07 - Dimanche 5 août 2007 - De Champlitte à Seveux

Le chemin du vide sidéral

Nous sommes contraints et contrits de ne partir que vers 8h40. La sortie de Champlitte monte un peu, peut-être ne sommes-nous pas sur le bon chemin. Elisabeth souffre des pieds et réclame le baume d’échauffement. Mais très vite, les marques du chemin balisé « Villages de Haute Saône » sont visibles. Un moment, elles s’arrêtent à l’entrée d’un champ fraîchement fauché ; elles réapparaissent peu après.

A Neuvelle les Champlitte, à la sortie du village, nous posons le sac sur le perron d’une maison manifestement abandonnée. Aussitôt, un vieux monsieur vient nous faire la conversation. Notre destination ne l’étonne pas. Il nous fait partager son expérience du sac à dos pendant la guerre (laquelle ?). « Le sac à dos est une bonne invention, disait-il à l’époque, mais si je tenais celui qui a inventé les bretelles… ! ». Nous ne pouvons malheureusement pas prolonger la conversation, il reste un paquet de kilomètres à faire. Le soleil chauffe de plus en plus fort. Pour Elisabeth, les pas se font de plus en plus lourds. Le « jour sans » qui fait une visite à chacun de nos périples s’annonce pour aujourd’hui, une des étapes les plus longues de notre voyage. Nous nous efforçons de suivre le sentier de pays dont les marques ne sont pas toujours évidentes. A la sortie de Montot, on quitte la départementale pour un magnifique chemin blanc qui part à travers champs. Notre intention est de faire une bonne halte à Dampierre. Bientôt, trois chemins, un à gauche, un à droite et le dernier tout droit s’offrent à nous. L’église de Dampierre sonne midi, quelque part vers…..vers où ? Option est prise de continuer tout droit. Un quart d’heure plus tard, le chemin s’arrête à la lisière d’un bois impénétrable

L’égarement joint à l’immense fatigue font craquer Elisabeth. Essayons de contourner le bois en marchant dans de hauts chaumes qui rendent la progression pénible et qui piquent les jambes. Le bois contourné, voici un autre bois tout aussi impénétrable. Quelle galère ! Il faut obliquer à gauche toute et se payer sur des centaines de mètres ces chaumes impossibles sans être sûrs de trouver une issue, car on ne voit rien qui ressemble à une route ou à chemin. La perspective de devoir faire demi-tour coupe les jambes et fait pleurer Elisabeth. C’est vraiment un jour sans.

Mais il y a toujours un dénouement heureux. Un chemin encaissé donc invisible conduit au hameau du « Fourneau », faubourg de Dampierre. Nouvelle halte au cimetière pour faire le plein. Une zone ombragée sur le bord du Salon nous accueille vers 13 heures. Elisabeth se couche et ne veut pas manger ; elle est à bout de force, frigorifiée malgré la très grande chaleur.

Ces jours-là, on rêve un peu de vacances tranquilles. Pourquoi cette marche, que veut-on prouver ? Il serait si facile de reprendre le train vers une villégiature plus tranquille. Mais, n’est-ce pas cela, la vie ? Des efforts, des échecs, le bonheur de l’accomplissement. Vers 15 heures trente, je propose que nous repartions. Je dis qu’il reste six petits kilomètres (qui sont sans doute 8), que nous allons mettre le temps qu’il faut mais qu’à priori, dans deux heures, nous serons sous une douche revigorante, ou les pieds en éventail.

Dampierre est désert de chez désert. Sur la place centrale, un immeuble de verre et d’acier digne de la Tête de Défense reflète des habitations traditionnelles. Que fait ici cet immeuble ? La sortie de Dampierre est interminable. Il fait une chaleur d’enfer. Au carrefour de la route qui mène à Autet et aux bords de Saône, route empruntée par un nombre incalculable de voitures, tout le monde va faire trempette en ce dimanche de canicule, c’est encore Dampierre. Elisabeth traîne, traîne : elle n’en peut plus. Nous choisissons de suivre la départementale jusqu’à Seveux, forte circulation, des montées sans fin sous un soleil de plomb, calvaire, tentation de faire du stop. Trois kilomètres avant Seveux, Elisabeth pose son sac, définitivement. Après une brève engueulade, fruit de mon orgueil mal placé et que je regrette toujours aussitôt, elle appelle avec le portable notre hôtesse de ce soir. Peu après, la voiture arrive et Madame propose des boissons fraîches avant de nous embarquer. Monsieur et Madame Musselwhite, anglais installés depuis peu d’années à Seveux, disposent de plusieurs chambres d’hôtes dans une maison de pays très bien rénovée. L’accueil est très très chaleureux. Tiens, des anglais qui écoutent de la musique irlandaise ? « Pourquoi pas ! » me dit Madame. Manifestement, ils misent beaucoup sur le développement de la Via Francigena ; leur signalétique en témoigne.

Mais il faudra attendre 18 heures pour la douche : question de déclenchement du chauffe-eau. Ce n’est pas grave.

C’est avec grande gentillesse qu’ils nous proposent la terrasse ombragée pour dîner ; la table est mise spécialement pour nous et ils nous offrent une boisson fraîche, de la bière aux herbes des Alpes pour moi. Cela nous rappelle un accueil identique dans les mêmes circonstances par un autre couple d’anglais à l’Aube Nouvelle, lors de notre périple vers Compostelle l’année de la canicule. Lorsque nous voulons quitter la table, nous sommes priés d’accepter une part de tarte aux prunes tout chaude.

Depuis que nous marchons au long cours, le constat est toujours le même : une journée catastrophique se termine toujours par un moment chaleureux. « Nous sommes le peuple de la longue marche, peuple des chrétiens, peuple de frères… »

Nous nous couchons heureux dans un très bon lit. Mais la chasse d’eau fait du bruit… !

Hébergement B&B Musselwhite

Accueil : extraordinaire

Conditions de logement : très bonnes

Prix : très raisonnable

De Seveux à Frasne