Deux éternités

Les deux éternités.

Que voilà un sujet pour le moins paradoxal que celui qui traite de l’éventualité de deux éternités. Une éternité qui par essence est obligatoirement infinie, malgré l’abstraction que représente ce concept, peut être un paramètre intelligible et raisonnable. Mais deux éternités impliquent, pour un intellect uniquement raisonneur, que l’une et l’autre de ces éternités possèdent une limite qui nécessairement les sépare et les distingue l’une de l’autre. Or, une éternité ayant un commencement n’est plus une éternité ; et si nous nous en tenons aux lois de la Création, ce qui a un commencement doit avoir une fin...

Cornélien comme sujet... Pourtant, la tradition de l’ancienne Égypte avait déjà cette notion de deux éternités, puissances symbolisées sous la forme des divinités Djet et Neheh. Djet l’éternité immuable et Neheh principe des flux cycliques temporels. Nous retrouvons d’ailleurs ces principes dans les Tables de la Loi du Sépher de Moïse, comme je l’explique dans mon livre La Véritable Histoire d’Adam et Eve enfin dévoilée, mais aussi dans les principes des puissances évoquées par Fabre d’Olivet et qui sont caractérisés par la Providence et le Destin, comme j’ai eu à en traiter les sujets dans différents articles de l’académie d’Hermès Trismégiste.

Il y aurait donc bien deux éternités, mais alors comment résoudre le paradoxe de ce qui les distingue sans pour autant apporter la moindre limite à l’une ou à l’autre ?...

Pour l’éternité Neheh (le Destin), nous avons les cycles de la grande rotation de la sphère temporelle qui donne un début et une fin à chaque manifestation, sans pour autant que le cycle de ces manifestations puisse avoir un début et une fin. La Nature, quelles que soient les naissances et les morts qu’elle engendre, est belle et bien Eternelle. Certes les orientaux prétendent qu’un jour de Brahma dure 4.320.000.000 millions de nos petites années humaines ; qu’il faut y ajouter une nuit de Brahma qui a la même durée que le jour, ce qui fait qu’un jour complet de Brahma dure 8.640.000.000 années terrestres, et qu’une vie de Brahma que l’on estime à 100 ans, ce qui est en haut étant comme ce qui est bas, la durée de cette vie serait donc de 311.040.000.000.000. Ce chiffre est si grand que de là où nous le percevons il est déjà comparable à une éternité. Mais lorsque la vie de Brahma cesse de se manifester, il ne disparaît pas pour autant, il plonge dans un sommeil (le Pralaya) duquel il finira par émerger pour reprendre un nouveau cycle de manifestations... je prends ce petit exemple pour faire comprendre, que de tout temps, et quelque soit la tradition, les manifestations cycliques dans la sphère temporelle sont réputées éternelles.

Concernant l’éternité Djet (la Providence), étant réputée immuable dans la tradition égyptienne, elle se distingue donc de Neheh et sa temporalité. C’est ce que j’appelle l’Eternel Moment Présent qui n’étant ni le passé, ni le futur est donc forcément hors du temps, et par voie de conséquence raisonnable : intemporel. Comme nous avons déjà pu le voir lors de précédents articles, la Vérité Absolue est de par sa perfection, obligatoirement immobile et intemporelle. C’est l’océan non manifesté des lois de la Divine Providence éternellement en contingence d’être. Lorsqu’une manifestation disparait à la fin de son cycle, ce qui permet l’existence de cycle et la renaissance de cette manifestation, est nécessairement hors du temps et des contraintes de la mort. C’est ce qui précède l’existence de cette manifestation, et c’est ce qui reste lorsqu’elle aura cessé d’être dans la sphère temporelle.

Bon, après avoir laissé se décanter le sujet, il se présente d’une façon un peu moins paradoxale au niveau conceptuel. Mais s’il existe deux éternités, et que ces deux éternités ont pour caractéristique commune d’être indissociables l’une de l’autre, où peut bien se situer les limites de l’une par rapport à l’autre dans la sphère de manifestation?...

Du point de vue de l’intellect humain, le Macrocosme est infiniment grand et le microcosme est infiniment petit, subodorant que ces deux infinis quelque part se rejoignent, car il est manifeste que pour observer l’infiniment grand, nous passons par le truchement de l’infiniment petit : la lumière.

La science matérialiste pousse son raisonnement causal jusqu’à admettre que l’univers présentement en expansion, devait, au début de son expansion (cet infiniment grand aurait donc un début à son éternité), avoir une densité et un espace temps si réduits qu’il pouvait contenir dans un atome... C’est l’hypothèse d’une limite possible à l’éternité des cycles de manifestations dans la sphère temporelle, mais ce n’est qu’une hypothèse, même si pour l’heure elle est encore retenue comme la plus vraisemblable.

Existerait-il une limite qui n’étant pas une hypothèse, serait donc objectivement constatable et observable ?...

Une telle limite, si elle existait, serait-elle compatible avec les principes de cohabitations de deux éternités ?

De là où je me tiens je connais la limite (je devrais plutôt dire la frontière) incontestable qui sépare ces deux éternités, sans qu’il n’y ait le moindre paradoxe ingérable qui violerait les lois de la Divine Création, et cette limite c’est : -273,15 °, le zéro absolu !

Tout ce qui se manifeste dans la sphère temporelle le fait par mouvement, et chaque mouvement entraîne la production d’énergie cinétique et donc de chaleur. En partant de ce zéro absolu, il est possible d’envisager des états de chaleur produisant des températures infinies, mais il est manifestement impossible d’imaginer un état où se produirait une température inférieure à ce zéro absolu. Température qui, comme l’espace, n’aurait aucun sens dans l’Eternel Moment Présent. L’immobilité de Djet ne produit aucune chaleur, et ce qui sépare Djet de Neheh est l’état de température. Remarquons au passage, la très grande subtilité de théogonie égyptienne qui plaçant au début de tous les dieux Noun l’océan primordial, fait venir ensuite Shou et Tefnout, l’humide et le sec, le froid et le chaud.

Sur un plan plus terre-à-terre, comment ces deux éternités cohabitent dans notre quotidien ... Qu’il suffise de constater que chaque individu, à des degrés de prise de conscience variables, possède en lui une permanence de ce qu’il est, et qui fait que malgré les effets du vieillissement organique, — hormis ceux, qui se sont complètement identifiés avec ce vêtement organique —, il n’a pas le sentiment d’avoir l’esprit qui aurait l’âge de ses artères. Cet esprit (Conscience) qui n’appartient pas à l’éternité temporelle, possède en permanence la vision (conscience) du présent, qui fait qu’il conserve une ipséité constante de ce qu’il est dans l'intemporel malgré les évolutions et les bouleversements de la nature organique temporelle. S’il existe un patrimoine karmique qui nous différencie de l’universel et de chacune des ses créations et créatures, au point de nous faire tous différents, c’est que ce patrimoine ne disparait pas avec la fin d’un cycle organique, mais est conservé dans un Eternel Moment Présent, qui permettra, lors d’un prochain cycle, à la conscience qui s’y réincarne, de ne pas le faire en partant à nouveau de zéro, ce qui ne permettrait pas la moindre expansion de cet univers.

Le concept de deux éternités, qui n’est pas une novation, est bien un paramètre de la Divine Création, sauf pour le moment, pour la science matérialiste enfermée dans sa sphère causale.

*

* *

SUITE------>