Les octrois

Les octrois

En parcourant la ville de Mézières à pied on découvre les anciens bâtiments utilisés jadis par la ville pour s'octroyer des taxes de passage sur certaines marchandises achetées dans d'autres communes. Pour se faire, la ville avait créé, à tous les points de passages obligés, des édifices de prélèvement de taxes avec bureau et logement occupés par un receveur patenté. Ces bâtiments existent encore, av. d' Arches, route du Theux, av. du 91 ème RI à Mohon et rue de Warcq. Ils sont reconnaissables par une inscription en fronton les identifiant. Ces impôts communaux ont perduré jusqu'en 1948.

Un peu d'histoire selon le Quillet :

"Avant la Révolution, quand la ville ne pouvait subvenir à l'acquittement de ses charges au moyen du produit de ses biens, elle sollicitait l'autorisation d'établir à son profit certaines taxes sur les objets destinés à la locale. Ces taxes reçurent le nom d'OCTROIS parce qu'elles ne pouvaient pas être établies que moyennant une concession royale. Dans le principe, elles ne furent exclusivement perçues au profit des villes, mais à partir de 1663, le Trésor en préleva une partie à son profit.

Les octrois furent supprimés, en 1791, par la Constituante; mais, comme cette mesure privait une foule de villes de la partie la plus considérable de leurs revenus, ils furent rétablis en principe par la loi du 9 germinal an V (29 mars 1797). Depuis lors, cette matière a fait l'objet d'un nombre de lois, décrets, et ordonnances parmi les quelles les plus récentes furent la loi du 10 août 1871, la grande loi communale du 5 avril 1884 et celle du 20 janvier 1941.

A Charleville et Mézières les octrois furent instaurés en 1802 à la demande conjointe des deux villes qui se rivalisèrent en taxes et génèrent considérablement les échanges entre les deux villes. Charleville en installa deux , un au Moulinet et l’autre en haut des Allées.

L'octroi, cette "douane intérieure" soulevait depuis longtemps de vives critiques. Les frais de perception absorbaient souvent la recette et la gêne de cette forme d'impôt apportait à la circulation des biens de consommation était considérable. Dès avant 1939, les octrois communaux étaient en voie de disparition. Ils avaient été fréquemment remplacés par les octrois intercommunaux. Le décret du 9 décembre 1948 portait réforme fiscale a achevé l'évolution en supprimant tous les droits d'octroi à dater du 1er janvier 1949.

En fouillant les journaux des délibérations de Mézières

Octobre 1924 : à la demande de monsieur le préposé en chef de l'octroi et sur proposition de monsieur le Maire appuyée d'un avis favorable donné en commission plénière, le Conseil vote une augmentation réglementaire de traitement, de chacun 100 francs, à MM Chaudron et Coppée, receveurs d'octroi, avec rappel du 1er juillet 1924.

Le conseil accorde également une gratification de 100 francs à monsieur Josset, ancien receveur, qui, à titre d'employé auxiliaire, assure d'une façon sérieuse la partie d'écriture du bureau d'Arches, exerce, en dehors de ses heures de service, une surveillance très active sur le quartier de Manchester. Il sera remplacé dans ses fonctions par monsieur Gérard surveillant d'octroi à compter du 1er juin 1926.

12 juin 1930 : le Président de l'Office Départemental d'Habitations à bon marché transmet au maire de Mézières une demande d'exonération des droits d'octroi sur les matériaux entrant dans la construction des 68 logements à bon marché du programme de 1930. Il souligne que les résultats de l'adjudication des travaux de construction de 68 maisons individuelles à Manchester ne lui permet pas de donner suite en raison de l'élévation des prix obtenus et espère pouvoir réduire ce prix qu'en comprimant ses prévisions concernant la nature des matériaux prévus. Désireux de ne pas augmenter le chiffre de 148 francs, le loyer mensuel, il demande à la ville de faire un effort pour l'aider en l’exonérant les droits d'octroi à l'instar de Charleville et Rethel qui ont accueilli favorablement sa requête.

Après en avoir délibéré, le Conseil décide de ne pas faire droit à la demande en invoquant que la ville ne doit pas aller plus loin dans son effort financier après avoir fournit les terrains gratuitement et garantit l'emprunt.

Le Conseil municipal vote le 15 mars 1932, en addition au crédit de 69.100 francs ouvert au budget de l'exercice 1932 sous la rubrique "Traitement du personnel de l'octroi", un crédit de 5.200 francs pour renforcer momentanément et rendre plus efficace la surveillance des entrées et des sorties des objets soumis à l'octroi.

Deux octrois à Manchester

Madame Hénon témoigne de la période du déplacement du siège de l'octroi de Manchester:

"Dans les années trente l'octroi à la croisée des chemins, route de Warcq et rue de la Haillette, ne donnait pas entière satisfaction. Les maraîchers de St Julien et les exploitants des carrières dont les terres se trouvaient dans l'île de St Julien étaient sans cesse contrôlés alors qu'ils étaient dans leur commune et n'avaient pas à payer de taxes. Cet excès de zèle de la part du receveur avait pour cause une perte de temps et quelques échanges de propos malveillants. La ville opta pour le déplacement du point de contrôle en y installant un baraquement sur la route de Warcq en face de celle occupée par le cordonnier luxembourgeois sise à côté du chemin Napoléon. Ce poste était tenu par monsieur Fautras, propriétaire de la maison rachetée par la suite par madame Serre (belle-mère de Guy Canon)."

Madame Hénon qui résidait à l'époque dans l'ancien café "le Soleil " (à l'angle de la route de Warcq et l’actuelle rue Scamaroni) payait les taxes d'entrée sur les marchandises achetées à Belval, tels que le bois de chauffage, les produits fermiers et les fruits. De retour d'évacuation en octobre 1940, elle se souvient du pillage organisé par l'occupant profitant du départ des résidents. Les draps de monsieur Fautras avaient aussi pris la voie de la réquisition, il en était furieux. Nous dûmes aller chercher nos ausweiss et des affichettes à placarder sur les portes des habitations réoccupées avec la mention "INTERDIT A LA TROUPE ALLEMANDE SANS AUTORISATION". Elle précise avec une pointe ironique que "cela ne manquait pas de délicatesse!".