Pymandre 1

Corpus Hermeticum, Pymandre.

Livre I d’Hermès Trismégiste, Pymandre, verset : 1 :

Un jour que je réfléchissais aux choses essentielles et que mon coeur s’élevait dans les hauteurs, toutes mes sensations corporelles s’engourdirent complètement comme celui qui, après une nourriture exagérée ou à cause d’une grande fatigue physique, est surpris par un profond sommeil.Superbe synthèse en très peu de mots… « que mon cœur s’élevait dans les hauteurs toutes mes sensations corporelles s’engourdirent complètement ». Comme le dit si bien la Tabula Smaragdina : « tu sépareras le subtil de l’épais »… Deux mondes magnifiquement décrits le fixe et le volatil des alchimistes, l’esprit et le corps uni dans l’action physique, séparés lorsque l’esprit prend son envol vers ses sphères éthériques. Sans compter l’exaltation de cet esprit dans son état le plus approprié : le profond sommeil… Toute la mystique ésotérique est déjà là.

C’est vrai que nous sommes d’entrée de jeu placés à la croisée de l’espace/temps et de l’Éternel Moment Présent, sur lesquels il y a tant à dire. L’un l’univers temporel et organique comme il est d’ailleurs si simplement suggéré dans ce texte élégant, et l’autre celui qui s’ouvre sur les immuables et grandioses Principes de la Divine Providence. Avec en prime une indication pour le lecteur auquel ce texte s’adresse à savoir : que réfléchir aux choses essentielles d’une part, élève le coeur, qui ici n’est pas autre chose que le coeur conscience spirituel, et non le bas morceau de triperie qui sert de pompe à la circulation sanguine ; et d’autre part, que cette élévation aux choses essentielles se fait en dehors des cinq sens organiques (sensations corporelles), et par voie de conséquence ceci implique l’activation de sens différents d'une nature que ceux de l'appareil organique et nécessairement supérieurs pour cause d'intemporalité...

C’est ce qui sera largement expliqué dans le Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste.

Le sommeil auquel il est fait référence dans cet extrait, est celui d’un état de conscience en rapport avec la grande fatigue physique. Nous pourrions donc dire, que ce sommeil est l’occultation de la conscience égotique (identification à une forme) au profit de la Conscience de l’âme-de-vie, cette puissance intermédiaire entre les deux grands courants de la Création, les deux serpents du Caducée d’Hermès, que sont la Providence et le Destin.

Dans ce premier verset, il est donc, dans une simplicité presque parfaite et difficilement égalable, planté le décor de la pièce qui va se jouer en 17 livrets.

La Providence, et les choses essentielles ; la Conscience qui peut s’élever jusqu’à ses Lumières pour peu qu’elle fasse l’effort de le faire, où descendre au fond des ténèbres, le Destin et sa sphère de causalités organiques et temporelles, l’attracteur cupide d’une Conscience ignorante et succombant à ses désirs et passions.

La Conscience est cette boucle temporairement finie, sur la corde infinie de l’espace et du temps. Conformément à l’axiome des Tablettes de Thoth qui veut : que l’homme ne devient que ce qu’il pense, cette Conscience est dans le Corpus Hermeticum, ce qui est capable de "réfléchir des choses essentielles" dans le sens du miroir évoquez si habilement; mais aussi dans le sens d’être capable de penser à..., dans les limites de l’état de développement de cette Conscience et de sa capacité à recevoir ces pensées. Dans les deux cas, aussi brillant qu’il sera donné d’être à cette Conscience, elle ne sera jamais que le pâle reflet de la lumière qui l’éclaire, juste un reflet.

Car, et c’est aussi un des enseignements de ce verset, la Conscience ne crée rien, elle reçoit des hauteurs tout ce qui lui est nécessaire à son élévation, comme le précise le verset 3 sans équivoque, et à la condition qu’elle active sa faculté volitive dans ce sens.

Livre I d’Hermès Trismégiste, Pymandre, verset : 2 :

Il me sembla alors voir un être immense, d’une ampleur indéterminée, qui m’appela par mon nom et me dit :

L’Être et le non-être résumés dans cet être immense, mais indéterminé (sans forme), et qui appelle la Conscience par son Nom. Comment ne pas comprendre que le Verbe de cette Puissance Divine ne soit pas le plus sacré qu'il soit... Lorsque ce Verbe Créateur nomme, en même temps il consacre, et cette consécration ne peut avoir lieu qu'à la condition que l'éveil de cette Conscience soit en mesure d'en percevoir et discerner le caractère sacré. Ce Lien sacré du Nom qui unit le Créateur qui le prononce et la créature qui en comprend l'importance, se trouve à cet instant réactivé par la volonté sanctificatrice du Divin Créateur.

Livre I d’Hermès Trismégiste, Pymandre, verset : 3 :

" Que veux-tu voir et entendre et que désires-tu apprendre et connaître en ton coeur ? »

Cette formulation correspond aux prémices du sermon sur la Montagne : demande et tu recevras, frappe et l’on t’ouvrira.

Il découle aussi de cette subtile formulation que la Providence ne s'impose jamais, mais demande une adhésion volontaire et clairement manifestée. Celui qui veut Connaître, ne doit pas attendre que cela lui arrive tout rôti dans le bec, mais il doit préalablement faire l'effort de se mettre en condition de recevoir en son coeur. Cela suppose aussi que pour recevoir ces Connaissances, il faut être en mesure d'une part, de les comprendre (Connaissances), et d'autre part, de les contenir (amplitude du champ de Conscience), deux conditions préalables qui demandent une longue initiation avant que d'être effectivement opérationnelles.

Livre I d’Hermès Trismégiste, Pymandre, verset : 4 :

« Qui es-tu " lui dis-je.

Face à la Connaissance Absolue, l’ignorant se manifeste, mais l'intelligence de la question engendrera l'intelligence de la réponse, là encore la Justice Divine n'accordera que selon les mérites…

Livre I d’Hermès Trismégiste, Pymandre, verset : 5 :

« Je suis Pymandre, » répondit-il, « le Noùs, l’être qui se suffit à lui-même. Je sais ce que tu désires et je suis partout avec toi. »

Attention, ici c’est du très fin et très subtil, le Noùs (prononcez No-us) l’essence du Divin Créateur celui qui se suffit à lui-même, la Vérité Absolue, l’omniscient qui sait, et qui est partout avec sa créature. La part d’éternité et d’immortalité en chacun d’entre nous… En si peu de mots l'essence et la substance, un défit pour les philosophes purement raisonneurs et intellectuels...

Je suis... Est un présent, car il ne peut pas être celui qui a été et celui qui sera, puisqu'Il est l'Éternel Moment Présent.

L'Être qui se suffit à lui-même... Dans cette courte formulation, il y a la Quintessence de la plus haute idée qu'il soit possible de se faire du Divin Créateur. L'Être qui se suffit à lui-même n'a donc pas besoin de qui que ce soit, ou de quoi que ce soit d'autre. Il n'attend rien de personne, jamais ! Puisqu'Il se suffit à lui-même, sa Divine Création n'a pas pour objet de lui procurer la moindre satisfaction... Alors pourquoi la fait-il ? Est manifestement la question que l'on peut se poser, et la seule réponse qui soit crédible, cohérente, Juste et harmonieuse est : par Amour Absolu, celui qui donne sans jamais rien attendre en retour.

Il découle tout naturellement de cette sublime formulation que si le Divin Créateur se suffit à lui-même, et il ne peut pas en être autrement, alors, tous les dieux qui exigent soumission, servitude et rétributions sont nécessairement de visions déformées de la sublime réalité Divine.

Bon, je l’avoue, je suis un inconditionnel du magistral Corpus Hermeticum, je le déguste depuis des années, et chaque fois j’y découvre de luxuriantes arborescences nouvelles. C’est élégant, clair, profond, Juste et d’une mystique indicible qui parle directement à l’âme-de-vie, à condition d'avoir activé sa faculté intuitive spirituelle, sans qu’il soit nécessaire de passer par l’intellect pur et dur… Ce texte comporte une magie particulière que l’on retrouve que rarement, il parle directement à la Conscience, et sa richesse est si dense qu’elle ne s’épuise pas, même après moult méditations…

Mais je vous l’ai dit, je ne suis pas objectif, puisque je suis un adepte inconditionnel de la Sapience d'Hermès…

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