Les modèles d’acquisition de la lecture décrivent diverses étapes entre le moment où l’enfant commence à attribuer une signification à un écrit et le moment où il lit avec aisance.
> Modèle de MARSH et al. (1981)
Le modèle de MARSH et al. propose quatre stades, dont la séquentialité n’a rien d’absolu ou d’obligatoire : l’évolution peut être plus ou moins différente selon les enfants, leur intelligence, leur curiosité d’esprit, la nature et la précocité de leurs contacts avec la langue écrite, d’éventuels problèmes dyslexiques, la méthode pédagogique utilisée par le professeur des écoles, etc. Ce modèle doit être compris plus comme l’acquisition de différentes stratégies que comme une succession de stades. L’enfant dispose de plusieurs stratégies et choisit telle ou telle en fonction de la nature du mot à lire (facile ou difficile, régulier* ou irrégulier*, connu ou non connu) et du but de sa lecture (à haute voix pour l’enseignant ou compréhension pour lui-même). Différentes stratégies peuvent coexister lors de l’apprentissage.
Au stade 1, la « lecture » du petit enfant se fait par reconnaissance visuelle globale, sans analyse interne, en se basant sur la prise d’indices externes. Par exemple, les logos qui accompagnent les mots des marques publicitaires jouent un rôle essentiel dans l’identification.
Au stade 2, l’enfant procède par accès visuel approximatif, en cherchant dans son lexique visuel une image connue ressemblant, de près ou de loin, au mot-cible.
Au stade 3, l’enfant commence à apprendre ou à découvrir la voie indirecte, d’analyse et de conversion grapho-phonémique. Il commence à décoder à un niveau encore élémentaire où la compréhension dépend souvent de la reconnaissance auditive du mot lu.
Au stade 4, l’apprentissage progressif des règles de lecture (graphèmes complexes*, graphèmes contextuels…*) permet à l’enfant de lire efficacement tout mot nouveau, et donc de devenir un lecteur compétent. A l’issue du stade 4, tous les mécanismes de lecture sont normalement acquis, et le seul progrès possible n’est plus qualitatif mais quantitatif : il consiste en l’enrichissement continu du lexique visuel.
> Modèle de FRITH (1985)
Le modèle présenté par FRITH tente d’expliquer l’acquisition interactive de la lecture et de l’écriture. Il s’agit d’un modèle à étapes, ou stades, qui se caractérise par une stratégie dominante.
- Le stade logographique : il s’agit de la reconnaissance globale de mots familiers, sans tenir compte de l’ordre des lettres dans le mot (exemple : Coca Cola). Ce sont les composantes spatiales et le contexte du mot qui interviennent, sans utilisation d’informations de nature phonologique. Le mot ne fait donc pas l’objet d’une analyse, mais est reconnu par son allure générale et/ou par certaines lettres saillantes ou caractéristiques.
- Le stade alphabétique : il concerne la connaissance et la mise en œuvre des correspondances entre phonèmes et graphèmes. Il traduit un progrès qualitatif fondamental : la mise en place de la conscience phonologique, c’est-à-dire la prise de conscience que l’écrit ne code pas que du sens, mais aussi du son. L'entrée dans le système alphabétique est plus facile en écriture, nécessairement séquentielle, qu'en lecture.
- Le stade orthographique : le mot est analysé en séquences ordonnées d’éléments abstraits (graphèmes*, morphèmes*). Il n’y a plus de passage par les informations phonologiques comme dans la procédure alphabétique : c’est en tant que séquence graphémique que le mot est identifié. Cette stratégie est donc à la fois visuelle, analytique et linguistique. Hormis son caractère analytique, elle correspond à la lecture compétente par la voie lexicale puisque l’analyse de la séquence graphémique active une représentation orthographique du lexique interne.
Le modèle de FRITH précise les modalités de progression « pas à pas » d’une stratégie à l’autre, en posant des interactions réciproques entre les apprentissages de la lecture et de l’écriture. Ainsi, la lecture initierait le stade logographique, l’écriture le stade alphabétique, et la lecture, enfin, impulserait la stratégie orthographique.
En commentant ce modèle, VALDOIS (2001) pense que l’ordre des différentes étapes d’acquisition du langage écrit n’est pas immuable. On observe en effet de fortes variations individuelles au cours de l’apprentissage : l’âge de passage d’un stade au stade suivant diffère d’un enfant à l’autre, la méthode d’apprentissage peut modifier le déroulement des étapes.
> Modèle de FERREIRO (1997) :
Cet auteur distingue quatre niveaux, génétiquement ordonnés, de conceptualisation de l'écrit.
-le niveau pré-syllabique : dès trois ans, l'écriture se dégage du dessin avec la réalisation de pseudo-lettres et de formes pré-scripturales. L'enfant met en relation le nombre d'éléments graphiques utilisés, et la dimension de la personne, ou chose citée.
-le niveau syllabique : vers 5/6ans, l'enfant commence à faire correspondre la chaîne orale et la chaîne écrite ; il comprend que si la forme d'écriture est différente pour chaque mot, c'est que la forme sonore est différente. Les lettres ont une valeur syllabique, il y a correspondance entre le nombre d'éléments graphiques et le nombre de syllabes dans le mot.
-le niveau syllabico-alphabétique : la correspondance grapho-phonétique se précise. Les éléments graphiques ont valeur de lettres (hypothèse alphabétique) ou de syllabes (hypothèse syllabique).
-le niveau alphabétique : la correspondance grapho-phonétique est stabilisée. L'enfant est capable de segmenter la chaîne orale en phonème : FERREIRO parle de correspondance terme à terme.