Conférence sur l’histoire de Gouvernes le 25 octobre 2009 en l’église de Gouvernes par le Dr Yves MOSSER
Je vais ce soir reprendre quelques uns des thèmes de la publication « de Cusvisna à Gouvernes » parue il y a quelques semaines, pour les journées du patrimoine et je vais aborder d’autres thèmes qui me semblent ouvrir de nouvelles voies de recherche sur l’histoire de notre village.
Le prieuré de Gouvernes
L’abbé Lebeuf en 1755 mentionne la présence de Jean de Gastel (d’une famille noble et ancienne de Franche Comté) il est alors prieur de Gouvernes, lors d’une translation des reliques de Saint Magloire en juin 1318 ; par là il fait référence à un prieuré à Gouvernes sous la dépendance du monastère Saint Magloire de Paris. Cette existence n’est rapportée que par un écrivain du XIVème siècle et on ne la retrouve dans aucun catalogue des prieurés des diocèses de Paris et d’ailleurs ; en particulier aucun prieuré n’apparait dans la liste des revenues des abbayes et prieurés du pouillé du diocèse de Paris en 1342.
J’ai dans un premier temps fait comme tous les historiens chercher à le localiser sur l’actuel territoire de Gouvernes. Ce prieuré était il près de l’église actuelle ou d’une autre église plus ancienne d’autre localisation ?
L’établissement d’un prieuré à Gouvernes est plausible :
a- rentable il y a là des terres humides à valoriser, une forêt clairsemée à défricher,
b- croisée de chemins devant l’église actuelle
c- proximité d’une source aux vertus réputées ; la fontaine Saint Germain dont l’eau guérit les maux d’yeux
d- mise en valeur de la vigne
En 1318 le prieuré Saint Jean Baptiste de Saint-Thibault-des-Vignes dépend de l’abbaye de Lagny, mais comme la paroisse de Saint-Thibault-des-Vignes n’est paroisse séparée qu’en 1543 ; sur quelle paroisse est-il ? Lagny ? Gouvernes ?
Après de nombreuses recherches infructueuses pour étayer ces hypothèses, j’ai trouvé une explication plausible : ce prieuré est celui de Saint-Thibault-des-Vignes.
Quant à la dépendance du monastère de Saint Magloire à Paris, elle n’est qu’hypothétique et l’exemple du prieuré de Chessy dont le prieur était de Saint Magloire alors que le prieuré dépendait en fief de l’abbaye de Lagny, montre qu’un prieur de Saint Magloire pouvait diriger un prieuré dépendant d’une autre abbaye.
Le maitre-autel de l’église de Gouvernes
C’est là ma dernière découverte concernant notre village.
Ce maître autel en bois sculpté est offert par la comtesse Picot de Dampierre, châtelaine de Guermantes à l’église de Gouvernes car trop grand pour l’église de Guermantes
Cet autel bien que de belle dimension pouvait tenir sans problème dans l’église de Guermantes à laquelle il est destiné. Alors pourquoi ?
C’est en participant au ménage de l’église en vu des journées du patrimoine que je me suis aperçu que l’autel présentait à l’arrière des deux coté et sur sa face arrière plusieurs trous de fixation et que le bois de la partie arrière des cotés de l’autel n’était pas travaillé.
A quoi pouvaient-ils être destinés ?
En reprenant une carte postale de 1907 représentant l’intérieur de l’église et en l’examinant à un fort grossissement qu’elle ne fut pas ma surprise de découvrir que l’autel que nous connaissons aujourd’hui n’est que la table de l’autel d’origine, et qu’effectivement dans ses dimensions originales il ne pouvait pas trouver sa place dans l’église de Guermantes .
Constitué alors d’une table d’autel (l’actuel autel) et d’un retable comportant quatre niches abritant chacune une statuette (probablement les quatre statuettes conservées dans la réserve de l’église) au milieu un tabernacle surmonté d’un christ en croix et de chaque coté une colonnette avec un ange à son sommet.
La maison de La Loy
J’ai tracé sur ce plan la limite communale actuelle
ce qui va nous retenir maintenant c’est ce petit symbole : « La Loy » est noté par un symbole utilisé par Cassini signifiant « bourg avec château »
En 1154 dans la déclaration du circuit de la terre de Lagny-sur-Marne ; il y est dit que « l’étang du pont Gilbert est situé derrière l’hôtel du Vivier » Il y a là dès cette époque un fief qui est de la terre et la justice de Lagny.
«La ligne suit alors la ruelle qui va à contre-val au coin d’une pièce de terre située près de l’étang du Pont-Gilbert. De ce coin elle retourne suivant le ru en aval, jusqu’aux jardins et étangs situé derrière l’hôtel du Vivier, La ligne tourne à post main autour des jardins jusqu'au grand ru qui vient de l’arche dudit étang et va du ru à contremont jusqu’au bout des terres de l’hôtel du vivier où se trouve un grand fossé. » appartement à Guillaume Dupas. L’hôtel et le jardin sont de la terre et de la justice de Lagny.
A noter l’acquisition vers 1600 par les seigneurs de la Poterie d’une « maison » au lieu dit « La Loy » . Ce terme de « maison » est à cette époque utiliser pour désigner un château, un manoir.
Il y a là, proche du « ru de l’étang » (actuel ru de la Brosse) un bourg sans église en 1725 avec château. Comme toutes les cartes ancienne celle-ci n’est pas précise mais on peut situer le centre du bourg avec château près du croisement actuel des chemins du clos Bertail et celui de la digue de l’étang. On trouve dans les champs situés alentour de nombreux tessons après les labours. C’est là une explication à la tradition qui situe le village de Gouvernes à l’ouest de sa position actuelle ; c’est là le « Haut-Villiers » par rapport au village qui se groupe autour de l’église, le « Bas-Villiers ».
Le(s) Moulin(s) Rouge(s)
Les historiens rapportent l’existence de moulins rouges, une impasse porte aujourd’hui ce nom.
Sur le « Plan Géométrique du Cantonnement de chasse du Fief de Deuil » 1773 au lieu dit « moulin rouge » (remarquons que sur ce document ancien moulin rouge est au singulier et désigne un lieu précis), non loin de l’église, l’arpenteur Louis Delessain a pris soin de dessiner un bassin relié au ru Gondoire par un ruisseau.
Je vois là le bief d’un moulin avec son canal de fuite.
Il n’y a plus de trace du canal d’amené mais il est facile d’imaginer son tracé
L’existence d’un moulin quelques décennies plus tôt est plus que probable.
Quant à la signification de la dénomination : « moulin rouge », il n’y a aucune certitude, plusieurs hypothèses sont envisageables :
· l’eau de la Gondoire teintée du sang des soldats de Louis VI ou ceux de Jeanne d’Arc comme la tradition le rapporte. En 1107 Louis VI le Gros affronte Thibaud de Champagne au gué de la rue Ferraille sur la Gondoire à Deuil (on dit que c’est du sang des soldats teintant l’eau du ru Gondoire lors de cette bataille que l’impasse du moulin rouge tire son nom) ;
Si l’on s’en réfère à d’Arbois de Jubainville, historien des ducs et des comtes de Champagne, qui rapporte dans « Histoire des Comtes de Champagne, tome II à la page 180 »: « arrivé à une position convenable entre le village de Torcy et celui de Gouvernes, sur le bord d’un ruisseau, le roi entouré de ses barons disposa ses troupes en ordre de bataille… » Cette explication du toponyme « moulin rouge » ne peut être retenu, car la bataille a lieu bien en aval dudit moulin ! Je n’adhère pas à cette explication même s’il est fait là référence à une autre bataille que celle de 1107 dont nous avons déjà parlée, le toponyme rouge n’ayant que rarement un rapport avec le sang.
· en toponymie l’adjectif rouge indique souvent la proximité d’un carrefour de voies romaines (L’ancien français désignant la croisée de chemins : carrouge ou quarrouge devient par déformation au fils des ans : croix rouge, maison rouge…). Mais ici il n’y a pas de voie romaine.
· une construction « romaine », couverte de tuiles rouges par opposition aux couvertures en chaumes qui étaient alors la norme.
· Dans l’antiquité le rouge est symbole de vie, d’autorité, de pouvoir. Le toponyme « moulin rouge » peut désigner le moulin du seigneur. Deuil est un fief indépendant dont le seigneur a donc un moulin, un pressoir, un four banaux, que les paysans ont l’obligation d’utiliser moyennant le versement de taxes, les banalités.
Ce sont ces deux dernières hypothèses qui ont ma préférence sans que je puisse trancher entre les deux ; et pourquoi le « moulin rouge » ne serait-il pas le moulin, couvert de tuiles rouges, du seigneur de Deuil.
Les Doulcet de Deuil
La famille Doulcet a été propriétaire du château de Deuil, puis après la révolution, qui a vu le démantèlement de celui-ci, a fait construire l’actuelle « maison de campagne ».
Durant un peu moins de deux siècles : après 1740 c’est Droüin de Vaudreuil qui est propriétaire, et avant 1925 c’est Mme Veuve Laurent qui y demeure.
Dans les généalogies nobiliaires on trouve des Doulcet de Deuil dont Louis 1er Doulcet de Deuil (1620( ?)-6juillet1681) hors en 1640 c’est Henri-Catherine de Bazin, qui est propriétaire
Les Doulcet n’ont donc pas pu être propriétaire du château avant 1740
Louis 2 Doulcet de Deuil (1652- 1721) ne peut donc pas être propriétaire
C’est avec Louis 3 Doulcet de Deuil (1682-5nov.1764) que nous trouvons le premier Doulcet de Deuil propriétaire connu du château. il est avocat au Parlement de paris
C’est Louis 4 Doulcet de Deuil (1716 - 17 janvier 1766), il a 5 ans au décès de son père, il fait ses études chez les jésuites et à 19 ans (1735) il est admis au tableau des avocats du barreau de Paris ; en 1739 il épouse Agathe Suzanne REMY ; Une mémoire que la multitude des lois et coutumes ne pouvait étonner, une logique profonde, une éloquence enfin d’autant plus puissante qu’il ne l’employait qu’à défendre de juste causes, lui méritèrent, jeune encore le titre de savant jurisconsulte et d’orateur célèbre. Contemporain de l’illustre Gerbier, auquel il pouvait seul être comparé, il fut chéri et redouté par ce brillant adversaire, qui lui fut toujours opposé dans les causes fameuses du temps. Il sera ensuite 1750 bâtonnier de l’ordre des avocats, puis doyen de l’ordre en 1764 il ce fait remarquer par sa réforme des règles d’admission au tableau de l’ordre. Un coup de sang l’enleva à l’âge de 49 ans, le 17 janvier 1766, et ne lui permis pas d’achever un grand ouvrage de jurisprudence qu’il avait entrepris. Conseiller du roi, Louis XVI dit à son sujet à ses courtisans, à son lever le 17 janvier 1766 : « Eh quoi, messieurs, vous ignorez que j’ai perdu hier le plus honorable de mes sujets : M. Doulcet est mort ! » Le jour de sa mort le parlement suspendit toutes ses audiences.
Son fils ainé Louis 5 Doulcet de Deuil est avocat également ;
Nous allons nous arrêter quelques instant avec son second fils Louis Sébastien François Doulcet (1755-26 juin 1822) épousera sa nièce Louise Claude de Loynes (fille de sa sœur Marie Etiennette et de Jean Charles de Loynes) il sera notaire à Paris 11 rue des fossés Saint Martin. Il meurt à Gouvernes. C’est par là que la famille de Loyne entre dans l’histoire de Deuil.
Une descendante des Doulcet : Zoé Louise Marie Doulcet de Deuil épouse Georges René François Bousquet-Foltz (45 rue de l’Alma à Paris); leur fille Valentine Bousquet-Foltz épouse Milos de Kiss de Nemesker.
Nous savons comme cela comment les Bousquet-Foltz et Kiss de Kermesker sont apparentés avec les Doulcet
Les douze vitraux de la nef
Douze vitraux comme douze apôtres ; Juda n’est pas représenté mais les onze autres compagnons de Jésus sur terre sont là avec Paul, apôtre des gentil et Mathias.
Sur ce vitrail sont représentés : Mathias (disciple choisi pour remplacer Juda qui s’était pendu après avec trahi Jésus) et Thaddée (apôtre appelé aussi Jude)
Ce vitrail a été offert par le Comte de Paris
Les autres vitraux ont été offerts par des familles (famille Albert Boivin (président du conseil de fabrique), familles Jacquemin et Gros, Mme Gabeauriau, en souvenir de la première communion de Marie Gendret et Emile Gendret, M. Jacques Lefebre (propriétaire du domaine de Conches) le patronage sainte Jeanne d’Arc, et les curés (en souvenir des curé de Gouvernes, Mr L. Lange, P.Ferce, Mr Bissard, J.M.Mugnier)
Ces vitraux sont postérieurs à 1902 (date figurant sur le vitrail offert par Gendret) et J.M. Mugnier était alors curé à gouvernes (19..) sur le vitrail qu’il a offert.
La chapelle des catéchismes
Dont l’avis favorable à l’inscription à l’inventaire supplémentaire à été proposé le 23 juin 2009
La Trinité
C’est là une très originale représentation de la Trinité : Dieu le Père coiffé de la tiare papale est assis sur son trône soutenant la croix sur laquelle son Fils est crucifié, entre le Père et le Fils une colombe représente l’Esprit troisième personne de la Trinité.
J’ai cherché en vain pareille représentation de la Trinité, du Dieu unique en trois personne: Père, Fils et Esprit, et n’en ai pas trouvé, mais cette représentation du Père avec le Fils en croix entre ses jambes me disait quelque chose.
Et j’ai retrouvé où j’avais vu cette représentation : c’est une sculpture de l’église de La Chapelle sous Crécy que de toute évidence le chanoine Jouy, auteur de la peinture murale, connaissait.
La peinture murale du mur nord
Le sujet choisi est la promesse d’un Sauveur représenté de façon chronologique.
La partie gauche de cette peinture représente : « la promesse d’un Sauveur dans l’ancien testament »
De gauche à droite nous observons :
- Eve, Adam dans le jardin d’Eden, symbolisé par un arbre
- L'homme à genoux au premier plan est difficile à identifier, à coup sûr un personnage important de l’ancien testament avant Noé. (Abel ? Enoch ?)
- Noé en bleu avec une arche dans la main gauche qui désigne de l’index droit le Sauveur.
- Les Patriarches : Abraham, Isaac et Jacob.
- Moïse en beige avec les tables de la Loi sur le bras droit.
- Esaï une plume à la main qui désigne le texte.
- Le roi David en manteau bleu, à genoux mains jointes avec sa lyre.
- Jean le baptiste qui désigne de l’index le Sauveur (le texte en latin tenu par l’ange au-dessus de sa tête est extrait du livre d’Esaï (Es 7.14) repris par l’évangéliste Matthieu (Mt 1.13) : « Voici une vierge concevra et enfantera un fils »)
Au centre : « la réalisation de la promesse » ; Marie avec Jésus enfant sur le bras gauche dans une mandorle. Par sa venue sur terre, sa mort et sa résurrection, Jésus le Fils sauve tous ceux qui croient.
Marie avec Jésus enfant sur le bras gauche dans une mandorle soutenue par deux anges. Un ange balance un encensoir au-dessus de leurs têtes. Deux autres anges soutiennent la mandorle.
La partie droite représente : « Le nouveau testament et l’église, bénéficiaires de la promesse ».
Un texte en latin dans une banderole flotte au-dessus des têtes : « Par sa venue sur terre, sa mort et sa résurrection, Jésus le Fils sauve tous ceux qui croient. »
De droite à gauche à droite on observe :
- Saint Pierre en manteau bleu, à genou ; les clefs du paradis à ses genoux,
- derrière lui Saint Paul qui s'appui sur l'épée et Saint Jean jeune.
- Saint Etienne à genoux en manteau rouge, une palme dans la main droite, des cailloux à ses genoux.
- Deux martyrs avec des palmes. (Saints Côme et Damien ?)
- Deux évêques dont probablement le plus âgé est Saint Germain (il a les mêmes traits que le Saint Germain du vitrail de l’église) le plus jeune est difficilement identifiable n’ayant aucun attribut. (Saint Augustin)
- Saint Louis avec sa couronne sur la tête et la couronne d'épine à la main.
- Un moine en robe de bure… (Saint François d’Assise ?)
- Une jeune femme à genou, couronne de fleurs sur la tête, un agneau à ses genoux : Sainte Agnès.
- Sainte Geneviève debout qui tient de la main droite un cierge et de la main gauche un livre. Une religieuse en robe et voile noire, guimpe blanche, à genou. (Une bénédictine ?)
Questions-Réponses
Pour terminer quelques photos anciennes de Gouvernes dont certaines sont dans le livret dont vous pourrez faire l’acquisition à la sortie. L’ouvrage est vendu au bénéfice exclusif de la restauration du patrimoine de notre commune.
L’association vous convie à un verre de l’amitié.