Saint Coulomb

Saint Coulomb

Deuxième entreprise : 1948 à Saint-Coulomb

Encouragés par l’expérience concluante de 1947, où 96 garçons et 97 fillettes avaient passé à Berck d’excellentes vacances. C’est cette fois sur la côte d’émeraude, à Saint-Coulomb en Ille et Vilaine que 300 colons et 200 fillettes goûteront avec délices les vacances au bord de mer dans un petit bourg de 1.700 habitants, à mi-chemin entre Cancale et St-Malo. L’abbé Favréaux avait donc posé les jalons pour renouveler l’opération pour l’année suivante avec l’assentiment et le concours du maire et du recteur de St-Coulomb. Sa mutation dans les Ardennes ne modifiait pas sa décision de faire partager les joies des vacances à ses nouveaux paroissiens sans oublier les anciens de son précédent ministère.

Déclaration officielle.

La colonie est déclarée à la préfecture d’Ille et Vilaine et rattachée officiellement à l’UFCV (Union Française des Colonies de Vacances, organisme national reconnu d’utilité publique). Elle est contrôlée par le Ministère de l’Education Nationale.

Direction :

Pour les garçons – G. Favréaux, curé, directeur officiel ;

Monsieur l’abbé Lavoine, ancien vicaire de Mézières, curé actuel de Cumières (Marne), directeur du groupe du canton d’Ay ;

Monsieur l’abbé Lochet, professeur de philosophie au Petit Séminaire de Reims ;

Plusieurs grands Séminaristes et un grand nombre de jeunes gens pour l’encadrement.

Pour les fillettes – Une directrice et de nombreuses cheftaines.

Responsabilité :

Toute la colonie est assurée contre tous les risques accidents à « l’Urbaine et la Seine ».

Le ministère de Manchester et de Warcq

Laissons-lui la parole pour narrer sa nouvelle mutation qui l’a faite à la troisième personne : « Au déjeuner de la confirmation, le 27 mars 1949, le Maire de Louvois (Marne), disait en riant à Monseigneur :

« Monseigneur, chaque fois que vous venez confirmer chez nous, vous nous enlevez notre curé : en 1944, c’était monsieur l’abbé Garnier, que vous nommé doyen de Signy-l’Abbaye. En 1946, vous nous supprimez un mois après votre venue, notre curé Olette. Pourvu que, d’ici quelques semaines, vous ne nous enleviez pas l’abbé Favréaux !!! »

Le 1er avril 1949: tandis que, dans la rue Corbier, les enfants s’amusent à se faire des « poissons d’avril », monsieur le curé se demande s’il ne rêve pas ou bien si Monseigneur ne vient pas de lui un de ces poissons d’avril monstres tandis qu’il relit pour la troisième fois la lettre qu’il vient de recevoir de son grand chef : « …Je vous nomme curé de St-Jean Bosco de Mézières, et de Warcq… Votre changement se fera fin avril début mai… »

Le mardi : 14h30 : coup de téléphone de l’Archevêché : « Votre nouvelle paroisse est sans prêtre pour la semaine Sainte ; on ne peut laisser plus de 3.000 âmes ainsi à l’abandon. Précipitez tout, pour faire vos adieux dimanche prochain à Mareuil, Louvois et Tauxières ; et pour vous faire installer canoniquement à St-Jean de Bosco l’après-midi du même jour. »

Monsieur le curé aime la vitesse : il va pouvoir s’en donner à cœur joie. En 4 jours, liquider toutes les affaires paroissiales ; préparer la venue du successeur, organiser le départ et songer à l’installation : c’est beaucoup pour le même homme. Nous vivons à l’ère atomique ! Comme les jours ne sont pas assez grands, on prend sur les nuits… et le 10 avril 1949, en cinq cérémonies inoubliables, monsieur l’abbé Favréaux cesse d’être curé de Mareuil, Louvois, Tauxières, et devient curé de St-Jean Bosco de Manchester et de Warcq… ! »

Un accueil émouvant

Fort de ses acquis pendant les 9 ans de ministère dans la Marne (Erection de la statue de N.D du Gruget, kermesses, cinéma paroissial et colonies de vacances). Il lui manquait l’essentiel, une paroisse composée uniquement de foyers d’ouvriers La nouvelle mission dans cette double paroisse aux plus de 3.000 âmes lui donnera la mesure de ses vœux.

Arrivé en l’église de Manchester, le 10 avril 1949, il sera reçu par l’archiprêtre et par monsieur Flandre, adjoint au maire de Mézières et par monsieur Piret, au nom de la paroisse. À la sortie de l’église, la fanfare de Warcq venait chercher son curé et l’accompagna sur la route jusqu’au pont de la Meuse à 800 mètres. Là, monsieur le maire entouré de son Conseil au complet et d’une grande partie des habitants de la commune de Warcq, introduisait son nouveau curé sur le territoire de la commune avant de lui adresser un discours de bienvenu sur le porche de la vieille église.

L’entreprise était de taille, mais rien ne rebutait l’entreprenant curé qui à peine installé dans son presbytère (rue de Warcq, près du pont) à mi-chemin entre ses deux église : l’une bien vieille, les pieds souvent dans l’eau d’une Meuse impétueuse et l’autre plus récente, à l’architecture discutable. D’emblée, il pensera à tous ses enfants, la plupart déshérités qui n’ont d’autres vacances que leur horizon quotidien ou les bains de la Meuse. Il avait tout juste le temps de leur organiser des vacances dont les jeunes bénéficiaires se souviendront encore longtemps de ces journées mirifiques.

La Guimorais à St-Coulomb (1949)

La pub du curé

Extrait du mensuel paroissial « Les deux Rives » de mai 1949 :

« Mieux encore que les bains dans la Meuse…Il fut un temps où seuls, les enfants de familles aisées pouvaient se payer le luxe de vacances à la mer ou à la montagne. Depuis plusieurs années, grâce à l’organisation nationale des COLONIES de VACANCES cette lacune est comblée et de plus, les enfants de France partent en Colonie. (Plus d’un millions en 1948).

Dans nos paroisses, un certain nombre d’enfants vont chaque année, en colonie. Mais trop de garçons encore sont obligés de rester, regardant d’un œil d’envie, leurs camarades, qui partent pour quelques semaines de bonheur.

Comme nous possédons un énorme matériel de camping, tentes américaines, lits de camp, tables, bancs, marmites, etc, etc…, il serait dommage de le laisser inutilisés, alors que tant d’enfants, seraient si heureux de quitter leur maison souvent trop petite pour leurs ébats, et d’aller prendre des bains de mer, et de jouir, durant un mois de splendides vacances sur les plages de Bretagne. Combien de mamans seraient heureuses, elles aussi, de voir leur petit partir dans une région au climat tempéré, d’où il viendrait grossi, fortifié et épanoui !

C’est pourquoi, après avoir parlé aux autorités compétentes de la paroisse et de la ville, nous avons décidés d’organiser une COLONIE de VACANCES sur une des plages de BRETAGNE.

Il n’y aura malheureusement qu’un nombre restreint de places, suffisant cependant, nous l’espérons, pour les garçons de MANCHESTER et de WARCQ, qui désireraient y venir. Disons dès maintenant que seront normalement admis les garçons de 10 à 15 ans, (les 14-15 ans auront un régime de vie à part adapté à leur psychologie de jeunes).

Ajoutons que le prix demandé aux familles sera relativement peu élevé (l’an dernier, on avait demandé, pour trois semaines, voyage compris, avec nourriture extra : 3.500 fr, qui se réduisaient même à 2.000 fr pour les familles d’au moins 3 enfants ; et les enfants de cheminots étaient encore plus favorisés…).

[pour mémoire : Les bas salaires en 1948 étaient inférieurs à 12.000 fr pour 200 heures de travail mensuel].

Inutile de dire que le soleil et les bains de mer sont aussi bons pour les enfants baptisés et pour ceux qui ne le sont pas, et que, par conséquent, on acceptera n’importe quel enfant, quelles que soient les convictions religieuses de ses parents.

Quant à la question du trousseau, qu’elle n’inquiète nullement les mamans : on part avec ce que l’on a : nous ne sommes pas des fils de prince qui partent en villégiature… !

La colonie commencera dès le début des vacances scolaires, aux environs du 5 juillet.

[pour mémoire : les vacances scolaires en 1949 commençaient à mi-juillet pour se terminer en fin septembre].

En dernière heure, nous apprenons avec joie que la colonie fonctionnera aussi, immédiatement après celle des garçons, pour les filles.

Pour plus d’informations, s’adresser à : G. Favréaux, Curé de St-Jean-Bosco et de Warcq, route de Warcq à Mézières (Ardennes), Téléphone 24-83 à Mézières. »

Les frais de séjour pour 4 semaines

Les frais enfin arrêtés avec plus de précision s’annoncent effarant pour beaucoup de famille, monsieur le curé s’est échiné à trouver des solutions pour en réduire le montant :

« Nous avons essayé de réduire les frais au minimum pour nous mettre à la portée de toutes les bourses.

Le prix de revient total d’un enfant en Colonie est d’au moins 280 fr par jour, plus les frais de voyage ; donc environ 10.000 fr en tout par enfant, pour 4 semaines.

Afin de favoriser le départ en Colonie de nombreux enfants, nous demandons aux familles allocataires que 80 fr par jour, soit 2.400 fr pour les 4 semaines (y compris les frais d’assurance et de voyage).

Le reste est payé par les Caisses d’Allocations, les Comités Sociaux de certaines entreprises et… LA PROVIDENCE… »

Qu’entendons-nous par la PROVIDENCE ? D’après de nombreux témoins : « Monsieur le curé, ratissait large le recrutement des jeunes à favoriser, trop large même, ne sachant imposer des limites. Les familles ne pouvaient en faire admettre plus d’un de leurs enfants pouvant y prétendre, faute de fonds ». Monsieur Favréaux, au courant de la situation, sans même s’adresser aux parents, invitait le jeune écarté et en supportait lui-même les frais. À lui de trouver la solution pour combler ce trou de plus en plus béant. Certains affirment qu’il avait tissé un réseau fraternel auprès de ses anciens camarades de combat au cours de la guerre, d’autres attestent avoir noué des liens avec les chefs d’entreprises en particulier dans le domaine de la métallurgie en échange de quelques places à la colonie pour des enfants plus aisés. Il y avait bien d’autres cercles, des relations il s’en fit, « pour la bonne cause... » disait-il, comme pour s’excuser un peu.

Des solutions trottaient sans cesse dans sa tête, comme raconte monsieur Henry : « À l’occasion d’un déplacement en Bretagne dans sa fameuse camionnette « Phan-Labize », de retour vers les Ardennes, au cours d’une halte bretonne, il la fit charger de pommes de terre, achetés à un prix modique vu son art à la négociation. « Je les revendrai aux Parisiens au prix fort et avec les bénéfices je pourrai payer les vacances du petit Untel, et nous allons gagner également le prix de la chambre d’hôtel en couchant ce soir dans la camionnette. » Nous avons passé plusieurs heures à chercher des clients. Des clients qui avaient de l’argent, pas des pauvres, qu’il ne voulait pas gruger. En faisant ses comptes, il avait un sourire de contentement. Il lui restait un sac qu’il offrit à une famille modeste, en guise de remerciement à la …PROVIDENCE ».

Puis cette autre anecdote contée par un ancien comptable bénévole de la Colonie dans les derniers jours d’une cession:

- Père, je ne sais comment on va s’en sortir, à moins de supprimer les desserts.

- Pas question, les gosses ont le droit au dessert, combien faut-il ? Et d’un geste, il sortit de sa poche une liasse de billets pour régler la somme. Maintenant c’est mon problème et je vais de ce pas le régler.

Il prit la voiture et alla en direction de la ville. Le soir même, à son retour, un large sourire illuminait sa figure.

- Demain, ils auront leur dessert aussi, me disait-il en guise de conclusion ».

Pour soulager le père, monsieur Gire de Manchester ( 13, Bd Bronnert) se chargeait des inscriptions à la colonie des garçons et des filles.

Un village de tentes

Un des charmes particuliers de cette colonie, c’est que tout s’y passe sous la tente. L’endroit est particulièrement bien choisi, l’un des plus beaux de toute la célèbre côte d’Emeraude : LA GUIMORAIS, plage d’un petit hameau du bourg de Saint Coulomb, à mi-chemin entre cancale et saint-Malo.

La plage qui s’étend entre ( à suivre...)