La chrysopée analyse 4

C’est pourquoi, Fils du Soleil et de la Lune, si le langage des Philosophes ne t’est pas absolument inintelligible, médite leur enseignement. Méprisant le honteux désir de l’Or, vu la vaine curiosité naturelle qui ne conclut pas parce que ne s’étant jamais par avance fixé sa route, tu sauras alors percer le secret des véritables Fils du Feu. Tu comprendras alors seulement que ce Feu n’est point le feu. sombre et satanique, desséchant à la fois la chair et le coeur du faux sage ou de l’ignorant souffleur ; mais qu’au contraire, ce Feu est en réalité l’ESPRIT CONSOLATEUR que nous annoncent les saints Évangiles.

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Ce bon Raymond Lulle s'efforce de donner aux lecteurs de sa Chrysopée du Seigneur de subtiles et précieuses indications que renferment les enseignements de l'Alchimie. Fils du Soleil et de la Lune, comme il est difficile à la simple réflexion de l'intellect raisonneur, de pouvoir concevoir ce qui pour lui restera une étrange et inconcevable réalité. Pourtant, il est indispensable, pour ceux qui veulent véritablement approfondir les mystères de la Science hermétique, de se familiariser avec ces paramètres cosmiques qui sont les structures mêmes de l'Alchimie spirituelle.

Fils du Soleil et de la Lune implique, outre un élargissement considérable du champ de Conscience, une ouverture d'Esprit sur des réalités qui dépassent les limites de l'entendement intellectuel, et qui ne sont perceptibles que par les facultés supérieures d'une Conscience spiritualisée. J'ai déjà eu l'occasion lors de précédents articles dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, de reprendre et développer ce Principe universel du Grand Tout duquel nous sommes issus, et auquel nous sommes liés de façon incontournable. La vision binoculaire des sens organiques, procède par réduction et hétérogénéité. La Clairvoyance, à l'inverse, procède par élargissement et quête d'homogénéité. Dans cet esprit, le Fils du Soleil et de la Lune sera pour la vision intellectuelle, ce qu'elle perçoit d'une façon sensorielle de ces manifestations astrales, sans pour autant avoir la moindre Conscience des liens spirituels puissants, mais subtils, qui nous relient sans cesse à ces réalités cosmiques, qui restent pourtant la seule voie d'une possible évolution autrement plus grandiose que les médiocres perspectives offertes aux espèces animales de la sphère organique.

Si nous sommes Fils du Soleil et de la Lune, ce qui est indiscutable sur le plan terrestre, nous ne le sommes, sur ce plan, que par voie des causalités qui gouvernent le Destin. Nous sommes héréditairement les fils de nos pères et mères, qui se sont nourris de la Lune et du Soleil, et qui nous ont fait partager leur capital au travers d'un patrimoine génétique. Conformément aux lois de cause à effet, nous ne sommes pas fils par choix et libre arbitre, mais par conséquences inévitables. À l'inverse, pour ce qui concerne les lois de la Divine Providence, nous sommes Fils du Soleil et de la Lune, par la Conscience que nous en avons, et surtout par adhésion spirituelle volontaire... Et dans une telle occurrence, le Soleil et la Lune ne seront pas ces astres que nous percevons par la vision organique, mais ces entités hautement spirituelles que notre Conscience perçoit par ses sens supérieurs, ceux que j'ai énumérés lors de mon précédent article. Car, si une Conscience s'incarne dans une forme en fonction de son état d'évolution karmique, qu'est-ce que la forme humaine en comparaison avec la forme d'une planète ou d'un astre?... Les proportions ne peuvent pas manquer d'être de même grandeur pour ce qui est de l'amplitude qui distingue une Conscience terrestre d'une Conscience céleste, mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce très important sujet.

Médite leur enseignement, nous précise Raymond Lulle, voilà encore une fois ce qui nous renvoie à ce que j'évoquais lors de ma dernière chronique sur la méditation... Ici, par exemple, celui qui se contente d'une lecture attentive, mais uniquement réfléchie, considèrera le Soleil et la Lune que sous leur aspect d'une forme visible, sans aucune considération pour ce qui en fait l'essentiel, je veux parler de leur aspect invisible uniquement accessible par la méditation spirituelle. La Conscience d'une chose subtile ne s'obtient que par identification Consciente à cette chose, comme je l'ai illustré par la volute de fumée dans mon dernier article. La Table d'Émeraude appelle cela séparer le subtil de l'épais...

Méprisant le honteux désir de l’Or... La cupidité pour les biens de la sphère organique, ce que les Tables de la Loi du Sépher de Moïse appellent la terre adamique, et Nahash l'attracteur cupide (le fameux serpent séducteur de la Genèse biblique) ne peut en aucun cas être ce qui permet d'activer ses sens supérieurs subtils, ceux qui justement vont nous rendre intelligibles, les enseignements des philosophes spirituels. De plus, notre guide dans ce texte, nous indique, comme le font les enseignements de toutes les grandes traditions, que la voie du désir n'est qu'une voie de perdition qui ne mène qu'aux passions, au culte et à l'idolâtrie du veau d'or. Cette orientation, - qu'il nous est conseillé de suivre -, vers les lois de la Divine Providence, au détriment de celles du Destin, est ce qui permettra à l'oeuvrant de percer le secret des véritables Fils du Feu.

Ce Feu n’est point le feu. Sombre et satanique, desséchant à la fois la chair et le coeur du faux sage ou de l’ignorant souffleur... Voilà ici résumé, l'essentiel de ce qui distingue le Feu homogène de la lumière de la sagesse et de l'Intelligence, du feu hétérogène de l'intelligence purement intellectuelle qui ne produit que déchets et destructions. Je renvoie à ma chronique concernant les deux éternités, qui détaille la nature et la différence de chacun de ces feux.

Mais qu’au contraire, ce Feu est en réalité l’ESPRIT CONSOLATEUR que nous annoncent les saints Évangiles... Si les lois de causalités de la sphère du Destin, sont des conditions d'asservissements et de contraintes, celles de la Divine Providence, sont libératrices et profondément régénératrices. Ce Feu spirituel, qui se traduit dans les Vertus Cardinales par la Force, est pour les alchimistes à l'image de leur Eau qui ne mouille pas les mains, ici, ce sera un Feu qui ne brûle pas, mais qui devient libérateur et ESPRIT CONSOLATEUR, uniquement accessible par la méditation, pas par la réflexion.

Notons au passage l'élégant parallèle que fait dans cet extrait notre bon Raymond Lulle, entre le Feu Esprit Consolateur, qui vient non pas de la partie la plus dense de la terre adamique, mais de la partie la plus haute de la sphère cosmique et qui fait pour celui qui en prend Conscience, qu'il en découvre sa filiation spirituelle avec le Soleil et avec la Lune ; astre qui reflète très partiellement les lumières de ce Soleil en période nocturne. Ce Feu libérateur, nous est montré sous différents aspects de manifestation, afin que par la méditation, nous en percevions les déclinaisons qui vont du plus subtil, le Soleil spirituel, qui prend corps dans le Soleil astral, et le feu le plus épais, qui devient le contraire de la Vertu en cette obscurité (ignorance) satanique, et se traduit par le vice qui dessèchera à la fois le coeur et la chair du faux sage et de l'ignorant souffleur... L'ignorant souffleur devant s'entendre par celui qui reçoit un savoir, sans prendre la peine de l'éprouver par lui-même, ne le lui permettant pas de le transmuter en une Connaissance au sein de la Conscience, comme j'ai eu par ailleurs l'occasion de l'expliquer.

Ce texte de la Chrysopée du Seigneur est aussi la plus belle illustration qui nous permette de savoir que notre précieux guide Raymond Lulle était parvenu à la réalisation du Grand Oeuvre, et qu'il fait donc partie de ces philosophes dont le langage véhicule un véritable enseignement spirituel.

Que ceux qui ont des oreilles pour entendre, entendent...

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