L'ancienne église Saint-Fursy de Lagny-sur-Marne

Transcription d'un article de Pierre Eberhart, ancien conservateur du musée de Lagny, paru dans le N° 16 - 1985 de la Revue des Amis des Monuments et des Sites de Seine-et-Marne.


Historique

Dans le patrimoine architectural de la ville de Lagny-sur-Marne, plusieurs monuments sont placés sous l'invocation de saint Fursy : église, fontaine et source. Parmi ceux-ci, l'occasion se présente d'évoquer l'église, ou plutôt l'ancienne église, puisque la façade subît actuellement une restauration complète.

Jusqu'à la Révolution, Lagny était le siège d'une abbaye de bénédictins, fondée peu avant le milieu du VIIe siècle par le moine irlandais Fursy venu dans notre région à cette époque.

Elevé au monastère de Clunaferte, le jeune Fursy marque de bonne heure des dispositions pour l'état religieux, se livrant à l'évangélisation, et déployant un zèle missionnaire qui indispose ses compagnons. Retiré dans l'île de Ratimah, il y crée un premier monastère, où ses frères, Foillan et Ultan, le rejoignent. C'est alors qu'il est favorisé de visions célestes, utilisées pour ses prédications en Irlande, en Écosse et en Angleterre. L'Est-Anglie le retient spécialement, grâce à l'appui du roi Sigebert, qui lui attribue un domaine pour la construction du monastère de Cnobberesburg, aujourd'hui Burghcastle, dans le comté de Suffolk.

Les événements obligeant saint Fursy à quitter cette retraite, il passe en Gaule franque vers 645. On admet généralement qu'il débarque à Quentovic, dans le Ponthieu. Son périple à travers la Picardie, jalonné de miracles, le conduit à la cour de Clovis II, dont l'une des résidences est Chelles. Le maire du palais, Erchinoald, possédant des terres à Lagny, en offre une partie à saint Fursy. Cette donation constitue l'acte de naissance de l'abbaye Saint-Pierre de Lagny et de deux oratoires, Saint-Sauveur et Saint-Fursy.

Mais Erchinoald attire saint Fursy à Péronne, où il lui élève aussi un oratoire sur le Mont-des-Cygnes, future collégiale Saint-Fursy, et un monastère au Mont-Saint-Quentin. Ces différentes fondations obligent saint Fursy à de fréquents déplacements. C'est au cours de l'un d'eux qu'il meurt à Mézerolles, sur la route de Péronne, le 16 janvier 650, selon la date communément retenue.

Évidemment, à sa fondation, l'église qui nous intéresse ne portait pas le titre de Saint-Fursy. La tradition du pays lui donnait pour premier patron saint Blaise, évêque de Sébaste, en Arménie, au IVe siècle. Toutefois, le culte de ce saint ne paraît pas s'être répandu dans nos régions avant le Xe siècle. Aussi, vers 1750, l'abbé LEBEUF pensait-il que le patron primitif avait dû être un saint local, Déodat, fêté comme saint Blaise, le 3 février, et dont le corps était conservé à l'abbaye de Lagny.

Plus certains sont les ravages des Normands, en 861-862 et en 887-888. L'abbaye, elle-même, a cessé d'exister. Il faut attendre la fin du Xe siècle et le comte de Troyes et de Meaux, Herbert III de VERMANDOIS, pour que la ville renaisse. On peut présumer qu'une église a été alors édifiée et dédiée à saint Fursy. C'est avec cette appellation que l'évêque de Paris, Imbert, la désigne en 1036. Soixante ans après, la paroisse dépend de l'abbaye de Lagny, et Gallon, évêque de Paris, la décharge de certaines obligations, en 1105. Les comtes de Champagne s'intéressent aussi à elle, tel, vers 1165, Henri Ier le Libéral, qui se préoccupe des revenus de l'église, desservie par un religieux de l'abbaye.

En 1184, un incendie détruit une partie de la ville et le monastère. L'église Saint-Fursy doit souffrir du sinistre, car une reconstruction intervient à la fin du XIIe ou au début du XIIIe siècle, dont il ne subsiste rien actuellement. Seul le chœur datait de cette époque à sa démolition.

Conséquence probable de ces travaux, l'abbaye échange en 1203, avec l'église Saint-Fursy, la moitié d'une boutique afin de permettre l'ouverture d'une porte sur la rue du Pont-de-Marne.

L'édifice demande encore des soins, car en 1264, les paroissiens veulent s'assembler et organiser une quête pour subvenir à de nouvelles réparations. Ils en sont empêchés par l'abbé de Lagny.

A Lagny et dans les environs, la guerre de Cent Ans a laissé bien des ruines. Aussi ne faut-il pas s'étonner si, à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, sont reconstruits la nef, ses bas-côtés et la façade. On peut en juger par ce qui reste et qui date de cette période.

Le souci de l'entretien de l'église se manifeste ensuite, tant par le renouvellement de son mobilier, que par des travaux plus confortatifs, par exemple au clocher, en 1656[1]. La visite de Louis XIV, le 19 juillet 1683, doit apporter un regain d'intérêt pour l'édifice. En 1730, la fabrique se penche sur les « réparations urgentes quy sont affaire à plusieurs endroits des murs, voûtes et couverture de ladite église quy dépérit journellement »[2].

L'année suivante, c'est la charpente du clocher qui inspire des inquiétudes, ainsi que celle des cloches, « que l'on n'ose plus sonner sans danger et péril éminent d'estres cassées par leur chute inévitable »[3]. En 1732, ces travaux sont terminés, mais en 1758, il en est exécuté de nouveaux à l'église et au clocher, sous la direction de l'architecte LEBLANC [4]

Vers 1772, la décoration intérieure est reprise en grande partie, ce qui n'est pas unanimement apprécié. Un contemporain, qui visite l'église en 1775, critique les « dépenses de mauvais goût qu'on vient d'y faire. Les piliers ont été recouverts de menuiserie et les arcades bouchées par une suite de tableaux oblongs représentant les mystères et peints à Paris par un nommé M. HUTTIN à 50 écus pièce. Les marguilliers en ont eu pour leur argent. Les bas-reliefs sculptés en bois sur les piliers m'ont paru un peu plus supportables »[5]. D'ultimes réparations sont effectuées en 1779-1781, aux couvertures et au clocher[6]. Malgré cela, l'édifice est dans un triste état lorsqu'une dizaine d'années plus tard il est supprimé.


[1] Archives départementales de Seine-et-Marne, E 1242, 23 septembre 1656.

[2] Archives communales de Lagny-sur-Marne, délibération de la fabrique de Saint-Fursy, 6 août 1730.

[3] Id., ibid., 14 octobre 1731.

[4] Id., DD2.

[5] Henri JADART, Relation du voyage à Reims d'Antoine-Nicolas Duchesne à l'occasion du Sacre de Louis XVI (5-21 juin 1775), Reims, 1902, p. 127.


LA VENTE DE L'ÉGLISE

Cet état est invoqué dans le décret de l'Assemblée nationale du 2 août 1792 pour fermer l'église et en transférer la paroisse dans l'ancienne abbatiale Saint-Pierre.

Le 27 août, le grand portail est condamné, et le lendemain, à 4 heures et demie du matin, la cuve des fonts baptismaux est transportée à Saint-Pierre. Le déménagement de tout le mobilier s'achève par le démontage de l'orgue, le 28 novembre.

L'église complètement vidée appartient désormais à la Nation, et elle sert de magasin à fourrages, en attendant sa vente, après une première expertise, le 9 décembre 1792, par l'architecte meldois Etienne CLICQUOT. La vente a lieu pour 5 220 livres, le 7 novembre 1796. Le procès-verbal s'exprime ainsi :

« La ci devant église Saint-Fursy dudit Lagny, dont l'entrée principale est par une porte à deux vantaux, donnant sur le carrefour Saint Venant, une autre sur le Marché aux Herbes, et la troisième sur la grande rue.

« Elle consiste en une nef élevée au milieu de deux bas côtés, dont elle est séparée par des piliers en pierre qui la soutiennent, et voûtée en croix d'ogive avec moison, le comble à deux égouts, couvert partie en ardoise et le surplus en thuiles.

Les deux bas côtés sont voûtés de même que la nef, et le comble couvert en thuiles; les eaux des égouts tombent au nord chez le citoyen Saumon, du côté duquel est éclairé le bas-côté à gauche.

« A l'extrémité du bas côté à droite, est élevée une tour carrée couverte en ardoize, ayant servi de clocher.

« Au bas du clocher est un petit bâtiment servant ci devant de sacristie, éclairé par une croisée donnant sur le marché aux Herbes »[7].

L'acheteur est Jean-Baptiste BERNARD, notable modéré de la période révolutionnaire. A Lagny, il a été, est encore ou sera procureur de la commune, président de la Société populaire, juge de paix provisoire, commissaire du district de Meaux pour le canton, conseiller municipal, conseiller d'arrondissement[8]. Ce n'est pas le premier bien national qu'il acquiert, mais il a dédaigné le presbytère, vendu quelques mois auparavant.


[6] Arch. dép. de S-et-.M., G 292.

[7] ID., Q (61R)

[8] Sur Jean-Baptiste BERNARD (1760-1834), voir Louis BONNE VILLE de MARSANGY, Autour de la Révolution, Paris, 1895, p. 182-205; Jacques-Amédée LE PAIRE, Le Petit Journal de Lagny depuis la première République jusqu'au 1er janvier 1876, Meaux, 1896, p. 130 ; Guy BENEUT, « Jean-Baptiste BERNARD, commissaire du Directoire exécutif de Lagny » dans Bulletin de la Société littéraire et historique de la Brie, 29e vol., 1972. p. 9-12. Son portrait lithographié est au musée municipal de Lagny-sur-Marne.



UN LONG DECLIN

Jean-Baptiste BERNARD ne garde pas le bâtiment intact. Dès 1798, il en démolit le chœur, le clocher, la sacristie et une travée de la nef, ne laissant subsister que les vestiges actuels. Sur le terrain ainsi libéré, quelques constructions vont s'élever, dont l'immeuble d'angle, édifié vers 1802. Cet immeuble, qui a perdu son aspect d'origine, est une cordonnerie, avant de devenir, vers 1840, un café et un débit de tabac, ce qu'il est toujours.

Sur la place de la Fontaine, une partie reste longtemps occupée par une cour et une petite remise. Jean-Baptiste BERNARD a revendu ce terrain à Augustin-Gatien BOUZEMONT, maire de Lagny de 1815 à 1830. Au fond, un bâtiment abrite une tonnellerie, laquelle quitte les lieux quand est construit, en 1913, un immeuble en meulière apparente, dont la façade dénature la place de la Fontaine.

La portion de l'ancienne église a connu une existence moins mouvementée. Dès le début du XIXe siècle, elle se présente comme aujourd'hui, coupée en trois niveaux sur la hauteur, transformée en auberge avec une écurie au rez-de-chaussée. Pendant plus d'un siècle, l'église sert de salle de danse et de théâtre. Aux alentours de 1900, elle accueille les premières séances de cinématographe. La grande salle de l'étage est utilisée aussi pour des réunions de toutes sortes, allant du Groupe des libres penseurs du canton de Lagny à l'Œuvre catholique des projections. Entre les deux guerres, l'installation d'un billard apporte un calme relatif, mais la salle reçoit, en 1960-1961, les chansonniers de l'éphémère Grenier de Lagny.

L'usage commercial de l'église ne dissimule pas son intérêt archéologique, même s'il est long à se manifester.

Jean-Maxime-Gabriel VERNOIS écrit, en 1818 : « Des anciennes églises paroissiales, il ne reste plus que la nef et le portail de St-Fursy... La sculpture du portail, qui représente des ceps de vigne, formant la décoration de la principale croisée attire les regards par la délicatesse, la légèreté et la perfection du travail »[9].

En 1845, le Journal de Seine-et-Marne propose d'ériger sur la fontaine de la place, une statue à saint Fursy, qu'aurait dû réaliser le sculpteur Auguste PREAULT. « La fontaine de Lagny ainsi restaurée et décorée, l'espoir pourra venir, du moins aux archéologues et aux antiquaires, de voir un jour restaurer aussi l'église qui fut longtemps dédiée à saint Furcy. Pauvre et jolie petite église, elle est là tout près de la fontaine, et cependant, on ne la voit pas. Hélas ! c'est qu'elle se cache, toute honteuse d'être réduite malgré ses ornements gothiques, à la plus triste des conditions, puisqu'elle sert maintenant d'écurie à une auberge du pays »[10].

La première description de l'église est contenue dans le bel album des Monuments de Seine-et-Marne d'Amédée AUFAUVRE et Charles FICHOT, paru en 1854-1858.

Chercheurs locaux du XIXe siècle, le docteur Gatien BONNET et Charles LATOISON-DUVAL ne sont guère retenus par Saint-Fursy. Tout au plus, le premier signale-t-il « cette église, devenue tour à tour vicissitude étrange des choses humaines, salle de bal, salle de spectacles, écurie, auberge, atelier, etc.»[11].

Dans la série, qui commence en 1880, d'ouvrages historiques sur Lagny, par Jacques-Amédée LE PAIRE, l'église Saint-Fursy tient une juste place. Mais on y chercherait vainement un regret de l'abandon de l'édifice. L'auteur commente seulement l'aliénation de l'église en 1796. « La vente de Saint-Fursy n'enrichit guère l'État, et la ville y perdit un beau monument. » il est vrai que l'abbé PROCUREUR ne craint pas d'écrire en 1897 sur le même sujet : «Ne vaudrait-il pas mieux le voir détruit que de le voir profané ? ».

En 1904, le chanoine Louis-François BOBARD, curé-doyen de Lagny, exhale un pieux courroux. « Hélas! L'église du fondateur de Lagny, de son protecteur dans le ciel, est devenue une écurie, au-dessus de laquelle on a disposé une salle de danse ! Quelle profanation des plus chers souvenirs. Le sens religieux en est douloureusement froissé. »


[9] Musée municipal de Lagny-sur-Marne, anc. coll. Vernois, n° 56.

[10] Supplément au journal de Seine-et-Marne, n° 374, 13 sept. 1845.

[11] Musée municipal de Lagny-sur-Marne, anc. coll. Bonnet et Latoison-Duval.

PENDANT QUATRE-VINGTS ANS…

Au début de notre siècle, l'idée se fait jour, peu à peu, d'une sauvegarde de l'ancienne église. Le chanoine BOBARD envisage même d'y rétablir le culte catholique. Mais curieusement, c'est le pasteur Charles BOYER qui, avant 1914, tente d'acquérir l'édifice pour l'affecter au culte protestant. La guerre arrive, arrêtant le projet qui ne sera pas repris.

Une première protection intervient avec l'inscription de l'église sur l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques, le 28 octobre 1926. La mesure est sans suite, et douze ans plus tard, l'attention est encore appelée sur Saint-Fursy. C'est un journal américain de Fort-Worth (Texas), qui s'en fait l'écho, le 31 janvier 1938, en évoquant le sort de la malheureuse église, sous le titre « Croyez-le ou non »[12].

En 1954, quand Marcel POUZOL fonde la Société historique de Lagny, il alerte l'administration au sujet de la façade. Il n'obtient pas plus de résultat qu'une intervention de Maurice TOUQUOY, l'année suivante, devant le conseil municipal de Lagny. En 1963, la municipalité du docteur Paul LÉVÊQUE refuse l'offre du propriétaire de lui vendre l'église. Mais l'état pitoyable de la façade de Saint-Fursy émeut davantage une opinion sensibilisée. Par les soins de Georges PlLLEMENT et de Pierre de LAGARDE, notamment, revues, publications, guides et télévision exposent le problème.

Le 26 février 1971, le conseil municipal, présidé par M. Serge FOLLET, décide d'acquérir la totalité de l'ancienne église. Pourtant, la municipalité de M. René LALLEMANT, issue des élections de mars 1971, ne conclut pas l'affaire, et le bâtiment change de propriétaire. Grâce à celui-ci, M. Gilbert MARIAUZOULS, un compromis permet, le 21 septembre 1979, une cession gratuite de la façade ouest à la ville de Lagny, représentée par son maire, M. Claude AVISSE.

Entre temps, une autre démarche a été entreprise, visant à changer l'inscription de 1926 en un classement comme monument historique. Le 23 octobre 1978, la Commission supérieure des Monuments historiques donne un avis favorable, que concrétise, le 19 février 1982, un arrêté du ministre de la Culture. Cette protection s'applique cette fois à la totalité de la partie subsistante de l'ancienne église. L'opération avait été grandement facilitée par les relevés de l'édifice, effectués par M. Jean-Pierre THORETTON, architecte à Chelles.


[12] L'article illustré du journal américain est repris, en France, par Le Petit Parisien du 7 janvier 1939, sous le titre « Une église qui abrite une pension de famille, une salle de bal et un garage ».

L'ÉGLISE AVANT LA RÉVOLUTION

L'église Saint-Fursy n'a guère passionné les historiens anciens. L'abbé LEBEUF, qui la visite vers 1740, écrit qu'elle « renferme des parties qui sont du douzième et du treizième siècle... Le bâtiment du chœur tel qu'on le voit paroit être du règne de Philippe Auguste. A l'égard de celui de la nef, il est beaucoup plus récent : pour ce qui est de la tour qui menace ruine du côté de la place, elle est tellement replâtrée qu'on ne peut juger de son âge ».

Il est permis de reconstituer, avec quelques incertitudes, l'aspect de l'église avant sa fermeture. L'édifice s'étend de la façade actuelle à la rue des Marchés, formant ainsi le côté nord de la place de la Fontaine. Il est de plan rectangulaire, avec une nef et deux bas-côtés terminés par un chœur à chevet plat, le tout comportant, peut-être, six travées. Sur la place s'élève le clocher, qui semble occuper l'avant-dernière travée du bas-côté sud. C'est une tour carrée, percée d'une baie sur sa hauteur, et qui contient l'horloge de la ville, déjà là en 1401, avec un timbre fondu spécialement. A propos d'horloge, faut-il voir une allusion à des cadrans peu accordés, dans le dicton bien oublié maintenant à Lagny : « II est onze heures à Saint-Sauveur, il est midi à Saint-Fursy » ?[13]

Dans la travée précédant le clocher, devait être logée la sacristie. Clocher et sacristie ne font pas saillis sur l'extérieur du bas-côté, mais des maisons sans profondeur, constructions légères avec boutiques, les environnent sur la place et en retour sur la rue des Marchés. En 1730, le propriétaire d'une de ces maisons, André HAMEL, tailleur d'habits, est autorisé à exhausser sa construction, bouchant « ce quy reste d'une petite forme ou croissée, quy est la première à droite du cœur et maître hautel de ladite église, laquelle croissée ne donne presque aucun jour apparent ». Contre une redevance de 150 livres, André HAMEL élève donc un petit mur dans l'ouverture, « lequel petit mur sera bien poly et blanchy, pour sur iceluy et dans l'église, y figurer ou peindre un faux vitrage pour la cimétrice de la croissée quy est en face »[14].

L'accès à l'église se fait par le portail encore conservé il existe aussi deux petites portes, l'une sur le marché aux Herbes, ou place de la Fontaine, l'autre sur la grande rue du Pont-de-Marne, entre les actuels 26 et 28, rue des Marchés. Il n'y a que quelques marches au bas du grand portail, et un témoignage recueilli en 1849, rappelle un épisode amusant [15].Une femme passait un jour à dos d'âne devant le portail de Saint-Fursy, où se célébrait la messe. La porte étant ouverte, l'animal entre dans l'édifice et s'effraie des chants liturgiques. Il s'arrête à la grille du chœur, et il faut tous les efforts des fidèles pour le faire sortir.

L'intérieur de l'église, éclairé par de grandes baies au-dessus des arcades de la nef et dans les bas-côtés, est voûté en pierre. On ne connaît rien des vitraux qui ont totalement disparu. Contre le mur du chevet s'adossent l'autel Saint-Roch, à gauche, et celui de la Conception de la Vierge, à droite, encadrant le maître-autel. Au XVIIe siècle, les registres paroissiaux fournissent des indications sur les autres chapelles ou autels, mais sans les localiser : Sainte-Anne, Sainte-Catherine, Saint-Claude, Saint-Éloi, Saint-Fiacre, Sainte-Geneviève, Saint-Gervais. Saint-Honoré, Saint-Michel, Saint-Sébastien. A plusieurs de ces autels, se rattachent des confréries professionnelles (apothicaires à Saint-Michel, potiers d'étain à Saint-Fiacre, boulangers à Saint-Honoré, arbalétriers à Saint-Sébastien) ou de dévotion (Sainte-Geneviève, Saint Sacrement). Le titulaire est souvent évoqué par une statue ou un tableau.

Une grille en fer sépare la nef du chœur, où est placé un lutrin en cuivre, et dont les piliers sont revêtus de panneaux en bois avec la représentation sculptée des quatre évangélistes. Sur le même modèle, le banc d'œuvre de la paroisse est orné d'un saint Fursy, et ceux des confréries du Saint Sacrement et de sainte Geneviève, le sont d'un ostensoir et d'une sainte Geneviève en prière.

Les œuvres picturales sont au nombre de dix-huit en 1792, mais les statues sont moins identifiables. La tribune de l'orgue est accrochée au revers du grand portail, le long de la muraille de la nef. On y parvient par la tourelle de gauche, dont l'escalier à vis part du bas-côté nord.

Pour les fidèles, des bancs en bois reposent sur un dallage en pierre qui renferme de nombreuses sépultures. L'une d'elles est celle de Pierre PETIT, sieur du Portail (1598-1677), mathématicien, ami de DESCARTES et de PASCAL.

La toiture de la nef est en ardoise et en tuile, à deux pentes. Chacun des bas-côtés est couvert par une toiture particulière en tuile, aussi à deux pentes, parallèle à la nef. Le clocher est à quatre pans d’ardoise.

Les dimensions approximatives de l'église complète pouvaient être : longueur totale 32 m, largeur totale 15 m, hauteur de la nef 13 m, hauteur des bas-côtés 7 m.


[13] Témoignage oral Mme Méen DUPUIS née Marguerite SAGNIEL. (1878-1966) et de Mlle Marguerite LONGUET (1887-1974) de Lagny.

[14] Arch. com. de Lagny-sur-Mame, délibération de la fabrique de Saint-Fursy, 6 août 1730.

[15] Musée municipal de Lagny-sur-Marne, anc. coll. Latoison-Duval.

LA PAROISSE SAINT-FURSY

C'était la plus importante de la ville, avant celles de Saint-Paul et de Saint-Sauveur. Au XIIIe siècle, elle est soumise à l'abbé de Lagny, qui en nomme le curé. A l'origine, c'est un religieux du monastère, puis les fonctions sont exercées par un séculier. Dès le XVe siècle, on trouve deux curés qui ont chacun leur portion, l’une à droite, l'autre à gauche. Quelquefois, un curé cumule, tel en 1578, René CHEVAUCHÉE. Le 22 juin 1584, dom Jean DUBUST, qui le remplace, se dit « curé des deulx portions de ladicte église ». Le 29 juillet 1629, son successeur, Jean BLANCHARD, est seul desservant. La dépendance des curés de Saint-Fursy est étroite vis-à-vis de l'abbaye, dont les offices et les processions ont priorité sur ceux des paroisses.[16]

En 1740, il est envisagé de réunir les trois paroisses de Lagny dans celle de Saint-Fursy, avec démolition des deux autres églises, mais les habitants refusent le projet.

Dès 1366, les curés résident dans un presbytère qui semble situé rue du Temple. Cette propriété a appartenu en partie aux Templiers, possesseurs d'autres biens dans le voisinage, d'où le nom de la rue.

En 1526, le presbytère n'est plus au même endroit. Devenu le fief de Saint-Venant, il est affecté aux curés avec les revenus qui s'y rattachent. Cela explique la présence jusqu'au début du XIXe siècle, devant la façade ouest de l'église, du carrefour Saint-Venant, dénommé aussi place Guilorie ou rue de l’Hermitage. Quant à la rue Saint-Fursy, elle s'est appelée rue Courberonne et rue Saint-Venant. Quelques années avant la Révolution, le presbytère, non entretenu, tombe en ruine, et en 1783-1785, il est prévu de le reconstruire[17]. L'affaire n'aboutit pas, et c'est un bâtiment « dans un tel état de dépérissement qu'il est prêt à écrouler », qui est vendu comme bien national, le 18 août 1796, à Claude-Sébastien RENAULT[18]. De nos jours, le presbytère de Saint-Fursy occuperait le n° 3 de la rue Saint-Fursy.

Quand la cure est pourvue d'un vicaire, celui-ci loge en ville, dans une maison louée par la paroisse.

Sur cette paroisse, se sont établies diverses communautés religieuses : bénédictines de Notre-Dame de la Conception et bernadines de Montluçon, rue Vacheresse, au XVIIe siècle; bénédictines de Saint-Thomas de Laval, rue du 27-Août-l944, de 1647 à 1752 ; sœurs du Sacré-Cœur de Jésus, rue Saint-Fursy, au XVIIIe siècle.

Le dernier curé de Saint-Fursy est Jean-Baptiste BAUDOUIN, avec un vicaire, Louis CLABAUX. Tous deux prêtent serment le 23 janvier 1791, et restent pour assurer le culte catholique pendant la période révolutionnaire, avec une interruption de mai 1794 à juin 1795. A la réorganisation du diocèse de Meaux, après le Concordat de 1801, Jean-Baptiste BAUDOUIN est nommé à Notre-Dame de Melun, où il décède le 8 août 1821, à quatre-vingt-quatre ans.

Les registres paroissiaux tenus pour les baptêmes, mariages et sépultures, commencent en 1513, inexistants de février 1520 nouveau style à septembre 1576, ils sont encore assez lacunaires jusqu'en 1589, et ne concernent que les baptêmes. Complets à partir de 1601, ils s'arrêtent le 26 janvier 1793, et sont conservés aux archives communales de Lagny. Hormis les actes qui y sont inscrits, les registres ne contiennent guère de renseignements, comme c'est parfois le cas. On y trouve cependant quelques élections de marguilliers, la bénédiction des cloches... et la mention de la bataille de Marignan, rapportée ainsi : « Le jour Sainte Croix XIIIIe septembre Vc et XV le Roy, nostre sire, eust victoire contre les Suisses, et dont nous remercions Dieu de la bonne victoire, et fut pris Millan ».

La paroisse possédait d'autres archives. Le 27 mai 1795, les papiers remontant au moins au XVe siècle sont inventoriés. Cette précaution n'empêche pas leur perte.


[16] Voir, par exemple, un arrêt notable du Parlement de Paris, rendu contractuellement au profit des Religieux, Prieur et Convent de l’Abbaye de Lagny... curez primitifs des Paroisses de S. Fursy et S. Paul dudit Lagny, contre les Vicaires perpétuels desdites Paroisses, portant Règlement des droits honorifiques et prééminences dues ausd. Religieux par lesd. Vicaires, du 20 May 1651, s.l. n.d, in-8°, 8 p.

[17] Arch. com. de Lagny-sur-Marne, délibération municipales, l783 à 1785.

[18] Arch. dép.de S.-et-M., Q (58J).


ASPECT ACTUEL DE L'ÉGLISE (1985)

En plus d'une démolition partielle, l'édifice a subi des modifications importantes dans sa distribution intérieure et son aspect extérieur. Il ne présente plus aujourd'hui que les trois premières travées de la nef et les collatéraux correspondants. Sont donc modernes, le bouchement des arcades de la nef, les planchers et les cloisonnements. En conséquence, la perception des vestiges existants ne peut se faire qu'à travers les suppressions et bouleversements inhérents à l'installation de l'auberge, devenue hôtel, puis café. Dans les descriptions qui suivent, nous n'avons pas tenu compte de la restauration en cours.

La nef est voûtée sur croisées d'ogives simples, sans liernes, ni tiercerons, avec une élévation à deux étages : arcades s'ouvrant sur les bas-côtés, baies hautes, dont le fenestrage flamboyant est divisé par deux meneaux. Il n'y a pas de triforium.

Les piles varient légèrement. La première, engagée au revers de la façade, et la troisième sont cantonnées de nervures prismatiques qui descendent directement des arcs. La deuxième, au contraire, est une robuste pile ronde, unie, où viennent se fondre les nervures. A gauche, la quatrième pile a disparu. A droite, elle est enrobée dans la saillie du mur fermant la nef à cet endroit. Aucune de ces piles ne comportait de chapiteau.

Les piles unies ont été entaillées à leur partie basse pour le logement des mangeoires de l'ancienne écurie. Ce qui reste des autres bases, malheureusement reprises il y a quelques années, montre des socles très élevés, correspondant aux nervures, et reposant sur un haut stylobate. Le niveau de la salle en contre-bas approche le sol ancien. Les piles sont encore partiellement visibles au rez-de-chaussée et au premier étage. Un balcon moderne ceinturait jadis la grande salle du premier étage. Du décor peint sur les murs vers la fin du XIXe siècle, n'ont été conservées qu'une perspective de parc et des draperies simulées, le tout sans grand intérêt.

Les voûtes de la nef ont gardé leurs clefs sculptées de feuillages et de fleurs pour la première, d'une étoile à six branches pour la deuxième.

La troisième est dissimulée par un étalement moderne qui soutient les voûtes disloquées par la démolition partielle de l'édifice. A ce niveau, servant actuellement de grenier, le mur ouest, remplissage de la baie de la façade conserve un dessin naïf aux crayons de couleurs, daté « Lagny, 12 juillet 1860 ». Trois hommes, bouteilles en mains, semblent justifier l'inscription « Vins à 4 sous ».

Le comble de la nef est encore accessible, mais la charpente a été remaniée. Elle garde cependant des bois anciens, notamment les entraits, aux arêtes abattues par de larges chanfreins. L'extrados des voûtes est bien visible. A certains endroits, les pierres sont apparentes, à d'autres, elles sont recouvertes d'une chape de plâtre.

Les bas-côtés sont tout à fait dénaturés, et leur voûtement a disparu. Le bas-côté sud a le plus souffert, sans avoir été supprimé, comme on l'a écrit, pour le percement de la rue Saint-Fursy, qui a toujours existé.

Son mur gouttereau a été remplacé par la maçonnerie actuelle qui inclut de nombreux remplois dans une ossature en bois. On descendait du comble de ce bas-côté par la tourelle de droite de la façade.

Le bas-côté nord-est plus perceptible avec des supports engagés cantonnés de nervures prismatiques garnies de socles, le tout identique à la mouluration des piles de la nef. Des baies latérales, il reste l'appui, avec le départ de la moulure qui les entourait. A l'extrémité ouest, s'ouvrait, dans la façade, une baie partiellement bouchée, qui a perdu son fenestrage. A cet endroit, démarre la tourelle de gauche, qui contient encore une partie de son escalier à vis. Cet escalier conduisait à la tribune de l'orgue, puis au comble du bas-côté, avant de ressortir en haut de la façade.

Extérieurement, l'édifice a souffert, et les mutilations sont particulièrement graves sur la façade ouest, construite, sauf les sculptures, avec une pierre tendre qui s'est délitée. La façade est ajourée d'une grande baie en tiers-point encadrée par deux tourelles, et terminée par un pignon. La baie, vide de son fenestrage dont on distingue les amorces, est soulignée par trois voussures, dont les deux extrêmes comportent des sculptures d'une excellente exécution, et assez bien conservées, ce qui n'est pas le cas des bases.

Personnages, putti, animaux réels ou monstrueux, feuillages, pampres et fruits s'entremêlent dans la fantaisie coutumière à l'art flamboyant.

On y remarque, entre autres, deux têtes, l'une joufflue, l'autre barbue et coiffée d'une sorte de haut de forme, alors qu'un homme montre son postérieur dans une attitude indécente. Des pinacles aux dais décorés de crochets, flanquent la baie de part et d'autre sur toute sa hauteur. La porte d'entrée est surmontée d'un arc surbaissé en pierre sur lequel repose un balcon moderne.

Percées de meurtrières pour l'éclairage, les tourelles sont différentes. Celle de gauche monte depuis le sol du bas-côté nord. Celle de droite, polygonale, s'amortit par un encorbellement sculpté sur un contrefort, et son escalier ne commence qu'au niveau du comble du bas-côté sud. A leur partie basse, tourelle et contrefort sont creusés d'une niche.

Le décor des socles est bien abîmé, mais les dais aux fines sculptures sont mieux conservés. Celui de droite se prolonge par un petit personnage assis mutilé.

Les angles supérieurs des tourelles sont cantonnés de pinacles dégradés, dont il reste surtout les crochets. Les moulures verticales sont cachées par un placage de ciment. Un écusson informe occupe le sommet de la baie. Une accolade l'encadrait, mais on en distingue seulement quelques traces. Au-dessus de l’écusson, règne une frise semblable à celle des voussures, mais en mauvais état. Les tourelles, séparées par une galerie découverte, étaient jadis plus élevées et reliées par une balustrade en pierre sur laquelle l'accolade se poursuivait. Dérasées sans doute après la Révolution, les tourelles, actuellement couvertes en tuile, devaient se terminer par des clochetons pyramidaux en pierre. En retrait des tourelles, la façade s'achève par un pignon uni, percé d'un oculus quadrilobé, dont les rampants sont garnis de crochets en feuilles de choux et d'un petit sphinx.

La façade nord, pratiquement inaccessible, est pourtant intéressante. Des fenêtres hautes de la nef, bouchées, seule l'extrémité supérieure dépasse la toiture actuelle du bas-côté qui en obstrue la majeure partie. Entre les fenêtres, des arrachements marquent la présence d'arcs-boutants disparus. Il en existe encore un à l’est, épaulé par une culée, et incorporé à une souche de cheminée. Ces arcs-boutants permettaient l’écoulement des eaux du grand comble. Du système d'évacuation basse pour le comble du bas-côté, il subsiste une gargouille en pierre représentant un animal fantastique. De ce bas-côté, on distingue l'extérieur des baies, bouchées ou modifiées, semblables à celles de la nef. Sur la place de la Fontaine, la façade sud a été entièrement reprise.

Sous la toiture moderne du bas-côté, on retrouve la partie haute des baies de la nef et les arrachements des arcs-boutants.



LE MOBILIER DE L'ÉGLISE

L'édifice d'aujourd'hui ne garde rien du mobi­lier de l'ancienne église. Ce qui en subsiste est à l'église Saint-Pierre, devenue Notre-Dame-des-Ardents en 1950. L'inventaire de cette église en 1834 apporte des renseignements utiles, mais, depuis, l'église, elle-même, a subi des modifi­cations, d'où une nouvelle diminution du mobi­lier[19].

Les autels en bois de Saint-Fursy, avec leurs retables, avaient été replacés à Saint-Pierre en 1792. Ils sont maintenant disparus. Statues et tableaux avaient aussi été déménagés, mais là encore, les pertes sont nombreuses. Ne sont plus à l'église que les statues de saint Fursy et de saint Blaise en bois (XVIIIe siècle). En 1834, il restait un saint Eloi et un saint Sébastien, en bois, dont l'origine est sûre.

Au siècle dernier, on a remonté dans la chapelle Saint-Joseph, les boiseries sculptées faites vers 1772 pour Saint-Fursy, comme nous l'avons déjà vu, et où leur place est connue. La menuiserie des bancs d'œuvre avait été trans­portée à Saint-Pierre, mais il n'en subsiste rien.

Si l'inventaire de 1792 mentionne dix-huit tableaux, sans les identifier, celui de 1834, plus précis, permet de situer quatorze tableaux :

l’Annonciation, retable de l'autel de la Conception 'de la Vierge, aujourd'hui dans la chapelle des fonts baptismaux (XVIIIe siècle).

— La Descente du Saint-Esprit, offerte, selon la tradition, par Louis XIV après son passage à Lagny, en 1683 ; aujourd'hui dans la chapelle de la Vierge (1646)[20].

Saint Fursy faisant jaillir la source de Lagny, retable du maître-autel, avec un cadre sculpté ancien; aujourd'hui dans la chapelle de la Vierge (XVIIIe siècle).

Sainte Geneviève priant dans la campagne en gardant ses moutons, retable de l'autel de la sainte, disparu entre 1834 et 1865.

Saint Honoré, toile disparue entre 1834 et 1865.

L’archange Michel combattant le chef des anges rebelles et le précipitant dans les sombres demeures, retable de l'autel Saint-Michel, disparu entre 1834 et 1865.

— La Nativité, l’Adoration des mages, la Présen­tation au Temple, Jésus-Christ enseignant les docteurs, l’Élévation de Jésus-Christ en croix, la Descente de croix, la Résurrection, l'Ascension.

Ces huit dernières toiles consacrées à la vie du Christ, originaux ou copies, avaient été exécutées en 1772, pour 2400 livres, par Jean-Baptiste HUTIN (v. 1725-1786). La Nativité, seule toile signée, a malheureusement disparu après 1956, suite à sa dépose pour l'aménagement de la chapelle dédiée à sainte Jeanne d'Arc[21].

Un état du 20 juin 1794 signale le guidon du Saint Sacrement et la bannière de saint Fursy, celle-ci « garnie d'un galon d'or »[22]. Tout est perdu.

A sa suppression, l'orgue de Saint-Fursy pouvait être ancien. Le 30 août 1605, la paroisse avait passé un marché avec le facteur parisien Mathieu LANGHEDUL, pour la fourniture et la pose d'un instrument avec ses accessoires et son buffet. L'année suivante, le travail est achevé[23]. Des réparations seront effectuées en 1655 par un autre facteur parisien, Pierre THIERRY[24]. Le 2 octobre 1792, l'orgue est compris dans l'inventaire de l'église, et le 28 novembre, son démontage produit 330 livres d'étain et 470 livres de plomb. Il a cessé d'exister le 2 décembre 1792, avec la vente du buffet à Jacques BALZAC. Le lutrin en cuivre et les bancs en bois ont connu le même sort, à l'inverse de la cuve baptismale en marbre rouge, qui existe encore à l’église Saint-Pierre.

L'argenterie et les reliquaires semblent avoir disparu en totalité à la Révolution, sans que les inventaires en aient laissé une description. On sait seulement que, le 4 mars 1793, quelques épaves avaient survécu : six grands chandeliers, une plaque de bedeau, deux douilles provenant d'une croix. Les objets en argent ou en vermeil ont dû être fondus à la Monnaie de Paris, comme l'époque l'exigeait.

Grâce au narrateur d'une procession en 1734, on possède quelques détails sur « la chasse de st Furcy, nostre bien heureux patron, où il est représenté tenant un reliquaire devant luy soutenu par deux anges »[25], La relique, qui n'est pas à Saint-Pierre, était l'os d'un bras[26].

Les livres religieux sont perdus. Le musée de Lagny conserve un Office de st Joseph fondé en l’église Monsieur St Furcy de Lagny sur Marne..., du XVIIe siècle, et quelques pages d'un autre office, mais de saint Fursy, du siècle suivant.

L'horloge de l'église était encastrée dans la couverture du clocher. Elle laissait voir ses poids par une fenêtre allongée qui perçait la tour vers la place de la Fontaine. Cette horloge, réparée notamment en 1631[27] et en 1773[28], avait été installée bien auparavant. En 1401, elle avait été pourvue d'un timbre, que la malice populaire appelait la Trembleuse, à cause de la faiblesse du ressort qui prolongeait les vibrations.

Ce timbre, la plus ancienne cloche connue de Lagny, portait une inscription en caractères gothiques sur deux lignes : + LAN MIL CCCC UN CE IN FUT FAIT CET CLOCHE POUR CERVIR A OLOGE PAR LE PROCUREUS D LAIGNI NOMME IEHAN PLATRIE PARRAIN MECIRE ROBERT POUE. Deux médaillons coupaient le texte avec une Vierge à l'Enfant et un saint Michel[29].

D'autres cloches garnissaient la tour, et les registres paroissiaux en fournissent parfois l'origine. C'est ainsi que le 8 juillet 1656, six cloches sont fondues dans la chapelle du cimetière de Lagny, en réutilisant les anciennes, opération décidée par le curé, les marguilliers et « la plus saine et meilleure partie des paroissiens ». Le 3 août 1656 voyait la bénédiction de cinq cloches : la grosse moyenne, Marie-Fursye, avec pour parrain Philippe MUSNIER, conseiller du roi et trésorier des finances de la généralité d'Auvergne, et pour marraine Marie Le FEBVRE, épouse de Nicolas COLLIER, seigneur du Fresnoy et autres lieux, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi, capitaine d'une compagnie de chevau-légers au régiment de Valois ; la première moyenne, Élisabeth-Anne, avec pour parrain Gabriel MASLÉ, grenetier ancien au grenier à sel de Lagny, et pour marraine Anne GOSSE, épouse de Claude DESNOUES, docteur en médecine de la faculté de Montpellier ; la deuxième moyenne, Joseph, avec pour parrain Jean LERNAULT, curé de Saint-Fursy, « sans avoir eu aucune compagne » ; la troisième moyenne, Catherine-Marguerite, avec pour parrain Nicolas YOUST, marchand mercier, et pour marraine Marguerite DUPONT, épouse de Jean PRAILLY, procureur au bailliage de Lagny ; la petite, Jésus-Marie, avec pour parrain Guillaume ÉZARD, procureur au bailliage de Lagny, et pour marraine Anthoinette BOBÉ, épouse de Nicolas MORIN, procureur et greffier au même bailliage.

La grosse cloche, Charles-Magdeleine, ne fut bénie que le 2 octobre 1656. Elle avait pour parrain Charles Maurice LE TELLIER, aumônier ordinaire du roi, abbé et comte de Lagny, et pour marraine Magdeleine Fare, sa sœur. L'abbé de Lagny, nommé en 1653, était alors âgé de quatorze ans. C'est le jour de la bénédiction de la cloche que « ledit sieur abbé fit sa première entrée dans Lagny, accompagné de madame sa mère et de mademoiselle sa sœur, et print en personne possession de l'abbaye »[30].

D'autres bénédictions interviennent par la suite : la grosse cloche, Jean-Baptiste-Anne, le 26 septembre 1689, avec pour parrain Jean LERNAULT, ancien curé de Saint-Fursy, et pour marraine Anne CHENART, épouse de Jean GAYARDON, chevalier, seigneur de Saint-Laurent et autres lieux, conseiller du roi, receveur général des finances de la généralité de Soissons[31] ; la petite cloche, Marie-Joseph, le 22 juin 1704, avec pour parrain Joseph de La TRÉMOILLE, conseiller d'état, abbé et comte de Lagny, et pour marraine Marie-Elisabeth DURET de CHEVRY, épouse du duc de NOIRMOUTIER ; la deuxième cloche, Catherine-Nicolle, le 16 juillet 1725, avec pour parrain Nicolas MORAL, et pour marraine Catherine THIERRIET. C'est probablement cette cloche, appelée Saint-Nicolas, dont on répare le brayer, avec celui de la grosse cloche, en 1779-1781[32].

Les registres paroissiaux sont muets sur une nouvelle refonte de la grosse cloche en 1744. Son inscription en témoigne : + IAY ETE BENIE ET NOMMEE FURSY FRANÇOISE MARGUERITE PAR MESSIRE FRANÇOIS FEV DOCTEUR DE SORBONNE CURE DE ST GERUAIS A PARIS ET PAR DAME MARGUERITE DEMELIEN DAME D EGLIGNYE ET AUTRES LIEVX ETANT ABBE HAVT ET PVISSANT SEIGr Mre LOVIS PAAL VICTOR DE ST AIGNAN DE BEAUVILLIERS ME RENOVARI IVSSIT DOS LERNAVT HVWS ECLESIAE PASTOR AN 1682 IN MEUVS XTOPHORVS GILLET EIVSDEM ECLESLE PASTOR 1744 A BROCARD C BROCARD F POISSON MONT FAIT[33].

Enfin, le 17 juillet 1780, la sixième cloche de Saint-Fursy est remplacée à son tour, bénie sous le nom de Jeanne-Fursye, avec pour parrain Nicolas-Fursy VERNOIS, ancien marguillier et marchand, et pour marraine Jeanne-Louise Le BLANC, épouse de Claude-Marie BERNARD, ancien marguillier et marchand à Lagny.

Le 17 octobre 1792, les cloches descendues et pesées totalisent 7450 livres de métal. Avec celles des autres églises et de l'abbaye, elles n'échappent pas à la fonte. Seule est gardée la grosse cloche de 1744 placée à Saint-Pierre, où elle est toujours[34]. Le timbre de 1401, à cause de l'horloge, reste dans le clocher jusqu'à la démolition de celui-ci, en 1798. Il est alors transféré, avec l'horloge, dans la tour de l'ancienne église Saint-Paul. Pour peu de temps, puisqu'une nouvelle démolition oblige à un autre déménagement. En 1812, l'horloge de Saint-Fursy trouve refuge à l'hospice, rue du Chemin-de-Fer. Le timbre de 1401 l'a-t-il suivie ? En 1834, il est à l'église Saint-Pierre. Brisé en 1846, il pèse alors 267 kilogrammes, et entre dans la confection d'une cloche, Henriette-Adolphine, bénie le 22 juin 1847, dont l'inscription commençait ainsi: JE PROVIENS DE LA REFONTE DU TIMBRE DE L ANCIENNE EGLISE SAINT FURCY DE LAGNY QUI DATAIT DE M CCCC I... A son tour, cette cloche est fondue, en 1867, pour donner deux cloches, qui, elles, existent toujours, Henriette-Jeanne-Marie et Marie-Laure.[35]


[19] J.A. LE PAIRE, ouvr. cité, p. 227, donne une description de l'église Saint-Pierre, « après les grandes réparations faites en 1865 », qui correspond à l'état actuel.

[20] Cette toile, attribuée à Charles-Alphonse DUFRESNOY (1611-1668) est signée RATHEDIMUS, 1646

[21] Sur l’auteur des peintures, voir H. JADART, ouvr. cité, p. 127.

[22] Arch. dép. de S.-et-M., I Q 307,

[23] Archives nationales. Minutier central, CXVII, 467, 30 août 1605.

[24] Archi. dép. de S.-et-M., E 1264, 12 octobre 1655.

[25] Arch. com. de Lagny-sur-Marne, délibération de la fabrique de Saint-Fursy, 28 octobre 1734, texte repris par la Semaine religieuse de Meaux n° 4, 22 janvier 1898, p. 42.

[26] C’est ce qu'indique Jean-Maxime-Gabriel VERNOIS, Mémoires sur la ville Je Lagny, manuscrit, vers 1830, p. 11-12.

[27] Arch. Dép. de S.-et-M., E1262, 14 avril 1631.

[28] Arch. com. De Lagny-sur-Marne, délibération municipale, 6 février 1774.

[29] Le texte est conservé grâce à un estampage pris en 1846 sur la cloche avant sa refonte (Arch. com. De Lagny-sur-Marne)

[30] Charles-Maurice LE TELLIER (1642-1710), abbé de Saint-Pierre de Lagny de 1653 à 1695, était le fils du chancelier Michel LE TELLIER et le frère du ministre Louvois.

[31] Jean GAYARDON était propriétaire du château Saint-Laurent, à Lagny, possédé et habité de 1815 à 1821 par l'ancienne nourrice du Roi de Rome, Marie-Victoire-Joséphine AUCHARD. Le château Saint-Laurent, occupé par le pensionnat du même nom, a été démoli en 1983, il pouvait dater du milieu du XVIIe siècle.

[32] Arch. dép. de S.-et-M., G 292

[33] Id., Mdz 514 Pierre NOEL, « Les cloches du canton de Lagny », dans le Bulletin de la société littéraire et historique de la Brie, 33e vol., 1976, p. 53-54. En fait, la cloche précédente datait de 1689 et non de 1682.

[34] Elle n'a pas été refondue, ainsi que l'affirme Ferdinand de GUILHERMY, Inscriptions de la France du Ve siècle au XVIIIe, ancien diocèse de Paris, t. IV, Paris, 1879, p. 532, suivi par J.-A. LE PAIRE, Annales du pays de Lagny, depuis les temps les pins reculés jusqu'au 20 septembre 1792, Lagny, 1880, p. 375. Cet auteur, Le Petit Journal... a rectifié son erreur, p. 238.

[35] J.-A. LE PAIRE, Le Petit Journal..., p. 239-240. En réalité, la cloche fut fondue en 1846, sans comprendre les débris du timbre de 1401, ce qui rendait mensongère son inscription. Le 23 octobre 1846, le maire de Lagny écrivait au fondeur parisien, Nicolas HILDEBRAND, pour lui signaler ce fait, et lui enjoindre de procéder à une refonte. Celle-ci eut-elle lieu ? Les archives communales de Lagny-sur-Marne sont muettes sur ce point.

ARCHÉOLOGIE ET DÉCOUVERTES

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'ancienne église Saint-Fursy a peu alimenté l'archéologie locale. Il est impossible de dire ce qui a pu être recueilli lors de la démolition de l'édifice. Quelques éléments sont au musée de Lagny : clef de tabernacle en bronze, tambours de colonnette, claveau d'arc, bénitier et poids d'horloge en pierre, fragment de la tombe gravée d'un curé (XVIe siècle), avec reste d'inscription en lettres gothiques : ... GESTE EGLE ET PAR L ESPACE DE XXVI ANS DU TROISIEME JUILLET M...

En 1798-1800, le pont de bois sur la Marne ayant été reconstruit, le remblai aux abouts devait être constitué de terres et de pierres prises dans l'ancienne église. C'est du moins ce que prévoyait le devis, mais il ne parait pas que cette clause ait été observée[36].

En septembre 1867, le creusement d'une cave sous la troisième travée de la nef apporte, sans doute, de nombreuses découvertes. Seule une poterie funéraire (XVIe siècle) est au musée de Lagny. Encore importantes sont les découvertes dues à la construction, en 1912-1913, de l'immeuble contre l'église sur la place de la Fontaine. Le musée de Lagny n'en a recueilli que trois poteries funéraires (XVIe siècle). Le percement d'un mur, en 1970, 28 rue des Marchés, a fourni un bloc en calcaire, dont les rinceaux sculptés rappellent ceux du portail. Il doit s'agir d'un élément de la porte ayant existé en cet endroit.

Un cimetière avoisinait l'église. Il n'y a que des terrassements utilitaires qui l'aient révélé jusqu'à présent. Si quelques ossements ont été repérés devant la façade ouest, c'est sous la place de la Fontaine que plusieurs squelettes ont été rencontrés en 1980. Dépourvus de tout mobilier funéraire, ils semblent dater des Xe-XIIe siècles. A cette époque, le cimetière aurait été abandonné, transformé en place dans une ville où les foires de Champagne devaient attirer beaucoup de monde.

Pour terminer, regrettons que le dernier aménagement intérieur de l'ancienne église n'ait pas été précédé d'une reconnaissance archéologique.


[36] Arch. départ, de S.-et-M., 1 S 82. Des terrassements utilitaires effectues en juin 1984 près de la tête de pont, sur Lagny, ont révélé la présence d'un remblai important, mais sans débris de démolition, voire d'ossements humains.

ARTISTES ET ÉCRIVAINS

On ne connaît pas de représentations exactes de l'église Saint-Fursy lorsqu'elle servait au culte. Deux vues de la ville, d'après CHASTILLON (fin du XVIe siècle) et d'après PEETERS (vers 1650), sont inutilisables. Sur un plan de Lagny de 1724, ne figure qu'un dessin malhabile. Deux petits plans de l'église et une élévation du clocher ont été tracés de mémoire, vers 1849, par un ancien notaire, Louis-Simon RICHARD. Nous avons déjà exploité les renseignements qu'ils fournissent[37].

En fait, c'est Charles LATOlSON-DUVAL. (1813-1888) qui exécute, le premier en 1839, une belle aquarelle de la façade, reprise plus tard par la lithographie, ce qui n'a pas été le cas pour une autre aquarelle où l'église se profile sous la neige. Quelques esquisses de lui sont encore connues, dont l'une, vers 1869, était destinée à un ouvrage sur Lagny qui n'a jamais vu le jour. Avant 1854, Charles FICHOT donne une excellente lithographie pour Les Monuments de Seine-et-Marne, réalisée en collaboration avec Amédée AUFAUVRE. Certains tirages sont coloriés.

En 1900, CAVALLO-PEDUZZI (1851-1917) grave une grande eau-forte de la façade, qui obtient un légitime succès, avec plusieurs états différents. Il grave aussi une petite vue de l'église de profil, et il peint l'édifice « découpant sa silhouette sur un ciel implacablement bleu, avec ses ombres violettes et pâles, avec l'intense vibration de ses clartés... excellente étude d'orientaliste »[38].

À ces œuvres, s'ajoutent celles, variées et inégales, de Paul MERWART (1898), Edmond-Marie HÖNER (1900), Arthur DUBAR (v. 1900), René MARIN (1927), Georges MATHIEU (1929), Antoinette DEMANGEON (1933), Henri PIGNOL (1938), Louis HARDY (1954), Jean FERRY (1957), sans oublier les artistes contemporains.

La première photographie de l'église semble avoir été prise en 1848 par Louis-Adolphe HUMBERT de MOLARD[39]. Elle montre le flanc sud de l'édifice, presque dans son état actuel. Sur une enseigne, on lit HOTEL ST FURCY SALON DE 130 COUVERTS. La façade a été reproduite plus tardivement, vers 1885, par le peintre Léo GAUSSON (1860-1944), dans un cliché où est encore debout la maison qui rétrécissait la rue Saint-Fursy devant l'église, maison démolie en 1893. D'autres belles épreuves de la façade sont dues à E. DURAND (1886), Jean BRIFFAULT (1888), Edmond LÈVÊQUE (1893), Victor LATINVILLE v. 1895), Victor DIETSCH (1905), Eugène ATGET (vers 1910), etc. La carte postale, depuis 1900, en a fait un sujet de choix.

Symbole du vieux Lagny, la façade de Saint-Furcy a été utilisée pour décorer papier à lettres, cartes de vœux, menus, programmes, papier d'emballage, couvertures de cahiers, fanions, porte-clefs, etc. De 1958 à 1979, Saint-Furcy a figuré sur la flamme postale d'oblitération du courrier partant de Lagny. Et le portail n'a pas été oublié, en 1977, dans les dessins du concours de timbre-poste sur Lagny, même si ce n'est pas lui qui a remporté le premier prix.

Les écrivains n'ont pas été aussi généreux que les artistes à l'égard de Saint-Fursy. On a rattaché abusivement à l'ancienne église La Nichée sous le portail, poème des Contemplations ébauché par Victor HUGO lorsqu'il visite Lagny en 1845. On peut retenir les nids d'hirondelles « sous la vieille voûte grise », mais il est difficile d'y voir « Les saints graves personnages... Les vierges et les prophètes »[40].

C'est toujours dans un poème, Lagny d'hiver, qu'Albert THOMAS évoque en 1900 :

... la grise dentelle

Dont Saint-Fursy broda sa gothique chapelle[41].

Emile HlNZELIN a décrit l'église, aperçue au hasard d'une promenade, «portail abandonné, ébréché, mutilé : un portail perdu »[42].

Mais la voix la plus forte qui s'est élevée est celle de Léon BLOY, qui a l'occasion de découvrir le monument pendant son séjour à Lagny, de 1901 à 1904. C'est évidemment dans son journal littéraire, Quatre Ans de captivité à Cochons-sur-Marne, qu'il relate, en août 1901, une visite à l'église de Batz-sur-Mer, ruinée « comme l'ancienne abbatiale de Cochons-sur-Marne, avec cette différence que la ruine de Cochons est polluée, compissée horriblement par tout un peuple qui reçut là son baptême, il y a mille ans ».

C'est toujours dans son journal, que se trouve, le 19 janvier 1904, cette prose puissante et indignée : « Je me reproche de n'avoir jamais dit un mot de l'ancienne église abbatiale de Saint-Furcy. Il y aurait à faire tout un travail d'archéologie et d'histoire sur cette ruine profanée horriblement. Transformé en un garno tout à fait infâme, ce baptistère de la Brie ressemble à une maison de passe pour les vagabonds. Ce lieu où le Sacrifice a été offert pendant des siècles est une écurie et les vieilles pierres qui furent les amies des saints, qui protégèrent contre le froid ou la chaleur des générations de pauvres, sont devenues des parois de bastringues ou de pissotières... Je passe le plus rarement que je peux devant cette façade humiliée et vénérable qui meurt de noblesse dans les ordures, qui est certainement l’unique belle chose du pays et que personne, jamais, ne regarde ».


[37] Ces vues sont conservées au musée de Lagny, ainsi que la plupart des dessins, tableaux, gravures, photographies et documents dont il est question dans ce chapitre.

[38] Albert THOMAS, « Le salon de Lagny », dans Lagny-Artiste, publication de l’Union artistique et littéraire du canton de Lagny, n° 1, 1899, p. 22.

[39] Sur Louis-Adolphe HUMBERT de MOLARD (1800-1874), pionnier de la photographie, voir « Aux Origines de la photographie, anecdotes et documents » dans Bulletin de la société historique, artistique et scientifique de Lagny-sur-Marne et environs, n° 16, 1976, p. 13-16; Gilbert GIMON, « HUMBERT de MOLARD », dans Prestiges de la photographie, n° 5, novembre 1978, p. 66-95; id, n° 7, août 1979, p. 4-35.

[40] Sur Victor HUGO dans la région de Lagny, voir Christian GAMBLIN, « Victor HUGO à Chelles », dans Bulletin de la société archéologique et Historique de Chelles. I971-1972, p. 28-38.

[41] Albert THOMAS, « Lagny d'hiver», dans Lagny-Artiste, n° 3, 1900-1901, p. 17.

[42] Emile HINZELIN, «Lagny», dans Lagny-Artiste, n° 2, 1900, p. 2. Que venait faire à Lagny Emile HINZELIN (1857-1937), chantre de la Lorraine annexée ?

UNE RESTAURATION EN COURS (1985)

En acquérant la mitoyenneté de la façade ouest, les intentions clé la ville de Lagny-sur-Marne étaient de promouvoir une restauration de cette partie de l'édifice. L'opération, dont la maîtrise a été confiée à l'Etat, comprend trois tranches. La première, commencée en 1983, s'achève actuellement, portant sur la moitié de droite de la façade et le retour du ravalement, côté place de la Fontaine. A l'exception des sculptures, les pierres endommagées ont été remplacées. La tourelle, entièrement reconstruite, sera recouverte telle qu'elle était avant les travaux. Le nettoyage des sculptures du portail doit se terminer par un rejointoiement général.

La deuxième tranche concernera l'autre moitié de la façade, avec la tourelle et l'angle du bas-côté nord. La troisième et dernière tranche visera à reconstituer le fenestrage de la grande baie. Cependant, les travaux ont déjà subi un retard qui ne permet pas de préciser l'époque de leur achèvement.

L'importance des travaux à réaliser justifie le souci de la Commission supérieure des Monuments historiques de voir la réfection des maçonneries entourée des « soins d'un architecte habile et expérimenté »[43]. Souhaitons que l'exécution réponde à ce vœu, et sauve enfin un édifice digne d'intérêt.

Pierre EBERHART


[43] Revue des monuments historiques, n° 102. avril 1979, p. 8I.