Koot Hoomi L1.3

Vous dites que la moitié de Londres serait convertie, si vous pouviez lui livrer un numéro du Pioneer(journal) le jour même de sa publication ? J’ose dire que si les gens croyaient la chose véridique, ils vous tueraient avant que vous ne fassiez le tour de Hyde Park ; et si l’on ne la croyait pas vraie, le moins qui pourrait arriver serait la perte de votre réputation et de votre bonne renommée - pour avoir propagé de telles idées.

Le succès d’une tentative comme celle que vous proposez doit être calculé et basé sur une parfaite connaissance des gens qui vous entourent. Il dépend entièrement des conditions sociales et morales des gens vis-à-vis de ces questions les plus profondes et les plus mystérieuses qui puissent stimuler l’esprit humain les pouvoirs divins dans l’homme et les possibilités contenues dans la Nature...

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Dans cet extrait de la fameuse lettre de Koot Hoomi Lal Singh, dont la bonne compréhension ne pourra s'appréhender qu'en revenant sur l'extrait précédent, le Maître tente de faire comprendre à son interlocuteur qui a la naïveté de croire qu'il suffit de dire une vérité pour qu'elle soit crue sans autre forme de procès, qu'il n'en est rien et que c'est là, la manifestation d'une réelle ignorance des travers de la nature humaine au stade primaire de son évolution.

Rappelons-nous la conclusion du texte de la caverne de Platon, et le sort, qu'une humanité qui se prétendait pourtant si avide de l'Enseignement d'un certain Jésus, lui a réservé en le suspendant comme un jambon au clou de sa croix. Koot Hoomi, n'y va pas par quatre chemins en indiquant que ceux qui auraient subitement la conscience de croire comme vraie la chose qui dépasse les limites de leur entendement, réduites à leur ignorance coutumière, n'hésiteraient pas à tuer celui par qui cette révélation leur serait parvenue... Et pour ceux qui n'auraient pas la conscience de croire la chose vraie, les sarcasmes méprisants d'une condescendance suffisante viendraient jeter l'opprobre sur le colporteur à l'angélisme benêt.

N'oublions pas que le peuple qui se prétend encore vaniteusement aujourd'hui comme le berceau de la civilisation dîte moderne, je veux parler des Grecs, est aussi celui qui a délibérément assassiné le plus grand et le plus illustre de ses penseurs qu'était Socrate. À croire que la Connaissance pour les ignorants est un fléau dont il est urgent de se débarrasser...

Le comportement quasiment invariable de l'humanité, lorsque cette dernière se manifeste sous l'angle du dénominateur commun qui en réunit tous ses membres pour en faire une entité collective, est toujours un comportement barbare, médiocre, dérisoire et malfaisant. Pour la simple et bonne raison que le dénominateur commun à un groupe de profanes, quels qu'ils soient, est toujours le plus stupide, le plus simpliste et l'expression de la plus basse animalité et de l’ignorance commune. Demander à un peuple plongé dans l'ignorance congénitale et l'inculture politiquement entretenue, de se convertir à la clairvoyance, et aux lumières de la Divine Providence, relève de la même ignorance et de la même inculture ; c'est ce que subtilement le Maître Koot Hoomi tente de faire comprendre à son interlocuteur.

Le deuxième paragraphe de cet extrait, dans sa belle simplicité, renferme la quintessence d'une sagesse de très haut niveau vibratoire qui rayonne sur le mode le plus subtil. Il révèle qu'il y a bien dans l'esprit humain des pouvoirs divins, dont manifestement l'interlocuteur du Maître a pu antérieurement en constater la réalité tangible ; que ces pouvoirs ne sont pas le privilège d'un individu ou d'une caste, mais sont contenus en principe et contingence d'être, dans la Nature. Mais pour parvenir à y accéder et surtout à développer les Facultés qui découlent de ses pouvoirs en germe, il faut, comme pour n'importe quelle graine, un terreau fertile, une terre préparée à recevoir cette semence, et le travail conséquent du jardinier ; jardinier qui doit y apporter toute son attention et son implication pour obtenir non pas une plante atrophiée pour cause de mauvais traitement, de terre aride et appauvrie, mais la plus belle promesse que révèle une Nature luxuriante et généreuse pour qui sait la servir.

Le Maître évoque avec justesse les conditions sociales et morales des gens vis-à-vis de ces questions les plus profondes et les plus mystérieuses. Lorsque l'on assiste au comportement social et « moral » des gens, par exemple lors de l'antique célébration du solstice d'hiver, et de la renaissance de la toute-puissance du Soleil dans son aspect mystérieux et mystique ; et ce en quoi ils ont transformé cette célébration au caractère cosmique, en une vulgaire fête du commerce de détail, et en une orgie alimentaire qui évoque plus les ébats de pourceaux en bauge, que l'offrande à une ou des puissances divines, force est de constater que les conditions sociales et morales qu'exprime cette collectivité d'âmes ne sont pas celles qui président à la moindre élévation spirituelle. Difficile de croire dans ces conditions, qu’elle serait prête à recevoir la moindre révélation spirituelle, surtout si cette révélation venait à leur faire prendre conscience du comportement manifestement vicieux qui est le sien.

Et je me garderai bien de jeter un oeil scrutateur et terriblement lucide sur ce qui sert de référence ontologique à ces ébats profanes et matérialistes en diable, me contentant, en mon for, de juger l'arbre à ses fruits, et une fête religieuse aux comportements de ses adeptes...

Je terminerai ce présent article en l’illustrant par ces admirables vers de Victor Hugo :

Oh ! disais-je, la main sur mon front étendue,

Philosophie, au bas du peuple descendue !

Des petits sur les grands grave et hautain regard !

Où ce peuple est venu, le peuple arrive tard ;

Mais il est arrivé. Le voilà qui dédaigne !

Il n’est rien qu’il admire, ou qu’il aime, ou qu’il craigne.

Il sait tirer de tout d’austères jugements,

Tant le marteau de fer des grands événements

À, dans ces durs cerveaux qu’il façonnait sans cesse,

Comme un coin dans le chêne enfoncer la sagesse !

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