La Bhagavad Gita 4

Sur le champ de bataille de Kurukshetra.

Livre I, de la Bhagavad Gita, verset : 1

- Dhritarâshtra dit : "O Sanjaya, qu’ont fait mes fils et les fils de Pându après s’être assemblés au lieu saint de Kurukshétra, prêts à livrer bataille ?

Commentaires :

Dans le texte de présentation de la Bhagavad Gita, dans le Temple d’Hermès Trismégiste, je signale que : La Bhagavad-Gita est une oeuvre de métaphysique et de morale, Brahmavidya et Yogasasstra, science du réel et art de l’union avec le réel. C’est une discipline rigoureuse qui prépare et purifie l’intellect pour lui permettre de percevoir les manifestations des lumières de la vérité. L’âme ainsi illuminée agit alors comme un citoyen du royaume de Dieu.

D’après son sous-titre officiel, la Bhagavad-Gita porte le non d’Upanishad. Sa rédaction est attribuée à Vyasa, le compilateur légendaire du Mahabharata, dont les 18 chapitres de la Gita correspondent aux chapitres XXIII à XL du Bhismaparvan du Mahabharata.

Avant même l’énoncé de ce premier verset, il est indiqué en titre dans cette version : sur le champ de bataille de Kurukshetra... Ceci nous indique que ce conte ésotérique va nous parler de la bataille et de combats, qui ne devront pas êtres confondus avec les batailles que se livre le genre humain, depuis qu’il se manifeste sur terre, et qui ne sont en bas, par rapport à ce qui est en haut, que la polarité contraire des vertus. Le combat sur le champ de bataille en bas, est celui de l’animal livré à ses instincts, émotions et passions, qui l’empêche de distinguer le Bien du Mal, ce principe essentiel qui mène à la Connaissance.

L’enseignement de la Bhagavad Gita, comme d’ailleurs celui du Mahabharata, est un enseignement spirituel et totalement mystique. Le monde de la manifestation dans la sphère temporelle, comme d’ailleurs l’indiquent avec la même rigueur les Tables de la Loi du Sépher de Moïse, est un champ de bataille, soit pour des biens matériels lorsque cette bataille se situe au niveau le plus dense de l’incarnation ; soit pour une lutte morale lorsqu’elle se situe au niveau le plus subtil. Pourquoi y a-t-il nécessité de bataille ?... Les Orientaux parlent de dharma, la pratique. Nous avons eu l’occasion de voir lors de précédents articles dans le Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste, que pour transformer le savoir en connaissance, il fallait nécessairement passer par le passage de l’épreuve, qui est au départ invariablement une souffrance, car faire passer l’esprit au-delà des limites que lui imposent ses redoutables sens organiques, est toujours douloureux. Ceux qui ne font que commencer sur la voie de la Science Hermétique, en suivant les cheminements du Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste, doivent savoir que cela ne se fait pas sans quelques courbatures aux neurones. Mais l’épreuve de la Connaissance va bien au-delà de ce petit exercice, lorsqu’il convient d’effectuer la complète traversée du jardin du Bien et du Mal en essayant d’éviter, en toute connaissance de cause, les pièges et chausse-trappes qui en jalonnent le parcours. Cette traversée du jardin du Bien et du mal est pour les Orientaux le chemin de probation.

L’accession de la terre au ciel, de l’intellect raisonneur à la spiritualité, de l’involution à l’évolution passe donc par ce champ de bataille qu’est la pratique et la mise à l’épreuve. Se contenter d’apprendre, au travers d’un enseignement quel qu’il soit, sans avoir la volonté de le mettre en pratique, non pas dans quelques rares occasions, mais dans les moindres circonstances du parcours d’une vie, cela reviendrait à recevoir un volumineux cadeau sans prendre la peine de le sortir de son emballage... Plus fréquent qu’il n’y paraît, surtout en matière d’initiation.

Dans ce premier verset de la Bhagavad Gita, nous avons Dhritarâshtra qui est le roi aveugle des Kurus et qui décide de remettre son trône, à Dharmarastra incarnation des vertus, de préférence à son fils ainé, Duryodhana. Mais ce dernier s’empara de ce trône par la ruse et la trahison et chercha à faire périr ses frères. Voilà l’origine du rassemblement en vue de la bataille qui s’annonce.

Il est remarquable de constater que le drame épique qui s’apprête à se jouer sur ce champ de bataille, est celui des principes essentiels qui serpentent dans les forces de la Divine Création, et c’est aussi celui de la Conscience qui devra mener son combat contre les forces du Destin, pour éprouver ses Connaissances, et faire valoir sa souveraineté sur le trône des vertus. Voilà qui nous renvoie aux épisodes précédents de l’académie d’Hermès Trismégiste. Tout comme il pourrait paraître anachronique qu’un traité hautement spirituel comme l’est incontestablement la Bhagavad Gita, commence par une sordide histoire de bataille entre primates incultes violents et intolérants.

L’accession à la Conscience éclairée, et par la suite à la supraconscience, passe par la sortie de l’inconscient collectif. Cette sortie ne peut se faire que par la manifestation de la volonté de cette Conscience de vouloir se différencier de l’universel, et pour y parvenir elle doit donc se constituer une ipséité propre qui la distingue de l'universel. Construire cette ipséité consciente, implique de la doter d’une architecture qui en révélera sa richesse ou sa pauvreté. Bâtir une cabane pour lapins ne nécessite pas d’avoir un haut niveau de connaissance, de savoir-faire, ni de vertus particulières. Ce qui n’est pas le cas pour l’édification d’une cathédrale. Et s’il est aisé à l’architecte qui est capable de réaliser une cathédrale de pouvoir faire des cages à lapins, il n’est pas dans la nature des compétences d’un vulgaire constructeur de ces cages de pouvoir prétendre à l’édification d’une cathédrale. Avant qu’il puisse espérer y parvenir, il devra parcourir un long chemin d’épreuves, qui lui donnera les Connaissances qu’en toute Conscience il sera capable de mettre en oeuvre. Sans cette Connaissance éprouvée, il y a fort à parier que le vaniteux bâtisseur de cages à lapins qui voudrait se lancer dans l’édification d’une cathédrale, ne réalise qu’un monumental ouvrage d’irrationalité, de délires, d’élucubrations et de folies dangereuses, instables et irresponsables.

La bataille qui s’annonce sera donc la mise à l’épreuve des qualités et des défauts, que la Conscience aura privilégié d’activer. Elle sera souffrance et purification pour ceux qui n’auront pas les Connaissances nécessaires les menant à une issue victorieuse. Mais c’est aussi grâce à cette souffrance, lorsqu’elle est acceptée comme une purification, que la Conscience devra de pouvoir s’enrichir de nouvelles connaissances qui lui permettront d’être de mieux en mieux armée pour tous les combats à venir.

Pourquoi livrer cette bataille, penseront certains ?...

Pourquoi ne pas se contenter de contourner le champ de bataille et poursuivre paisiblement selon les lois de la fatalité ?...

Pourquoi pas, si une personne accepte de subir le sort que font peser les lois du Destin au travers des conditions de naissances, de castes, de races, de régions, de traditions, de cultures... Mais alors difficile d’activer son précieux libre arbitre dans ces conditions, car ce libre arbitre commence toujours par se manifester par des actes rebelles. Rebelle à l’ordre établi, sclérosant et asservissant. Rebelle à des traditions routinières et invalidantes. Rebelle à toute forme d’intolérance. Rebelle à l’involution, au dictat des émotions, des désirs et des passions, etc... Celui qui refuse les combats de ce champ de bataille, n’a donc aucune chance d’espérer s’asseoir sur le trône des vertus, celui de la sagesse et de son immortalité... Mais pourquoi pas, à chacun selon ses mérites et ses appétences...

*

* *

Commentaires ------>