La préparation militaire

La préparation militaire

Préparation militaire selon Maurice Froussart

"La préparation militaire que j'ai connue se situe dans les années 20 et 30. Elle renaissait après la guerre 1914/1918 si meurtrière. Faisant suite à la défaite inconcevable de 1870, et les affres qu'elle engendra, progressivement les Français voulurent que notre belle et riche Alsace-Lorraine, rattachée arbitrairement à l'Allemagne unifiée, leur soit restituée. Ses départements, teintés de sombre sur nos cartes scolaires, étaient évoqués très souvent par les maîtres d'école avec l'espoir de leur retour à la mère patrie. Ce qui fut fait après la victoire de 1918.

Déjà en 1914

Dès le début du siècle, les sociétés de gymnastique prenaient une allure militaire. La quasi unanimité de l'opinion souhaitait une revanche. C'est donc motivés que nos soldats partirent, la fleur au fusil, pour une guerre juste et qu'ils croyaient facile et brève. Hélas, elle fut longue, avec des hécatombes effroyables. Après une victoire durement acquise, les traités de paix, mal conçus par des Alliés aux intérêts divergents, portaient en eux les ferments d'autres affrontements.

Bientôt la misère dans l'Allemagne vaincue, la montée en puissance du nazisme, l'arrivée au pouvoir de Hitler et ses exigences auxquelles les puissances européennes n'osèrent s'opposer, faisaient redouter le pire. Les esprits lucides avaient compris la nécessité de faire face au péril imminent en préparant les jeunes à l'éventualité puis à la certitude d'une prochaine guerre. Mais ces patriotes n'étaient pas suivis suffisamment, alors qu'outre-Rhin, tout le monde était encadré, les adolescents fascinés et survoltés.

Les sociétés de gymnastique

La préparation militaire chez nous connut une certaine reprise, mais pratiquée seulement par des volontaires n'hésitant pas à sacrifier d'autres loisirs plus agréables. Les sociétés de gymnastique furent le creuset de cette activité, surtout celles auxquelles une garnison apportait son support et le renfort de cadres. D'autres communes, sous l'égide de gendarmes ou d'anciens combattants œuvraient dans le même sens. Dans notre actuel chef-lieu, existait à Mohon, la jeune garde et le Sanglier, à Mézières l'Etoile et la Macérienne, à Charleville l'Espérance et la Jeanne d'Arc. Tous les ans, avait lieu un examen pour l'obtention de Brevet Préparatoire Élémentaire au service militaire (BPE), avec diplôme et insigne. Le Brevet de Préparation Militaire Supérieure (PMS), moins populaire, était réservé aux volontaires qu'une instruction de haut niveau dirigeait vers les écoles d'officiers de réserve (EOR). Bien sûr dans les deux cas, il fallait s'instruire et s'entraîner pour réussir.

Un fils de paysan vendéen, un fils d'un banquier lyonnais et un barman un peu souteneur : bel exemple de brassard au 13 ème Dragons à Melun en 1934

De véritables concours

La rivalité, quoiqu' amicale et sportive, faisait des examens de véritables concours où chacun donnait le meilleur de lui-même. C'est à Mézières que s'affrontaient les candidats, sous la direction d'officiers du 91 ème RI. La marche de 10 km en moins de deux heures et la course de 2500 m éliminaient quelques participants. Ensuite, il fallait subir épreuves et questions sur l'armement, le combat, l'ordre serré, le tir, l'orientation… Puis se passaient les brevets de spécialités plus poussées : tireur classé, grenadier classé, arme montée, colombophile, nageur classé… Évidemment, il y avait là plus de rejetés que d'admis. La réussite apportait quelques points supplémentaires au classement départemental. Les meilleurs pouvaient choisir leur arme et leur garnison et avaient la certitude de suivre les cours d'élèves gradés et de sortir sous-officiers de réserve. Tous pouvaient prétendre à quelques jours de permission supplémentaires dans le courant du service militaire.

L'armée d'antan

J'en ai connu un qui n'était pas peu fier d'avoir été reçu premier sur les 225 admis et quelques 300 présentés. Et pourtant, il avait concouru avec des jeunes plus instruits et des athlètes renommés. En ces temps lointains, l'Armée était considérée et porter l'uniforme était un honneur. A présent, tout change. Jeunes filles et garçons ont les mêmes possibilités d'accès aux emplois et grades. Il était bon de mêler jadis les hommes de tous les horizons, de toutes les confessions et de toutes les régions. Ils apprenaient à se connaître, à s'apprécier et à s'aimer.

De gauche à droite : Insignes de la PMS, de la PM Para et de la PMT (Bronze, argent, or, selon la mention)

En complément de l'article de Maurice Froussart

Les années 40 et 50 voire 60 suivirent le même principe de préparation militaire à quelques modifications près, car l'Armée se modernisait quelque peu, avec cependant un contretemps pendant les guerres coloniales (Indochine, AFN). La guerre de 1940/1945 mit fin à cette préparation pour reprendre en 1946. La préparation militaire, sous l'égide d'un colonel Délégué militaire pour le département, avec l'aide d'officiers et de sous-officiers de réserve démobilisés, de gendarmes pour la formation et l'encadrement demeuraient en parfaite collaboration avec les sociétés de gymnastique. Ce colonel Délégué disposait également du support des régiments en garnison dans les Ardennes (Givet, Mézières, Sedan et Vouziers). Cette organisation permettait de recruter le plus grand nombre de volontaires dans l'ensemble du département. Un centre d'instruction et préparation militaire (CIPM), sous le commandement d'un officier subalterne ou adjudant-chef, lui était adjoint pour toutes les questions d'administration, de gestion et de matériel.

Les Armées de terre, de l'air et de la marine avaient leur propre organisation et pourvoyaient à leurs besoins. Pour l'Armée de terre, deux brevets principaux étaient octroyés le Brevet de préparation militaire élémentaire (PME) et le brevet de préparation de militaire supérieure (PMS).

Préparation militaire des Armée de l'air et de la marine

Vu l'éloignement des bases pour l'instruction, cette formation des volontaires se faisait essentiellement sous forme d'un stage long pendant les vacances scolaires. Pour les volontaires déjà engagés professionnellement, l'employeur était tenu de leur accorder un congé pour la durée du stage.

Les Ardennais volontaires pour l'Aviation avaient l'avantage de réaliser partiellement le stage à l'aérodrome de Douzy. Les cadres d'active se déplaçaient de Reims pour les former. Puis un stage à la Base aérienne de Reims parachevait leur instruction.

Préparation Militaire Supérieure

Cette préparation était comme par le passé réservée aux étudiants. Deux années de préparation leur étaient nécessaires pour concourir à l'examen qui généralement se réalisait à l'échelon régional dans un camp militaire lors des vacances scolaires d'été. Le lieu le plus retenu fut le camp de Bitche en Moselle. Les CIPM départementaux d'alors et la Compagnie de Camp fournissaient la logistique et le complément en cadres.

Un tronc commun aux premières et aux deuxièmes années s'effectuait au sein de CIPM de Mézières, le dimanche matin (entraînement au parcours du combattant, tir à la carabine 22 LR, aux parties théoriques et à l'utilisation des matériels de transmissions, automobiles, mines et pièges, orientation, organisation, etc.). Un stage de huit jours, le plus souvent à Mourmelon, pendant les vacances de Pâques leur permettait de se familiariser aux exercices de terrain et à l'utilisation des différents matériels.

Permis de conduire à l'issue d'un stage au 122e ERGT à Laon - décembre 1954

Lors de l'incorporation, ces jeunes diplômés rejoignaient leur affectation dans une Ecole d'Élèves Officiers de Réserve (EOR). A l'issue de la formation, les premiers classés avaient l'insigne honneur de choisir les régiments les plus prestigieux pour y servir avec le grade de sous-lieutenant ou d'aspirant (selon leur classement). A la fin du service militaire, le CIPM les convoquait pour parachever leur instruction dans une Cellule de Maintien en Condition et provoquer un volontariat pour l'encadrement des futurs prétendants à la préparation Militaire. Parallèlement ils rejoignaient les centres de mobilisation pour poursuivre leur formation à l'encadrement des régiments de réserve.

Préparation Militaire Élémentaire ou Technique

Pour la majorité des volontaires, leur instruction se réalisait au sein des Sociétés de Gymnastique ou Sportives agrées par l'armée et renforcée par des cadres, anciens militaires d'active ou de réserve. Les cours étaient dispensés le soir et le dimanche matin. Dans le milieu rural, la brigade de gendarmerie déléguait l'un des leurs pour assurer l'encadrement avec l'aide aussi d'un ancien militaire d'active ou de réserve qui prenait la responsabilité de la cellule. Le CIPM pourvoyait au matériel et à l'armement. Chaque année le CIPM organisait un stage de 8 jours de fin d'études en camp militaire ou dans un régiment de son département. Un examen sanctionnait la fin de l'instruction.

Les possesseurs de ce diplôme de PME (avec insigne : Bronze, Argent ou OR) pouvait alors choisir le Régiment pour y effectuer le service militaire. Il gagnait ainsi la possibilité de devenir sous-officier après un peloton de caporal puis un second peloton de sergent avant de rejoindre en fin de service la réserve comme leurs camarades de la PMS.

Au fil des besoins de l'armée d'active et à la diversification des Régiments de plus en plus demandeurs de jeunes formés à des spécificités, la PME devient plus complexe et offrit de nouvelles ouvertures en spécialistes : Élèves-gradés, Conducteur auto, VL et PL, Transmetteur, Parachutistes, etc. Après un tronc commun en Préparation Militaire Technique (PMT) remplaçant la PME, les futurs spécialistes feront un stage dans un Régiment ou un centre spécialisé les regroupant pour leur formation et l'acquisition de leur diplôme. Ils rejoindront ainsi les Régiments leur faisant gagner un temps précieux pour leur formation.

Ces diplômés obtiendront 10 jours supplémentaires de permission au cours de leur service militaire en guise de compensation, tout comme leurs camarades de la PMT et de la PMS.