Danielle PATUEL
Danielle Patuel devant l'une de ses peintures lors d'une exposition.
Peintre, poétesse et romancière, Danielle Patuel est l’autodidacte qui élabore ses œuvres hors des contraintes artistiques qui nuisent à l’expression vraie des sentiments. Elle ressemble à tous ses artistes non conformistes, plus artisans qu’artistes, qui doivent leur renom à l’authenticité de leurs œuvres.
Petite fille déjà l'art l'habitait. Solitaire par choix, voire même par goût, appréciait le cocon familial pourtant contraignant par son incompréhension. Danielle Patuel, de santé fragile, baigne dans un monde plein de délices qu'elle s'invente pour elle-même avant que ce dernier, trop dense, doive être partagé sans mercantilisme. "Touche à tout" avec bonheur, elle se régale d'écriture et de peinture. Deux longs séjours en hôpital feront qu'elle rédige sans discontinuer. Il faut attendre ses 63 ans pour qu'enfin, elle publie son premier roman. De salon en salon les expositions se succéderont. Elle en recueille les fruits intimement réservés qu'elle offre à un public critique ou se mêle le bon sens et le ton grinçant. Nonobstant les amers, elle reste elle-même et poursuit son oeuvre de monologue sans voix, rien que pour soi, qui est autant de régal pour ceux qui savent apprécier l'effet bénéfique d'un travail que l'observation, l'écoute, l'imagination et leur évocation sont fidèlement reproduits. Une densité époustouflante, seulement gênée par une santé précaire qui nuit à son épanouissement.
Un contexte favorable
Née de famille de souche ardennaise à sedan en 1924, elle vit avec ses parents à la rue Alexandre Ribot dès sa construction en 1933. Mademoiselle Patuel reste fidèle au quartier dont elle apprécie la subtilité des mariages des classes et l'activité précoce des associations caritatives. Des aléas de santé l'obligent à quitter très tôt l'école et dans sa chambre close, la jeune fille poursuit cependant quelques études de dessins. En secret, elle emplit des pages et des cahiers d'impressions qui lui serviront pour ses romans et ses nouvelles. La poésie la démange et lui trace un chemin qu'elle sait d'instinct parcourir en cueillant les fruits qui y abondent. En 1939, le monde de l'enfance et son exubérance a longtemps fait place au réalisme de l'adolescence, consciente qu'on ne peut vivre de rêve et de chimère, elle s'inscrit aux cours du soir de sténo-dactylo. L'exode la prive d'examen et dès son retour dans les Ardennes elle sera employée au Commissariat Technique de la Reconstruction Immobilière. De simple dactylo, la jeune Danielle sera d'emblée reconnue pour ses talents de dessinateur et mise à l'épreuve au départ des hommes pour le S.T.O. Des cours par correspondance, sanctionnés par un diplôme de "commis d'architecte", lui assument sa qualification et sa confirmation dans l'emploi au sein du Service de l'Architecture et de l'Urbanisme de la préfecture des Ardennes.
Une passion qui coûte
En 1982, Mademoiselle Patuel prend sa retraite qu'elle partage avec sa vieille maman dans le même logement, (9, rue Barrillon à Manchester). Cette fois, les contraintes se dissipent et laissent le libre cours à sa soif de créativité. Toutes les oeuvres peintes, aquarelles, gouaches, huiles ont pour origine la nature et les fleurs, mais aussi des jeunes personnages mêlés aux animaux, des scènes fantastiques. Pas d'école ni de maître à penser, seule son inspiration la guide.
Publier des romans à compte d'auteur coûte cher, la boulimie de peintures s'y ajoutent, elle se résout à exposer pour un maigre bénéfice qui tout de suite est investi dans la composition. C'est à ce prix qu'elle se sent libre et refuse de copier un auteur ou de se laisser influencer par une oeuvre connue ou réputée.
Une oeuvre reconnue et récompensée
L'écriture la dévore, "Michel et les siens" premier roman, inspiré de faits authentiques sur l'exode de mai 40 et de ses conséquences sur les héros imaginaires d'une saga familiale en Ardenne pendant les années trente jusqu'aux années soixante-dix. Ce pavé de 600 pages sera vite récompensé par son admission à la société des Écrivains Ardennais , par le prix "Ardennes - Eiffel" en 1993 et l'attribution d'une médaille de vermeil à l'occasion du dix-neuvième grand concours de l'Académie Internationale de Lutèce (AIL). Retenons une louange particulière de madame Mursais , membre de l'AIL, qui résume parfaitement le mérite de l'oeuvre.
" Il est difficile d'ajouter une étude au sujet de cet intéressant roman, à la suite des critiques existant dans la préface. Cependant, en dépit de sa densité, il mérite d'être lu page à page, car chacune contient un détail captivant évoquant soit la nature belle et changeante des ardennes boisées au fil des saisons et des ans, soit des allusions psychologiques pudiques et délicates, chaque personnage restant attachant par la qualité de son âme. Paris le 7 avril 1988."
Du bel ouvrage en somme façonné depuis de nombreuses années parce qu'il fallait l'achever " comme une broderie , un canevas..." selon son expression. Ce premier roman sera recopié sur trois gros cahier et offert à sa mère. "Par la suite je l'ai fait lire à deux personne de confiance. Un jour, j'ai fait la connaissance de Théophile Malicet... qui m'a donné les noms de plusieurs éditeurs... son soutien fut essentiel"
Précédemment, un autre roman "les dernières vacances" fut récompensé au concours international littéraire de 1984 par les Arts et Lettres de France.
Encouragée, mademoiselle Patuel ose récidiver en publiant les trois tomes de "Château en Ardenne", histoire authentiquement imaginaire d'une famille de châtelains ancrée sur un domaine de la Vallée de la Meuse entre 1946 et 1986, lit-on dans une coupure de presse de " l'Ardennais". Edmond Braulx, le secrétaire des écrivains ardennais préface son ouvrage ainsi : " Nous ne sommes pas dans l' univers faux et sucré de certains téléfilms que nous adressent les studios Hollywoodiens. Nous avons bien à faire ici à des créatures humaines, toutes estimables, chacune singulière, avec son mystère. Roman psychologique aux subtiles variations. Roman de mœurs où rien de ce qui constitue le quotidien de l'existence, y compris le plus humble, n'est éludé "
Plusieurs contes de Noël et quelques poèmes seront aussi récompensés par l'AIL en 1993. Ce qui la conforte dans une tranquillité studieuse pour continuer à écrire des recueils et des nouvelles. Sa santé se dégrade, mutile sa charge de travail que son inspiration, toujours débordante, impose. Des ébauches restent à l'état de projet et mademoiselle Patuel regrette de ne plus les assouvir à sa guise. Néanmoins encouragée par de bonnes âmes, elle n'abandonne pas et prépare une nouvelle exposition de peintures, à thèmes, qui sera une exposition permanente. La Société des Écrivains Ardennais publient régulièrement ses poèmes par l'entremise des éditions Panthéon (charme félin et les nouvelles "Rencontres"). D'autres manuscrits non encore édités comme le roman "L'héritière de la Grosse Pierre" et les nouvelles "Adèle et Agathe" ne lui semblent pas être sa préoccupation; le monde actuel n'est pas très attaché à la lecture et les comptes d'auteur sont coûteux.
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