La Chrysopée analyse 5

Puisses-tu alors avoir la Force de mettre en pratique les vrais secrets de l’Art que je te donne cy, puisses-tu mener à bien I’Oeuvre de ta propre Rédemption et atteindre ainsi l’Illumination finale promise aux saints hommes de Dieu.

Commentaires :

Avant de nous délivrer les secrets de sa Chrysopée, notre bon Raymond Lulle s'efforce de nous donner les ultimes conseils grâce auxquels le savoir peut devenir Connaissance, et dont le plus important est sans conteste celui de l'épreuve.

La tonalité de l'extrait du texte qui sert d'étude au présent article, me rappelle la tonalité vibratoire de ce passage de l'alchimie spirituelle de Grillot de Givry que nous avons dernièrement abordé dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste :

Plût à Dieu qu’il ne soit pas trop tard, et que tu ne te trouves déjà trop avancé dans la vie pour entreprendre de le parachever !

Ces deux mises en garde, bien que formulées différemment, ont un niveau vibratoire similaire au point que la lecture de l'une, fasse résonner l'autre dans ma mémoire, et peut être aussi dans la vôtre, si vous commencez à fonctionner sur le mode subtil des perceptions et des résonances vibratoires.

La mise en pratique d'un enseignement est ce qui fait passer de l'état d'étudiant à celui d'oeuvrant ; celui qui s'engage volontairement sur le sentier de probation, qu'est la mise à l'épreuve des enseignements reçus. Ce changement d'état fait appel à l'activation de la faculté volitive et de la première des vertus cardinales : la Force. La force de vaincre son inertie naturelle ; la Force de s'opposer à cette loi de la sphère du Destin qui est celle du moindre effort ; la Force de sortir de la domination des routines plus ou moins inconscientes ; La Force de ne plus se laisser envahir par le magnétisme asservissant des pensées de la réflexion, pour ouvrir un espace à celles de la méditation. La Force de parvenir à aligner les pensées plus ou moins mécaniques de l'intellect raisonneur sur celles des pensées justes en Vertus de la méditation la plus subtile. Pour illustrer mon propos, je reprendrai une de mes petites Clavicules de la Sapience :

AB – Les Connaissances, sont comme les ingrédients d’une pâtisserie. Vous pouvez tout avoir sur la table correctement dosé, sans le talent et le savoir-faire vous n’en ferez jamais un gâteau.

Ce savoir-faire qui réside dans la mise en pratique de Connaissances préalablement acquises, est ce qui va donner forme dans la matière éthérique aux pensées issues de la méditation. Si le savoir épais se traduit par des formes sur le plan physique de la matière la plus dense, la Connaissance subtile a sa correspondance de formes dans les plans supérieurs, ce que les Tables de la Loi du Sépher de Moïse qualifient de "forme glorieuse" pour l'Adam spirituel.

Ici, nous pourrions être confrontés à un paradoxe qui résulterait de précédentes citations effectuées dans certains sujets d'étude, comme dans celui de la chronique intermédiaire 9, où je reprends un extrait des Tablettes de Thoth pour illustrer la notion de sans forme :

Alors, le NEUF s'adressa à nouveau à moi:

"Recherche le sentier qui mène vers l’au-delà parce qu'il est possible de développer une conscience plus haute. En voici le signe : Lorsque le DEUX devient UN et que UNE devient le TOUT alors sache que la barrière s'est levée et que la voie est libre. Développe ta forme pour qu'elle passe dans le sans-forme et tu seras libre."

Le paradoxe ne serait que le résultat d'une lecture purement intellectuelle et superficielle de ce passage, car toute la subtilité du passage de la forme au sans forme réside dans le développement de sa propre forme pour parvenir au sans forme. Ce développement consistant à passer d'une forme très dense de la matière organique, à des formes de moins en moins denses, de plus en plus subtiles de la matière éthérique afin de parvenir à cet état de la "forme glorieuse" abstraction pure qui fait de la Conscience différenciée de l'Universel, une ipséité lumineuse qui peut se confondre, sans risque pour elle de se perdre, avec la Lumière originelle. Sortir de la forme dense des réflexions de l'intellect raisonneur, ne se fait pas brutalement en passant d'un état de cristallisation maximum à un état lumineux dans une ultime sublimation. La Nature procède toujours lentement et par étapes successives. Entre la forme d'un corps physique dense, et la "forme glorieuse" adamique, il y a une multitude de phases de transitions que la Conscience doit franchir une à une. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le signaler dans un précédent article, on ne parvient à passer d'un état à un autre supérieur, qu'à la condition d'avoir atteint la perfection de l'état qui précède. Ceci rejoint en harmonie vibratoire ce que dit l'extrait de la Tablette d'Émeraude de Thoth : Développe ta forme pour qu'elle passe dans le sans-forme et tu seras libre.

Le sans forme est donc l'état le plus subtil de la Création, il n'est donc accessible que par le truchement des pensées de même nature. Et s'il n'est pas possible de passer du plus dense au plus volatil sans violer les lois de la Nature, l'alchimie de transmutation spirituelle qui permettra de passer d'une forme dense à une qui l'est moins se fera nécessairement par la pratique de la réflexion pour atteindre le plein développement de la forme dense, et de la méditation qui permettra de franchir les limites de cette forme pour parvenir à une forme supérieure plus subtile. Si nous tenons compte des données que je vous aie communiquées dans la chronique intermédiaire 9, la pratique des vrais secrets de l'Art que va nous délivrer Raymond Lulle, à la suite de cette Chrysopée, résidera dans l'accumulation de pensées justes en Vertus ; vertus dont il sera essentiellement question dans les fameux secrets qu'il va nous délivrer.

... puisses-tu mener à bien I’Oeuvre de ta propre Rédemption... Après ce qui précède, cette indication devient alors infiniment précieuse. Avoir la Force de mettre en pratique les secrets de l'Art, consiste d'abord à se mettre à l'ouvrage de sa propre Rédemption. Là encore, nous ne pouvons que constater la puissance et la pertinence extraordinaire des Enseignements des Tables de la Loi du Sépher de Moïse, avec la chute d'Adam dans la sphère organique des formes denses, et sa rédemption (son initiation) qu'il devra pratiquer pour retrouver sa "forme glorieuse". Il n'y a pas de Rédemption sans repentir sincère, cette règle de Justice Divine, implique une manifestation volontaire de se repentir, et une fois se repenti effectué, un nécessaire changement de comportement sans lequel il n'y a pas de changement de direction en faveur de l'évolution. Nous retrouvons ce principe de retournement dans les Noces Chimiques de Christian Rosencreutz :

Comme on continuait à me tirer par mes vêtements, à plusieurs reprises, je finis cependant par me retourner

Ce repentir sincère est donc la première étape qui va permettre à l'oeuvrant de faire la distinction entre ce qui est du domaine du vice, de ce qui est du domaine de la vertu. Ce petit travail préliminaire de repentir activera une capacité qui résulte des fonctions supérieures, je veux parler du discernement. Comment imaginer qu'il puisse être possible de s'ouvrir à la réception de pensées justes en Vertus, si nous n'avons pas préalablement acquis cette capacité de discernement qui nous permet de distinguer un vice d'une vertu, une pensée issue de la réflexion de l'intellect raisonneur, d'une pensée issue de la méditation spirituelle?... La Rédemption qu'évoque Raymond Lulle est bien cette randonnée qui nous mènera sur la voie de l'évolution, et de cette randonnée nous pourrions tout savoir de son parcours de ses bivouacs, des régions qu'elle traverse, cela n'en fera pas un acquis de notre patrimoine karmique, mais juste une accumulation périssable d'informations sans grand intérêt. Ce n'est que lorsque nous parcourrons ce sentier de probation que nous accéderons à cette Rédemption. La Justice Divine ne se nourrit jamais de promesses (repentir) il faut encore que l'action soit en conformité avec les pensées qui lui ont donné naissance, car si le repentir n'est pas sincère (conforme à l'action qui en découle), il n'y a pas de Rédemption possible.

Ceci permettra de comprendre que l'illumination n'est pas et ne sera jamais accessible aux dilettantes, aux paresseux, aux somnambules des routines quotidiennes, aux ignorants qui sont si peu enclins à ne plus l'être en raison des efforts à fournir ; à ceux qui pensent que le savoir suffit et dispense de toute mise en pratique régulière et rigoureuse, ou que les lois de la Divine Providence peuvent s'appréhender avec la désinvolture des sans cervelles. Une véritable pensée juste en Vertus a la même valeur qu'un serment solennel, elle est du même ordre qu'une des lois du Divin Créateur, qui s'impose à l'ensemble de la Création, comme au Divin Créateur lui-même. l'accumulation de nouvelles pensées justes en Vertus, passe par la rigoureuse pratique de celle que nous avons déjà reçue, c'est le sens qu'il convient de donner à cette petite Clavicule de la Sapience avec laquelle je conclue cet article :

719 – Le serment est le langage des dieux, il devient le nôtre lorsque chacune de nos paroles est aussi crédible qu’un serment. Alors seulement, les dieux nous parlent.

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