La kermesse du 2 juillet 1950 de Manchester se devait innovante. De nombreux comptoirs, des attractions diverses, des concours de boules et de tir, une tombola étaient à l'affiche du journal paroissial, qui annonçait, en outre, un spectacle sensationnel. Le comité des fêtes, organisateur, avait une idée en tête : étonner les badauds avec une évolution d'une voiture sans pilote sur le nouveau terrain paroissial, près de l'église. L'abbé Favréaux, curé des paroisses de Manchester et de Warcq, possesseur d'une camionnette, s'était proposé pour assurer le transport, en accord avec monsieur René Roze détenteur de l'engin équipé par ses soins.
A peine débarqué, les curieux circonspects observaient la scène du coin de l’œil, ils eurent un petit sourire à la vue de l'étrange bolide qui était dans l'instant opérationnel. Monsieur Roze s'équipa d'une valise dont la bretelle la maintenait au niveau de sa ceinture. Les spectateurs virent qu'il s'agissait d'une boite de commandes assez rudimentaires et compliquées.
Un animateur annonçait l'événement exceptionnel : " défit lancé par le journal l'union à l'attention de monsieur Roze, Radio-technicien à la suite d'un article paru dans la presse sur l'événement extraordinaire réalisé trois ans plus tôt par les Américains. Monsieur Roze âgé de 25 ans, avait relevé le défit. Son père, propriétaire de Radio-Ardennes, route Nationale ( 184, av. Ch. De Gaule), l'encouragea dans son projet et mis à sa disposition les moyens matériels. Après plusieurs mois de tâtonnements et de mises au point, sans plans, ni donnés techniques, en parfait autodidacte, son oeuvre aboutissait enfin." Puis s'ensuit une énumération technique, pour épater la galerie.
Invitant les badauds à former un large cercle autour de lui, René Roze s'employa à diriger à distance son engin avec dextérité. Ce fut la surprise totale, la foule écarquilla des yeux et eut un petit mouvement de recule. Les sourires narquois et la mine goguenarde avaient fait place à une étonnante admiration. Quand d'autres novices venaient jeter un oeil sur l'engin à l'arrêt, le détaillant en connaisseur ou en exprimant un certain scepticisme, monsieur Roze, joueur impénitent, esquissa quelques manœuvres bien contrôlées, jetant ainsi la confusion ou l'effarement.
La voiture radio-guidée
Monsieur Roze, intarissable sur le sujet, nous livre quelques détails sur sa réalisation : "Initialement, je voulais construire, par mes propres moyens, un véhicule radio-guidé. Je me tenais au courant des progrès techniques de la radio. Je me suis fié à mes connaissances et à mon instinct. Il est vrai que j'étais à la bonne école auprès de mon père dont le montage des radios (TSF) et le dépannage étaient son métier. Employé dans son entreprise, il m'avait transmis sa qualification et ses découvertes. Devant les difficultés rencontrées et son délai de réalisation d’un véhicule, plus modestement, j'ai jeté mon dévolue sur l'automobile d'enfant que mon père m'avait offerte. Construite de ses propres mains, c'était un modèle réduit au 1/3, réplique de son Amilcar modèle 1922. J'y ai apporté quelques modifications comme par exemple : des roues à plus grande portance. Elle pouvait ainsi supporter le poids de deux hommes. Équipée d'une batterie de 6 volts (135 ampères) qui sert à la propulsion au moyen d'un système analogue à celui des voitures électriques. L'impulsion est donnée par des ondes ultra-courtes de 5 mètres du pupitre à l'antenne installée sur le véhicule. Le démarrage est obtenu par la pression sur un des quatre boutons du pupitre. Les trois autres agissent sur les bras de direction et sur l’arrêt. Les relais proviennent d'un avion et d'un char d'assaut britannique dont j'ai modifié le bobinage. Sa vitesse, relativement lente, de 6 k/h est suffisante pour son évolution lors des démonstrations au profit du public".
Chaque samedi, dans la cour de son établissement, l'ingénieux bricoleur présentait au public son ancienne voiture d'enfant, transformée pour la circonstance, qui évoluait dans un circuit sinueux, dressé d'obstacles. Il avait pris soin de l'habiller d'une carrosserie en aluminium portant sa publicité. Sollicité de toutes parts, à Mohon, à Sedan, à Vivier-au-Court, à Haybes-sur-Meuse, à l'exposition agricole etc... le jeune René avait acquis une sorte de célébrité purement gratuite.
René Roze, à ce jour, retraité, a toujours gardé la passion d’étonner son prochain par des réalisations insolites. Il a transformé l'ancienne entreprise familiale en musée. Sans rendez-vous, gratuit, à voir sans modération.
Retour à : Fêtes du quartier