Pourquoi partir à pied ?

Ni bigots, ni ascètes, ni marathoniens, rien que de curieux marcheurs curieux

A chacun son chemin ! Ceux qui randonnent répètent souvent cette maxime bien qu’ils aient une idée très précise de ce qu’ils doivent faire et de ce que devraient faire les autres.

En nous fixant Rome comme objectif en décembre 2006, nous n’avions ni besoin de prouver quelque chose, ni besoin de couper les ponts avec une société par trop « pourrie », ni besoin de mortification au nom d’une religion mal comprise, ni besoin de psychanalyse pour se trouver ou se retrouver, ni ……..rien que le désir de partir libres vers un lieu central de notre civilisation sur une route chargée d'histoire.

La marche vers Rome devait constituer un pèlerinage, au sens étymologique du mot, dans lequel nous placions les quelques espérances suivantes : partir de chez soi, voir, rencontrer les autres (les gens et les autres pèlerins), méditer, et enfin profiter.

Nous sommes partis et repartis sans contraintes et sans appréhension. Mais, partir de chez soi, cela n’a de sens que si l’on va chez les autres. « J’irai dormir chez vous » dit l’émission de télévision. On ne peut et on ne doit pas être un passant fantôme. Nous avons par exemple eu la chance d’être accueillis dans des B&B en France et ailleurs. Derrière ces accueils, ce sont des vies, des visages, des attentions que nous conservons au plus profond de notre cœur. Ce sont des vies quotidiennes partagées un bref moment et qui constituent le millefeuille de notre connaissance du monde et des autres.

Nous voulions voir les paysages, les villages, les monuments, ne pas recommencer la course poursuite du Camino Francès qui nous a marqués à vie. En prenant notre temps, en ne courant jamais après les hébergements, nous avons goûté chaque jour les beautés qui sont des multitudes entre Laon et Rome.

Nous voulions rencontrer les autres, en dehors des hébergements. Les rencontres de loin les plus fréquentes auront été, dans l’ordre, les pancartes « Propriété privée », « Attention aux chiens », « Chasse gardée », puis les chiens et les oiseaux. Des visages disparaissent derrière des rideaux vite refermés en France. Des personnes fuient nos demandes de renseignements. Même si tout s’est un peu amélioré en Italie, on peut dire que le pèlerin n’est pas vraiment prétexte à conversation.

Nous voulions rencontrer d’autres pèlerins, sur le chemin, dans les accueils. Ingrid et Heinz seront les premiers rencontrés : c’était déjà entre Parme et Sienne ; Avant, rien, rien, rien. Toutes les journées seuls sur les routes et les chemins. Weill dit que le chemin de Rome est un chemin de solitude ; il a bien raison. Puis en voilà 6 à Radicofani, 2 à Vetralla, 10 à Campagnano. Nous correspondons désormais par mail avec Ingrid et Heinz. Des rencontres au compte goutte mais très riches.

Nous voulions méditer. Nos carnets de route ont été nos fidèles compagnons de réflexion. Des hommes et des femmes d’église remarquables ont illuminé certaines de nos rencontres et nous ont fait dire : « Mais oui, Dieu existe ! » Sœur Marie Madeleine à Saint Rémy, Monseigneur Roduit à St Maurice, Père Alberto à Vercelli, Don Renzo à Campagnano. Des hommes et des femmes avec un cœur si grand qu’on s’y noyait nous ont accueillis, rassurés, dorlotés : Mme Renaudin, Mme Musselwhite, M Barrault, Roberto et Pino, et tant d’autres que nous oublions sûrement et qui nous ont fait réfléchir sur le prix de l’humanité et de la paix.

Nous voulions profiter, expérimenter. Un col à Jougne, un autre au Grand Saint Bernard, des ruisseaux franchis à gué, des grandes routes expérimentées sur les voies d’arrêt d’urgence, des chemins qui se perdent dans des bois sans issue n’ont pas eu raison de notre détermination. Combien de vins goûtés, combien de plats testés, combien de fous rires dans des soirées de décompression ! C’est inimaginable de petits bonheurs.

Alors, les esprits chagrins diront : A quoi bon ? ». Les balisages n’existent pas ou sont faux. Et puis, l’Italie, « c’est beaucoup de route, n’est-ce pas, donc pas intéressant. ». « Et puis, attention, il y a les vrais et les faux parcours, suivez le mien, pas celui de l’autre ! ». Foutaises que tout cela. Ce chemin, notre chemin de Rome, chemin de couple qui nous a fait avancer encore un peu plus ensemble, est pour nous une voie magnifique pour laquelle nous remercions tous ceux qui nous ont aidés …. et, tiens, une pensée particulière pour Capucine qui, à Chavanges, a dû naître quelques jours après notre passage : Capucine comme le symbole d’une expérience singulière qui va grandir en nous et nous inviter à aller plus loin, maintenant que nous sommes de retour !

Ultreïa !