Koot Houmi L 1.7

Voilà pour la Science — dans la mesure où nous la connaissons. Quant à la nature humaine en général, elle est maintenant ce qu’elle était il y a un million d’années : des préjugés basés sur l’égoïsme, une mauvaise volonté générale pour renoncer à l’ordre des choses établi en faveur de nouveaux modes de vie et de pensée (et l’étude occulte exige tout cela et bien davantage), de l’orgueil et une résistance obstinée à la Vérité lorsque celle-ci bouleverse leurs précédentes notions des choses — telles sont les caractéristiques de votre temps et spécialement des classes moyennes et inférieures.

Dans un condensé fulgurant de justesse et de clairvoyance, le maître Koot Hoomi fait ici une synthèse des règles essentielles que doit respecter le chercheur sincère de vérité, et les combats qu'il doit mener sur le champ de Kurukshetra contre les assaillants multiples pour y parvenir.

Il nous indique en premier lieu que la nature humaine est aujourd'hui comme elle était il y a un million d'années. Cette indication comporte en elle un enseignement d'une très haute portée ésotérique et mystique. Ceux qui pensent encore que l'homme a le pouvoir de changer quoi que ce soit à l'ordre des choses, devraient s'interroger sérieusement sur le bien-fondé d'un postulat se trouvant démenti par au moins un million d'années du parcours de l'homme. Croire que nous avons ce pouvoir d'une part est un aveuglement issu d'une incommensurable vanité, et d'autre part, cela revient à penser que l'ordre souverain des choses n'est pas parfait. Même si nous devions admettre cette hypothèse, ce qui soit dit en passant, reviendrait à remettre en cause la perfection Divine, croire que l'insignifiante créature que nous sommes, eu égard aux autres Consciences de l'univers qui peuvent se targuer d'asseoir leur évolution, non pas sur quelques dizaines d'années terrestres, mais sur quelques dizaines d'années de Brahma, pourrait se permettre de rivaliser avec elles est encore plus ridicule que si une fourmi essayait de se mesurer à une baleine... Même si cela doit froisser nos susceptibilités de cavernicoles velus, l'humanité présente, n'a en proportion de son état de croissance, pas plus de sage, d'intelligences éclairées, et d'individus spirituellement élevés que celle d'il y a un million d'années. Elle a hélas, en pourcentage, autant d'imbéciles, d'ignorants, de médiocres, de vaniteux, de paresseux, d'incompétents, de bornés qu'à cette époque lointaine. En vérité, très peu ont encore pris Conscience que nous ne sommes pas là pour changer l'ordre souverain des choses, mais que c'est bien cet ordre souverain qui est là pour nous permettre de changer ; le premier pas sur le chemin de la rédemption de nos défauts, commence obligatoirement par une réelle prise de Conscience de ceux-ci. Certains pourraient penser qu'il s'agit là d'une Lapalissade, mais lorsque l'on constate l'état d'aveuglement d'une population, qui engendre des jugements coupés des réalités, force est de constater que si le difficile s'accomplit en passant par le facile, comme le disait si justement Lao-Tseu, alors notre humanité présente, est loin de pouvoir prétendre avoir fait le premier pas sur le chemin de son évolution.

... des préjugés basés sur l’égoïsme... Notons ici que le maître fait état de préjugés, c'est-à-dire des jugements ne reposant sur aucune donnée fiable et objective, qui fondent les jugements éclairés. J'ai souvent eu l'occasion de rappeler dans différents articles du Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, que le préjugé est au vice ce que le jugement éclairé est à la vertu. Les préjugés nous dit Koot Hoomi, sont basés sur l'égoïsme, ce qui nous renvoie inéluctablement à l'animalité de la forme de l'individu et les perceptions limitées de son appareil sensoriel organique. La justice humaine, qui ne pourra jamais prétendre rivaliser avec la Justice Divine, repose malgré tout sur un principe essentiel qui est celui du contradictoire. Ceci veut dire qu'un jugement ne saurait être conforme s'il ne respectait cette règle qui veut que les deux parties aient pu préalablement exposer leurs points de vue respectifs. Au juge de prendre en compte les expressions égoïstes de chacun pour en faire l'analogie des contraires selon la loi, cette morale commune si peu respectée dans un état de droit laïque. Ceci implique nécessairement de sortir des préjugés de chacun des ego en présence. Sur un plan plus spirituel, il est depuis toute éternité, parfaitement contraire à toute élévation, de faire reposer son discernement sur des préjugés issus des perceptions sensorielles organiques, qui ne sont que les attributs de l'ego de la forme. Il y a un million d'années les individus incarnés dans la forme humaine, étaient asservis par les limites de cette forme à laquelle ils s'identifiaient, tout comme le fait aujourd'hui l'ensemble des populations humaines. La civilisation n'étant que la somme des manifestations des membres qui la composent, est nécessairement à l'image de l'élévation intellectuelle et spirituelle commune de la plus large fraction de ces membres. Si, comme c'est le cas de la civilisation présente, cela repose sur la culture des intérêts les plus individuels, les plus matériels, et les plus égoïstes, il faut alors une dose d'ignorance et d'inconscience considérable pour seulement croire que cette civilisation dite « moderne » est une des plus développée...

... une mauvaise volonté générale pour renoncer à l’ordre des choses établi en faveur de nouveaux modes de vie et de pensée (et l’étude occulte exige tout cela et bien davantage)... Là encore le maître Koot Hoomi fournit une indication simple, mais ô combien précieuse. Le propre de l'ego c'est sa faculté et son obstination à vouloir enfermer et asservir l'âme-de-vie. Pour y parvenir, il construit une prison dont les solides barreaux sont faits de l'acier le plus résistant qui soit, celui des certitudes, de préjugés et de croyances aveugles. Malheur à cette âme-de-vie qui entrera dans cette prison, car elle devra y purger la peine qu'elle a contractée en y entrant. Peine qui sera d'autant plus longue que les certitudes seront nombreuses. Plus ésotériquement, comment sortir des servitudes et des limitations de la forme à laquelle on s'identifie, tant que cette identification perdure ?...

Nous recevons par le lieu géographique de notre naissance (orient où occident), par les traditions du pays qui se véhiculent par sa langue sa culture et son système éducatif, par les us et coutumes du groupe familial, un bagage intellectuel et spirituel, qui constituera, tant sur le plan « conscient » qu'inconscient, ce que nous appellerons la normalité et qui ne sera qu'un ordre établi des choses s'imposant à nous, tant que nous ne serons pas capables de comprendre qu'il ne s'agit en vérité, que des barreaux d'une prison éphémère et périssable. Ce que nous indique le maître dans son heureuse formulation, c'est qu'une âme-de-vie ne peut espérer se libérer des contraintes de la forme à laquelle elle s'identifie, tant qu'elle n'aura pas volontairement pris Conscience des limites de cette forme, de son état temporel et du fait qu'elle n'est pas cette forme, mais l'énergie vitale qui l'anime. L'étude occulte demande cette prise de Conscience, qui viendra s'ajouter à la faculté que possède l'âme-de-vie de pouvoir occuper d'autres formes, et pas uniquement celles organiques de la sphère temporelle. L'énergie vitale passe d'une forme à une autre, mais elle le fait dans une continuité évolutive. Comme j'ai par ailleurs eu l'occasion de l'indiquer, nous n'accédons à une forme supérieure que lorsque nous sommes parvenus à l'état de perfection de la forme à laquelle nous nous identifions. La Nature ayant horreur du vide, le passage d'une forme à une autre se fait dans un processus cohérent qui veut que ce soit dans une forme donnée que la Conscience prépare et se prépare à la forme supérieure suivante. L'embryon prépare le fœtus, le fœtus le nouveau-né, le nouveau-né l'enfant, l'enfant l'ado etc... Croire qu'il n'y a rien pour la Conscience avant l'embryon, et rien après le vieillard, c'est tout simplement ne pas comprendre les lois de la Nature, que nous devons avoir pour guide, comme le précisent les alchimistes. La mauvaise volonté générale pour renoncer à l'ordre des choses établi se manifestera dans la paresse à vouloir élargir son propre champ de Conscience, par l'accroissement volontaire de ses Connaissances. Connaissances qui seront d'une tout autre amplitude que les limites étriquées du savoir conventionnel, sinon comment aller à la découverte d'une terra incognita , en restant assis sur son divan, enfermé dans son salon?...

... de l’orgueil et une résistance obstinée à la Vérité lorsque celle-ci bouleverse leurs précédentes notions des choses... L'orgueil, cette suffisance qui fait perdre invariablement l'accès aux facultés spirituelles supérieures, devient le verrou le plus sûr de la prison de l'ego. Seule l'Humilité ouvre la porte de cette prison, mais pour sortir de cette crispation vicieuse qu'est l'orgueil, il faudra à l'aspirant au libre arbitre, qu'il lutte longtemps et avec des efforts méritoires pour parvenir à neutraliser ce redoutable verrou.

Le maître, si subtil dans la moindre de ses expressions, au point qu'elle nécessite une lecture attentive et la compréhension du sens Cachant, indique dans cette dernière formulation une résistance obstinée à la Vérité. Notons qu'il utilise, ce qui n'est pas le fait du hasard, un « V » majuscule de majesté pour la Vérité. Il ne s'agit pas de petites vérités relatives, avec lesquelles un sophiste habile pourra toujours essayer de s'accommoder, mais bien de la Vérité Absolue, inaccessible horizon qui est pourtant la ligne que doit suivre la Conscience en évolution. Si les petites vérités relatives sont familières et accommodantes, la quête de la Vérité, est elle, dérangeante, déstabilisante et inconfortable. Elle implique de la part de la Conscience, une capacité constante de remise en question, ce qui n'est possible que par la pratique de l'Humilité et surtout pas celle de l'orgueil et de la vanité.

... telles sont les caractéristiques de votre temps et spécialement des classes moyennes et inférieures... Les conclusions que donne le maître à ce court extrait sont à mettre en corrélation avec celle de la nature humaine d'il y a un million d'années. Les caractéristiques de notre temps sont constituées par les classes moyennes et inférieures, ce que Confucius définissait comme le plus grand nombre, et elles se résument hélas aux travers si justement évoqués dans l'extrait en exergue de la présente étude, d'une normalité autant illusoire qu'indigente.

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