne découvrir que ce qui m’intéressait vraiment. Pas plus.
Les mots qui chantaient m’enchantaient. J’ai écris des poèmes phonétiquement libres. Je pouvais jouer avec des mots amis, comme il me plaisait, écrire des histoires que personne ne corrigeait.
(...)