Histoire du château de Guermantes

La commune de Guermantes s'appelait autrefois « Le Chemin », ou dans certains textes « le Chemin-en-Brie ». certains historiens rapprochent cette appellation d'un toponyme local le « Grand Chemin de Paris », ou chemin ferré, qui traversait le village. D'autres en font un des nombreux chemins des pèlerins vers Saint Jacques de Compostelle, s'appuyant sur la dédicace de l'église à Saint Christophe et Saint Jacques, patrons des voyageurs et au Clos Saint Jacques avec sa niche contenant une statue de Saint Jacques. D'autres encore voient dans le terme chemin une déformation du terme caminus signifiant fourneau.En 1208 on trouve Marguerite du Chemin, nièce d'Aubert de Lagny. En 1362, Jacqueline, veuve du seigneur du CHEMIN, épouse Pierre BLANCHET, secrétaire du Roi. En 1382 la seigneurie semble divisée en plusieurs parts, dont une revient à l'abbaye de la Malnoue ; la seconde appartient à Jean Motelin, écuyer. Etienne Boulart, écuyer, mort en 1397 dont le tombeau est dans l'église, a t il été seigneur du lieu ?

Au XVe siècle, Le Chemin est propriété de Pierre Poignant, avocat, conseiller au parlement en 1477. Il est seigneur d'Athis, d'Aigremont, de Tillières et d'Archères. Il possède également le fief de Roquemont dont la ferme de Roquemont, située à l'angle de la rue du cimetière de Bussy Saint Georges et de la rue de Ferrières, porte le nom. Les de la Rosque,sont seigneurs de Bussy Saint Georges de 1490 à 1594. L'une des sœurs de Pierre et héritière, épouse Nicolas Viole, conseiller correcteur à la Chambre des Comptes. La seigneurie entre ainsi dans la famille Viole.

Ce n'est qu'au XVIIe siècle que le village prend définitivement le nom de Guermantes. Dès le XIVe siècle il est fait mention dans un manuscrit de l'abbaye de Sainte Geneviève, de terres situées."in via de Guermant."

C'est à Claude Viole, Maître ordinaire en la Chambre des Comptes qui commence la construction du corps de bâtiment principal avec les deux pavillons latéraux, le tout couvert de combles à la française. En même temps sont édifiés les bâtiments des communs, dont le colombier en 1631.

Pierre Viole, ancien président du Parlement de Paris et frondeur notoire, a reçu à l'occasion de son mariage avec Marie Vallée en 1633 la terre et le château de Guermantes. Il poursuit la construction du château et se qualifie alors de « Seigneur de Guermantes ci-devant Le Chemin ». On lui doit les deux pavillons à un étage, à combles brisés que l'on peut dater de 1645 grâce à leurs décors. Quand à l'aile de la galerie, il est probable qu'elle a été construite partiellement ou en totalité à cette époque, elle sera remaniée par le propriétaire suivant. Décédé en 1667 Pierre Viole a son tombeau dans l'église du village. Le 27 juin 1652 le jeune roi Louis XIV ,alors âgé de 14 ans, accompagné de la reine-mère Anne d'Autriche, de Mazarin et d'une suite nombreuse vint coucher à Guermantes. Venant des environs de Melun avec les armées de Turenne, ils cherchaient à s'approcher de Paris tenu par la Fronde et l'armée de Condé; La pièce où il a reçu, édifiée en 1645, est dite salon du Roi.

En 1698 Paulin Prondre (1650-1721) achète le château et ses terres. Receveur général des Finances de Lyon, puis grand audiencier de France et membre de la Chancellerie , il est institué Président de la Cour des Comptes en 1713. Il prend le nom de Pondre de Guermantes. Son intérêt pour Guermantes ne se démentira pas, il aménage le château au goût du jour, faisant appel à Mansart pour faire exécuter le perron, à Pierre Cotte pour l'escalier intérieur et à Perrault pour la décoration de la galerie, de la chapelle et des frontons du château ; pour l'aménagement du parc il aurait fait appel à Le Nôtre. En 1707 il donne au village une nouvelle église, celle que nous connaissons aujourd'hui. Le 23 juillet 1710 les travaux terminés, Paulin Pondre de Guermantes donne une grande fête qui dure cinq jours pour inaugurer sa demeure.

En 1719, le financier écossais John Law (1671-1729) achète Guermantes, dont il prend possession fin novembre. Il se porte acquéreur de la propriété, des meubles et des dépendances pour 800 000 livres . Il goûte en famille à la vie de châtelain pendant quelques mois. Contrôleur général des finances de France, il fut le créateur de la compagnie française des Indes. Par la faute des spéculateurs la banqueroute survient en 1720 et John Law est contraint à l'exil. Le duc de Bourbon lui porte ses passeports et l'ordre d'exil en Hollande le 20 décembre 1720. Ce qui permet à Paulin Prondre, qui selon les uns, n'a reçu de la vente que 100 000 livres, de faire annuler l'opération. Les meubles, à l'exception de l'argenterie de la Chapelle , sont mis aux enchères, il en rachète la plus grande partie. Selon les autres les 100000 livres représentaient le paiement des seuls meubles.

Paulin Prondre y est inhumé dans l'église en 1721.

Son fils Paulin-Gabriel Prondre (1698-1775) se contente d'une vie tranquille entre Guermantes et Paris. En 1750, il achète, avec le titre de marquis, la terre de Ravenel, près de Saint Just en Chaussée dans l'Oise. Il quitte alors Guermantes. La bibliothèque du château est ravagée par un incendie en 1756.

Pendant la Révolution Française , Emmanuel-Paulin-Louis Prondre (1775-1800), dernier Comte de Guermantes propriétaire du château depuis 1786 (il a alors 11ans), se réfugie à l'étranger (Suisse et Italie). Il met son départ sur le compte d'études artistiques, afin de ne pas être assimilé aux émigrés, et éviter ainsi que Guermantes ne soit mis sous séquestre et vendu. A son retour il devient élève de l'Ecole du Génie Militaire. Emprisonné de juillet à septembre 1794, il est définitivement radié de la liste des émigrés en janvier 1795. En son absence, le château est occupé par La marquise de Ximenes d'Aragon, une des nièces de Mirabeau. Emmanuel-Paulin-Louis Prondre regagne Guermantes ; les bois viennent d'être vendus comme biens nationaux. Il meurt à l'age de 25 ans en 1800, sa veuve épousera alors le marquis de Tholozan ; ils auront un fils et une fille. Leur fils Ernest aura pour précepteur François Raspail (1794-1878), frais émoulu du séminaire de Carpentras et pas encore gagné aux idées républicaines. Plus tard elles lui vaudront plusieurs séjours en prison.

Le Comte de Dampierre épouse Ernestine de Guermantes.

La Comtesse de Dampierre, alors occupante du château, marque le milieu du XIXe siècle par son humeur fantasque et ses écarts de langage, à la plus grande joie de ses familiers, dont les frères Goncourt. Elle surnomme M. Menier, son voisin de Noisiel, le « Baron Cacao ». En visite à Ferrière en Brie chez le baron de Rothschild elle déclare « ici c'est la boutique, chez moi c'est le château ! ». Et lorsque le sermon est trop long elle lance « Assez curé ! Tais toi curé ! »

En septembre 1870, le Marquis de Tholozan reçoit au château le Roi de Prusse et futur empereur Guillaume 1er d'Allemagne, en séjour à Ferrières. Celui-ci appose sa signature sur le livre des visiteurs.

Le nom de Guermantes a été immortalisé par Marcel PROUST (1871-1922) dans "A la recherche du temps perdu » publié de 1913 à 1927. L'écrivain était l'ami intime de Lauris, lui même ami de Pâris petit fils d'une des propriétaires, Proust est séduit par la consonance de ce nom qui excite son imagination. Il s'enquiert de savoir s'il peut « disposer en toute liberté du nom de Guermantes, que je voudrais à la fois illustrer et salir ». Il viendra à Guermantes faire une visite pour remercier les propriétaires de l'avoir autorisé à utiliser le nom de Guermantes. Voir l'article "Albertine de Guermantes" sur le blog "Marcel Proust Autrement"

En 1920, la propriété est mise en vente par une indivision de neveux et petits-neveux de la Comtesse de Dampierre. Elle est achetée par un marchand de bois qui commence des coupes dans les hautes futaies. Il tente en vain de lancer des projets de lotissements, de maison de repos, d'hôpital. A la fin de la même année, dépouillé de ses meubles et d'une partie de ses arbres, la propriété est rachetée par le banquier Maurice Hottinguer, qui lui redonne vie.

La chapelle où se trouvent les pierres tombales de Claude et Pierre Viole, ramenées au château lors de la reconstruction de l'église est consacrée au culte protestant en 1824. Les deux services y étaient encore célébrés en 1984.

Durant la seconde guerre mondiale, le château est réquisitionné par l'armée allemande. Le 20 août 1944, en représailles à l'assassinat d'un soldat, les Allemands décident de brûler le village et de fusiller des otages. Le maire André Thierry et Madame Blanche Hottinguer s'y opposent. Madame Blanche Hottinguer, qui a accepté d'être otage, parlemente avec l'officier commandant et parvient à le faire renoncer à cet incendie, sauvant ainsi Guermantes de la destruction.

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