02 - Mardi 8 mai 2007 - De Corbeny à Saint Thierry

Le chemin des dames

« Salve Regina, Mater misericordiae…. » Au petit déjeuner, l’hôtelier vient s’excuser de n’avoir pu nous accueillir hier soir. Le pèlerin est pour lui un client bien sûr, mais au-delà pointe une certaine complicité. Beaucoup de jacquets passent ici mais peu de romieux, une douzaine par an. Il nous raconte une anecdote : un italien qui avait fait de trop grandes étapes s’est vu contraint de poursuivre avec un vélo acheté à Reims.

Le soleil nous accompagne dans la première partie de cette journée, jour férié pour la France. Nous dépassons vite les pancartes indicatrices du si célèbre « Chemin des Dames ». En signe avant- coureur des jours à venir, il y a une vigne à la sortie de Corbeny.

Avant de franchir l’Aisne à la sortie de Pontavert, nous faisons une halte restauration sur les marches de l’église, fermée bien sûr comme toutes les églises rencontrées. Mais Dieu qu’il y fait froid ! Il faut grimper sec pour atteindre la place du village de Roucy. Le ciel prend une belle teinte bleue noire. Les restes d’un prieuré se laissent voir de la route. D’ailleurs, cette étape, comme la précédente, est toute en montées et descentes. Encore une fois, le vert dans tous ses états domine – du vert tendre des jeunes pousses au vert presque bleu du blé déjà en épis. L’immensité des champs de céréales dénués de tout arbre et de toute haie ne manque pas d’impressionner.

A la sortie de Roucy, l’orage nous surprend et nous sommes trempés avant que les capes soient enfilées. Dans les chemins qui nous mènent à Châlons le Verjeur, les chaussures pèsent des tonnes. Il faudra pourtant bien songer à s’arrêter pour ne pas reproduire l’erreur de la veille. Sur une butte, un peu avant Hermonville, une croix s’abrite sous un arbre et regarde depuis des décennies vers un horizon que rien n’arrête. Ce sera notre havre pour déguster un repas préparé avec tant de gentillesse. Dans la descente qui conduit à Hermonville, les premières vignes font leur apparition. On mène grand tapage dans ce village dont la traversée paraît sans fin. C’est le moto-cross. La sonorisation de l’évènement nous poursuivra jusqu’à Villers Franqueux et au-delà. La circulation n’a de cesse sur cette route que nous sommes obligés de suivre. A partir de Thil, la route s'élève. Dans ce dernier village quelques maisons nous laissent deviner les difficultés économiques des producteurs de Champagne ! Un vigneron nous confirmera cela dans quelques jours. Dans la dernière montée vers St Thierry, un promeneur s’interroge sur l’identité de ces grappes de fleurs blanches qui sentent si bon et si fort. Il me semble que c’est de l’acacia. Vérification faite, il s’agit du robinier faux acacia. La brocante annuelle anime les rues de St Thierry et c’est de nouveau le tumulte de la circulation et la foule

On découvre l’entrée de l’Abbaye en plein centre du bourg. Une fois le portail franchi, un havre nous attend. La sœur hôtelière a bien du mal à confirmer que la liste des invités comporte notre nom. Une chambre à l’équipement sommaire nous est attribuée au deuxième étage de l’hôtellerie. Elle a un petit air de pensionnat. Des américains arrivent peu après. Ce sont des « pèlerins motorisés » sur les pas de Jeanne d’Arc.

Du parc de l’Abbaye, la vue sur Reims ressemble à une image de cinémascope.

Sœur Marie Madeleine, avec qui j’avais échangé quelques courriers électroniques, prend un peu de son temps pour faire la conversation et présenter l'abbaye.

La communauté paraît importante – 25 sœurs mais la moitié d’entre elles a plus de 70 ans. La crise des vocations est donc bien réelle. Fort tentée d’utiliser ses vacances pour faire le chemin de St Jacques, elle s’enquiert des possibilités. Etre accueillis dans une communauté donne la possibilité de partager un peu de la vie de celle-ci. Les vêpres à 17h30 sont pour nous l’occasion de prier et de faire un peu d’introspection, ce qui manque souvent dans des lieux d’accueil plus agités Nous dînons à 19 heures de manière frugale avec un prêtre de Lesneven en retraite pour quelques jours et une libanaise de Paris. La conversation ne dépasse pas les propos convenus mais nous apprenons des choses intéressantes sur ce fameux livre « 38 ans – curé de campagne ». Notre tentative d’assister à Complies tourne court. Est-ce la bonne heure ? Dans notre chambre, chacun se glisse dans le « sac à viande » en se disant : « nous aurons sans doute froid cette nuit ».

Hébergement au Monastère des Bénédictines

Accueil : excellent

Conditions de logement : spartiates

Prix : ce que l'on veut

De Saint Thierry à Mailly