02 - Mardi 31 juillet 2007 - De Clairvaux à Lanty sur Aube

Le chemin des prunes

Peut-on vraiment dire que nous avons passé une bonne nuit ? Le petit déjeuner servi au bar arrive par bouts, rien de très académique en fait. Et aurons-nous les sandwiches promis ? Un convive de nationalité allemande nous interpelle, nous croyant sur le chemin de Compostelle. Au moment de partir, tout rentre dans l’ordre : mais il n’y a que deux paquets pour ce midi. Aïe ! Le pull est le bienvenu.

Nous comptons beaucoup sur le bistrot station service pour nous fournir un complément d’alimentation pour la journée. Il n’y aura hélas que quelques barres chocolatées dont il faudra bien se contenter. Des piliers du bar s’étonnent de notre destination – cela leur est en effet difficile à imaginer, appuyés dès l’aube à un comptoir.

Sitôt la sortie du village, nous empruntons une route forestière dite « le vallon de Saint Bernard. » La fontaine se fait attendre au point que nous pensons avoir raté le lieu. Enfin, dans une clairière au charme indescriptible : petit ruisseau, pelouse, arbres et soleil levant qui joue avec les feuilles, voici la fontaine. Qui pourra croire que les moines, en 1115, venaient chercher l’eau ici ? Il doit y avoir une autre explication. Le lieu enchante. Il y règne un calme et une lumière apaisants. La route se poursuit en forêt quasiment jusqu’à Villars en Arzois ; une petite pause dans les bois permet de grignoter une des précieuses barres. Sitôt passés sous l’autoroute, un chevreuil qui broute tranquillement dans l’allée forestière nous met en arrêt. Dans les jours à venir, nous en verrons un grand nombre. En vue du village, un verger de pruniers aux arbres croulant sous les fruits se fait tentation. Hélas, entrée interdite !

A midi, nous faisons une courte halte sur la place de l’église, pensant profiter d’un relais de téléphonie dépassé quelques centaines de mètres plus tôt. Mais rien ne passe : Villars occupe un creux. Il faut retenir les deux particularités de ce village : il possède un château du 16 ème classé monument historique et deux boulangers ambulants le desservent le même jour à la même heure ! Le boucher, c’est quand ? A une descente succède immédiatement une montée. Villars, que nous quittons aussitôt, ne nous paraît habité, non pardon occupé que par des résidents secondaires (sans jugement de valeur car, là encore, personne d’autre dans les rues que des voitures aux numéros divers). Nous en profitons pour glaner quelques prunes et mirabelles. Un coup de rein nous propulse en position dominante, à l’orée d’une nouvelle forêt.

Le sac posé, la cape étalée, jugeant que la halte de ce soir n’était désormais plus très éloignée, résolution est prise de bien profiter de cette position. Il fait très très beau. Les deux sandwiches déballés se révèlent être des « méga sandwiches » complets, jambon et fromage inclus – un régal. Le repas avalé, la sieste s’impose, puis la lecture, et de nouveau un petit somme. Le pied, quoi ! Vers 15 heures, nous reprenons notre progression à travers une forêt dense, sombre et jalonnée de bizarres bornes en pierre sur lesquelles des chiffres sont gravés sans suite logique perceptible. Imaginez une navigation dans ces bois avec une carte au 1/100 000 ème sans boussole. « C’est cette sente qu’il faut prendre. Mais, non réfléchis, c’est plutôt celle-là ! » Et qu’arrive-t-il sinon une légère dérive puis,… plus de sentier. A l’estime, nous obliquons dans l’objectif de couper la départementale 396 qui dessert (presque) Lanty.

Objectif atteint, mais il faut se la payer cette route passante sous un soleil de feu. A la hauteur de la ferme de Xains, faut-il récupérer le sentier pour quitter cet axe infernal ? Décision est prise d’assurer ; il ne reste plus grand chemin à parcourir. Lanty nous apparaît comme un joli petit village, très ramassé, et fleuri à merveille. Ce bourg de Haute Marne compte environ 150 habitants et dispose d’un monument historique : une affinerie du 18 ème siècle. Il est entouré d’immenses champs récemment moissonnés dans un paysage très mamelonné.

Un villageois, rencontré dans l’allée qui mène à l’église, nous informe que le seul café du bourg est fermé pour vacances et nous indique le chemin du gîte qui va nous accueillir. Si l’on veut visiter l’église, c’est maintenant ou jamais. Non, merci, se poser d’abord !

Nous avons rendez-vous avec Madame Perrain, rue Pautel qui dispose d’une chambre d’hôtes. Elle s’attendait à notre arrivée, nous ayant vus sur la départementale. La chambre est belle, fraîche. Des hollandais occupent le gîte rural mitoyen.

Le dîner servi à 19 h 30 donne l’occasion d’échanger plus avant. Au menu, melon-jambon, paupiettes de porc avec des pâtes et tarte aux mirabelles, le tout arrosé d’un excellent vin rouge de la principauté d’orange dont je réclame l’étiquette. La discussion se révèle riche tant avec Madame qu’avec Laurent, le fils, que j’avais eu au téléphone ou Monsieur, agriculteur pressé et moderne bien que près de la retraite. La ferme se consacre exclusivement aux céréales sur une surface de plus de 125 hectares. « C’est bien sûr du travail mais on vit et on prend des vacances. » Au lieu d’aller courir sur les routes, l’activité de chambre d’hôtes procure à Madame un bon revenu d’activité avec un confort de vie supérieur. On pressent quand même deux problèmes qui empoisonnent la vie au quotidien. Le village n’est desservi que par des commerçants ambulants, pas vraiment à la hauteur selon Madame. Laurent, qui a exercé le métier de postier en Alsace, est revenu dans l’objectif de prendre la relève. Pourra-t-il fonder un foyer ici ?

Enfin, même si la maison est desservie par l’ADSL, impossible ce soir de connecter l’ordinateur des occupants du gîte !

Demain sera un autre jour ! « A l’ombre comme à la lumière, la route unit son déroulement.. »

Hébergement B&B Madame Perrain, rue Pautel

Accueil: Très bon

Conditions de logement : excellentes

Prix : très correct

De Lanty à Arc en Barrois