6 h 20 le 10 août : il fait nuit quand nous quittons l’hôtel et frais, presque froid !…. Est-ce à Vega de Valcarce ou bien à Ruitelan ? nous passons près d’une « boîte de nuit » dont les occupants nous assaillent de railleries, dont nous ne comprenons pas un traitre mot, mais dont le ton est assez explicite ! Nous quittons la Nationale à Las Herrerias et, après avoir franchi le rio Valcarce, nous commençons à monter et cela va durer 9 km.Jusqu’à La Faba, nous cheminons à l’ombre et pratiquement seuls : Claude est inquiet - Les autres sont-ils passés avant nous (et donc seront-ils avant nous au gîte de O’Cebreiro) ? A La Faba, nous nous arrêtons au bar du village près de deux belges, germanophones, que nous retrouverons. Après la Faba, le paysage change et le soleil, plus haut, nous offre un paysage du 0’Cebreiro bien différent de celui que nous avions découvert dans les différents témoignages sur le Chemin de St Jacques.
A partir d’ici, nous aurons une borne compostellane tous les 500 m et nous entrons en Galice. Nous sommes très haut et pourtant doucement je suis arrivée jusque là. Nous arrivons à O’Cebreiro 5 heures et 15 km après notre départ. Nous avons cheminé sur des pistes et quand nous débouchons sur la route, nous pensons à quelques hauts lieux touristiques français : le Mt St Michel notamment.
Avant de visiter le village, notre premier soin est d’aller faire la queue au gîte : nos sacs seront 2e et 3e dans la queue, mais très vite nous sommes rejoints par la foule. Quand on nous ouvre le gîte, l’accueil est militaire ; l’hospitalier attribue les lits d’une manière très autoritaire, séparant couples, familles, amis, etc…. et il y aura quelques cris, mais pour lui visiblement le chemin de Compostelle signifie « mortification, etc… ». Par chance, nous obtenons 2 couchettes superposées. Un bon point dans le gîte : des placards fermant à clé où l’on peut déposer les sacs à dos. Après la douche, je décide de faire une lessive : il y a des machines à laver, mais il faut des pièces (4.40 € la lessive) : difficile de faire la monnaie Pendant que la machine travaille, nous pique-niquons à l’ombre derrière le gîte. Lessive étendue, c’est nous qui allons nous étendre ! Dans un gîte, où chaque dortoir compte 40 places, il vaut mieux avoir des bouchons d’oreille. Quand nous émergeons de la sieste, il fait encore chaud, mais nous allons visiter le village et à l’ombre de l’église, nous nous assurons de notre hébergement de demain soir
Par contre nous nous contenterons d’admirer de l’extérieur les « pallozas » (huttes héritées de la Préhistoire, aux toits de paille de seigle cousus avec des liens de genêt qui couvre des murs bas faits de pierres plates). Tous ces matériaux ont-ils été amenés sur ces chars qui me font penser irrésistiblement à Astérix. Mais il est vrai que la Galice (le nom même est hérité de la Gaule) passe pour la « Bretagne » espagnole et reste effectivement celtique. Nous allons dîner près d’une de ces pallozas. Nous invitons à notre table (les places sont rares) un Français, qui se révélera un piètre convive. Il a du mal à tenir une conversation et nous confiera : « excusez-moi, j’ai du mal à parler, mais je m’oblige à faire 40 km par jour et je suis trop fatigué ». Décidément, nous ne sommes pas des pèlerins tout à fait conventionnels ; pour nous, cette marche vers St Jacques, si elle nous révèle nos limites, nos faiblesses, ne peut pas, ne doit pas être un calvaire, mais plutôt un apprentissage du dépouillement, de l’attention à l’autre, de la rencontre.
Bonne nuit, compagnon Jacquet ! Et essaie d’arriver à Compostelle.