En 1880, à l'occasion de l'exposition universelle un instituteur est chargé, dans chaque commune de France, de rédiger une monographie sur l'histoire locale. A Gouvernes c'est A. Desnos qui rédige la monographie dont la transcription suit. Cette monographie de 12 pages écrite d'une belle écriture pratiquement sans faute ne manque pas d'intérêt (toutes les monographies de France sont loin d'être aussi bien rédigées et aussi bien documentées); Je suis resté fidèle à l'orthographe et la mise en page du document.
Monographie de l’école de Gouvernes.
1re Partie . – Notice géographique
Le village de Gouvernes, situé dans une arrière-vallée de la Marne, rive gauche, à 2 kil. Sud de Lagny 20 kil. De Meaux, 39 kil. De Melun est à une altitude de 75 m. ; - Longitude 21’30’’Est ; - latitude 48°51’40’’. Il est traversé par un petit cours d’eau dit rû Gondoire affluent de la Marne. Sa population ne parait pas avoir jamais dépassé 400 habitants : on en comptait 392 il y a une vingtaine d’années et cette population n’est plus aujourd’hui que de 354 habitants.
Le territoire de cette commune composé seulement des deux versants qui s’inclinent sur le rû Gondoire ne forme qu’une étendue de 177 hectares d’un sol argilo sablonneux mais très fertile. Il produit une quantité considérable de fruits : pommes, fruits à noyau et noix qui font l’objet d’un commerce important sur la capitale.
Le village de Gouvernes est si caché dans une profonde et étroite vallée qu’on ne l’apercoit que quand on touche aux premières maisons. Du reste aucune riche habitation n’en fait un lieu de plaisance. On y remarque seulement une maison de campagne au lieu dit « Deuil »au milieu d’un petit domaine à moitié clos de murs. Cette maison a remplacé un château habité il y a moins deux siècles par des seigneurs.
La population de Gouvernes est exclusivement agricole. Le petit cours d’eau qui traverse le villageet dont la source n’est qu’a 6 kilomètres faisait tourner jadis 4 moulins. Il n’en reste aujourd’hui qu’un seul qui n’’est même plus en activité.
Quoique un peu dispersées et de peu d’élévation les habitations présente un ensemble assez pittoresque. On remarque surtout la superbe avenue du château de Guermantes qui aboutit à la place de Gouvernes et qui fait les délices des promeneurs en été.
2e Partie Histoire de l’enseignement.
L’enseignement était déjà organisé à Gouvernes au milieu du XVIIe sciècle ; témoin cet acte de décès d’un maitre d’école du temps :
« Cejourd’hui 2e Mars mil sept cent a été inhumé dans le chœur sous les bancs du Me descolle Rolland Ferré Me descolle depuis 50 ans, assisté de Messieurs les curés soubsigné, de ses trois enfants, autre parents et amis. »
Bien qu’il résulte de l’acte ci-dessus que le dit Ferré ait débuté vers 1650, il ne parait cependant pas avoir exercé sans interruption jusqu’à sa mort, puisque en 1669 et 1670 c’est un nommé Léonard Trublé Me descolle qui signe les actes de baptêmes ; en outre en 1672 il est désigné tantôt comme Me descolle, tantôt comme Me tonne lier ce qui semblerait indiquer qu’il exerçait les deux professions simultanément. En 1675 nous relevons sur les registres paroissiaux cette autre mention : « en présence de Roland Ferré, pour lors Me descolle du dit lieu. » Deux ans plus tard en 1677 c’est un nommé Guillet qui signe les actes ; il est intitulé Me descolle tandis que Roland Ferré ne signe que les actes de mariage sans désignation de profession et tout simplement comme chantre.
En 1687 le susnommé Guillet était passé Me descolle à Ferrières ainsi que l’atteste un acte de baptême où il était désigné comme parrain dans l’église de Gouvernes.
Pendant les années suivantes et jusqu’à sa mort qui arrive en 1700, Ferré ne cesse d’être désigné comme Me descolle. Il eut 8 enfants dont un Pierre Ferré lui succède dans ses fonctions et exerce pendant 8 ans de 1700 à 1708. Pierre Ferré avait fait ses études en théologie ainsi qu’il résulte d’un acte de baptême où il est témoin ; après 1708 il quille les fonctions de Me descolle pour exercer la profession de marchand à Gouvernes.
Pendant la période qui s’étend de 1708 à 1716 le nom d’un maitre d’école est introuvable ; et tout porte à croire que c’est le curé qui tient l’école : il a du reste une fort jolie écriture.
En 1717 nous trouvons un nommé Nicolas Lenoir qui est désigné sous le titre de Maitre des écoles de la paroisse puis en 1723 c’est Nicolas Leloup qui exerce jusqu’en 1781 année de sa mort ; il a donc exercé durant 52 ans : il avait alors 80 ans. Ainsi deux hommes ont tenu l’école de gouvernes pendant 108 ans : Roland Ferré 50 ans et Nicolas Leloup 58 ans.
De 1781 à 1787, il n’y avait apparamment pas de Maitre d’école dans la commune puisque aucun acte ne contient son nom ; tandis qu’à partir de 1787 on trouve fréquemment celui du nommé Picard. Ce maitre traverse la Révolution et en 1793 il prend le nom d’instituteur dans les actes d’état-civil et celui de Greffier pour la rédaction des actes. Il signe avec cette qualification tous les actes d’état-civil. L’année 1797 marque le terme de sa carrière. Il a alors 61 ans ; il est inhumé en présence de ses deux fils, l’un J. Louis Picard huissier public à Lagny, et un autre, boulanger au même lieu.
De 1797 à 1807, aucune désignation d’instituteur dans les actes de l’état-civil : faut-il en inférer que ce fonctionnaire n’existait plus à Gouvernes. Nous verrons en effet plus loin que le bâtiment scolaire avait été aliéné pendant la Révolution.
L’année 1807 nous amène un instituteur du nom de Deroches, il a 51 ans suivant l’acte de mariage d’un de ses fils et c’est tout ce qu’il est possible d’apprendre sur le nouveau venu.
De 1813 à 1822 L’instituteur a nom Delaunay ; de 1823 à 1826, c’est un nommé Gérard, que l’on a à peine le temps de connaitre. Mais en 1826 apparait M. Lhuillier homme très sympathique qui va faire natif de Villiers sur Morin, croyons nous y exerçait la profession de manouvrier avant de venir à Gouvernes ; il était d’un caractère bon et affable et plaisait beaucoup mais n’avait qu’une instruction très restreinte. Il occupa d’abord pour école une salle qui existe encore aujourd’hui en face la place dans les dépendances de l’immeuble actuellement occupé par M. Boivin, débitant. Cette pièce qui n’a pas été modifié depuis est éclairée par 2 fenêtres mesure environ 30 mèt. superficiels et a une hauteur de 2m.75 sous plafond.
La commune de Gouvernes qui avait toujours tenu l’immeuble précèdent e location décide en 1884 de faire l’acquisition d’une maison situé à l’angle de l’église afin d’en faire une école. Ce bâtiment construit en 1783 pour faire une école et aliéné durant la Révolution, on ne sait pour quel motif, va être redu à sa destination première et restera école jusqu’en 1868 époque à laquelle elle est démolie afin de dégager la place de l’église
L’acquisition en avait coûté 2400fr qui furent payé au propriétaire en 10 annuités.
Cette école mesurait à peine 25 mèt. superficiels et recevait à la fois les enfants des deux sexes de Gouvernes et de Conches dont la réunion à Gouvernes avait été autorisée par suite d’une entente entre les deux communes.
Délibération relative à la réunion de la commune de Conches à celle de Gouvernes pour l’Instruction primaire.
« l’An 1834 le 3 Décembre, le conseil municipal de la commune de Gouvernes s’est réuni en séance extraordinaire, etc. ….
M. le Maire a ouvert la séance et a déclaré que l’objet de la réunion était de s’entendre sur la proposition que faisait l commune de Conches de se réunir à la commune de Gouvernes pour l’instruction primaire, attendu que depuis très longtemps les enfants de Conches sont toujours venus à l’école de Gouvernes ; le conseil étant alors e majorité et après avoir pris connaissance de cause, et ne voyant aucun inconvénient à ce que cette réunion ait lieu attendu qu’il ya toutes les facilités possibles pour les enfants, en conséquence déclare donner son adhésion. »
Au mois de Mai de la même année la commune avait fait l’acquisition d’une maison destinée à servir d’école ainsi qu’il a été dit plus haut. Voici la reproduction textuelle de la délibération du Conseil municipal :
« L’An mil huit cent trente quatre le vingt quatre Mai etc. ….
Monsieur le Maire a ouvert la séance et a déclaré au Conseil que l’objet de la réunion était d’approuver l’acquisition de la maison école, dont la vente est proposée audit Maire par M. Boivin desservant propriétaire de ladite maison suivant les clauses et conditions ci-après expliquées. La vente de la maison d’école (cette maison servait déjà à usage d’école depuis quelques mois par location) est proposée par M. Boivin à titre de rente viagère aux conditions qu’il sera payé par la commune au dit sieur Boivin ou à ses représentants la somme de Deux cent francs pendant l’espace de dix ans. Au bout des dix années il ne sera plus payé que Cent francs jusqu’au décès du dit sieur Boivin (c'est-à-dire jusqu’à concurrences de la somme de 2400fr. convenue entre les parties). Autrement les 10 années étant expirées, la rente demeurera éteinte et la maison entièrement acquise à la commune. »
En ce qui concerne le traitement de l’Instituteur, la répartition en est ainsi établie pour 1834
Gouvernes …………………………………134f.
Conches………………………………….......66f.
Total….200f.
L’instituteur recevait en outre une rétribution des familles dont le taux était fixé ainsi qu’il suit pour l’année 1841 :
Pour les enfants qui apprennent à lire…………………….….0f.75
Pour ceux qui savent lire et écrire ……………………………..1f. ..
Pour ceux qui reçoivent une instruction plus étendue. 1f.50
Jusqu’à l’année 1841 l’instituteur ne recevait aucune rétribution pour ses travaux de secrétaire de mairie. C’est seulement dans la session de Mai de la dite année que le Conseil municipal reconnait la nécessité de l’indemniser en raison des dites fonctions. A cet effet l’assemblée municipale prend la curieuse délibération qui suit et qui, comme on peut le croire, n’a jamais reçu son exécution ; la voici :
« Le Maire a représenté que la mairie nécessitait de plus en plus des travaux d’écriture ; considérant qu’il ne pouvait pas continuer à remplir cette mission, et qu’il est nécessaire d’intéresser M. l’Instituteur en lui accordant une petite somme pour qu’il puisse emplir les fonctions de secrétaire de mairie.
Attendu que le budget de la commune est fortement chargé, on pourrait aviser un moyen pour ne pas trop multiplier les charges de la commune ; ce serait d’obliger les habitants a payer un droit au secrétaire de la mairie pour la confection des actes de l’état-civil.
Le Conseil reconnaissant que cette proposition est juste est consentant qu’un règlement soit établi, et a fixé les prix ainsi qu’il suit, savoir :
Pour la rédaction d’un acte de mariage il sera perçu Trois francs qui seront payés par les personnes qui contracteront mariage, ce qui a été convenu et arrêté en séance »
En 1841, M. Lhuillier à qui échoit dans un héritage une maison de graineterie à Lagny, donne sa démission d’instituteur, pour prendre la direction de cette maison. La fortune l’ayant favorisé, il se souvient de la bienveillance dont il a été l’objet de la part des habitants de Gouvernes et il lègue par testament 10.000francs aux pauvres de la commune. On voit dans la salle de la mairie une plaque de marbre destinée à rappeler et perpétuer le souvenir de cet acte de générosité ; elle porte cette inscription :
« A la mémoire de J.F. Lhuillier, ancien instituteur à Gouvernes qui, par son testament olographe en date du 14 8bre 1874 légua 10.000fr. aux pauvres de ce lieu pour fonder en leur faveur un lit perpétuel à l’hospice de Lagny. – La commune de Gouvernes reconnaissante. »
A cet excellent homme succède M. Quéru, instituteur à Lésigny qui est élu par le Comité local par 8 voix sur 10. M. Quéru est également un instituteur de mérite et lorsqu’il donne sa démission en 1846 pour prendre la direction d’un autre poste il ne laisse que des sympathies à Gouvernes. M. Quéru est actuellement retraité à Thorigny.
Le comité local mis en demeure de pourvoir au remplacement du démissionnaire propose pour lui succéder M. Bouref instituteur à Pomponne. M. je Sous-Préfet n’ayant pas ratifié ce choix, enjoint au Maire de lui faire une nouvelle présentation ce à quoi le Comité s’est refusé en maintenant sa première position.
C’est dans les termes suivants que le Comité local accepte la candidature de M. Bouref :
« L’An 1846 le 10Xbre le Comité local et le Conseil municipal de la commune de Gouvernes réunis au Conseil municipal de la commune de Conches etc.
M. le Président a déclaré que le sujet de la réunion était de faire le choix d’un instituteur en remplacement du démissionnaire M. Quéru. Plusieurs postulants se sont présentés et ils ont été prévenus du jour et de l’heure auxquels la présente séance devait avoir lieu. De ces postulants un seul M. Bouref, instituteur à Pomponne étant présent à la séance, il a déposé ses pièces sur le bureau et s’est ensuite retiré. Le Comité et le Conseil municipal après avoir examiné toutes ces pièces et les ayant trouvées en bonne forme ; rentré en séance plusieurs questions lui ont été adressées, et il a répondu à toutes ces questions avec fermeté. Le Comité et le Conseil municipal des deux communes après s’être entendus ont été d’avis de nommer M. Bouref pour instituteur des communes de Gouvernes et Conches comme étant réunis pour l’instruction primaire.
L’instituteur sera tenu de sonner l’Angélus à midi, matin et soir aux heures qui lui seront indiquées suivant les saisons, moyennant une rétribution de 50fr par an. Un extrait sera adressé à M. le Sous-Préfet avec prière de le présenter (le candidat) au comité supérieur à la première session. »
Après M. Bouref qui donne sa démission le 6 7bre 1848, nous trouvons le sieur Tafin (Barthélemy-Alexandre) ancien instituteur de Sengy (Seine et Oise) qui est agréé par le Comité local le 8 Octobre suivant. Il prend lui-même vis-à-vis de la commune l’engagement suivant transcrit sur le registre des Délibérations.
Je soussigné Tafin (Barthélemy-Alexandre) acceptee la proposition d’être instituteur de Gouvernes suivant les émoluments établis au budget de 1848 et m’engage à remplir en plus de l’instruction, à chanter la messe et vêpres les dimanches et fêtes, sonner la cloche dite angélus les matins et soir aux heures établies depuis longues années et deplus tous les jours à onze heures du matin et 4 heures du soir.
Gouvernes le 8 Octobre 1848
signé : Tafin.
Cet instituteur ne fera lui aussi qu’un séjour de peu de durée à Gouvernes : au mois d’avril 1852 il donne sa démission et est remplacé par M. Durécu Louis Nicolas, âgé de 26 ans qui vient de Reuil et qui reste 4 ans à Gouvernes.
M. Dubois qui vient ensuite avait été instituteur à St Mard et précédemment à Crégy où il avait débuté. Homme studieux et actif, il avait fait ses études classiques au collège de Beauvais. Il occupa ce dernier poste pendant 27 ans jusqu’en 1883 époque à laquelle se sentant trop fatigué il demanda et obtint sa retraite. La municipalité de Lagny qui estimait M. Dubois lui confia le bureau d’octroi de la rue de Melun qu’il occupe encore aujourd’hui.
M. Dubois contribua beaucoup à l’édification de la nouvelle maison d’école en 1868. Avec le concours officieux de M. Madeleine, ancien libraire à Paris qui l’aidait de ses conseils ainsi que de ses libéralités il fonda dans la nouvelle école une bibliothèque qui se développa rapidement grâce aux dons particuliers et aux subsides de la commune. En 1833 époque de la retraite de M. Dubois la bibliothèque comptait 400 volumes.
Sur ses 27 années d’exercice M. Dubois avait occupé 12 ans l’ancienne école contiguë à l’église et il resta 15 ans dans la nouvelle.
Quand, en 1866, le principe de la construction d’une nouvelle école fut adopté, le choix d’un emplacement se porta unanimement sur l’ancien cimetière dont la translation sur un autre point venait d’être décidée. Mais ici la difficulté était grande : le sol du cimetière étant élevé d’environ 2 mètres au dessus de la voie publique, il s’agissait d’abaisser ce terrain au niveau du chemin. C’est ce que l’on fit. Plus de 2000 mèt. cubes de terre furent ainsi enlevées et employées à combler des chemins creux de la commune, et à l’endroit qui avait sevi de sépulture à de nombreuses générations se dresse aujourd’hui la coquette mairie et école ayant par devant, la place publique d’une superficie d’environ 10 ares et sur le coté opposé une cour de récréation avec petit jardin pour l’instituteur. Cette maison dont le plan et l’élévation figurent sur la carte annexée à la présente notice n’a couté que 13000f.
En 1882 Le conseil municipal y fit placer une horloge avec campanile qui ajoute encore à l’effet du nouvel édifice.
Noms des Instituteurs ayant exercé à Gouvernes
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1. Roland Ferré 1650-1700.
2 Pierre Ferré 1700-1708.
3. (interruption) de 1708 à 1716.
4. Nicolas Lenoir 1717-1723.
5 Nicolas Leloup 1723-1781
6 (interruption) 1781-1787
7 Picard 1787-1797.
8. (interruption) 1797-1807.
9 Deroches 1807-1813.
10 Delaunay 1813-1822.
11 Gérard 1823-1826
12 Lhuillier 1826-1841
13 Quéru 1841-1846
14 Bouref 1846-1848.
15 Tafin 1848-1850
16 Durécu 1850-1856.
17 Dubois 1856-1883
18 Desnot qui exerce actuellement.
Gouvernes le 15 Décembre 1888.
l’Instituteur,
A.Desnot