Fables alchimiques 5

Lors du précédent article dans le Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste sur ce sujet, nous avons approché ce qui constitue l’essence de ces secrets admirables, dont Pernety parle dans cet extrait. La façon de transmettre ces secrets, qui sont ce qui s’est approché le plus de la Vérité Absolue et que peut espérer recevoir l’entendement humain, s’est donc forcément posée aux sages qui les détenaient. Le raisonnement de ces sages, tel que nous invite à le suivre l’exposé de Pernety, est celui qui se poserait à ceux qui, se trouvant gardien de Connaissances sacrées, devraient en garantir la transmission dans la forme la plus pure de ses origines. La mémoire organique humaine est chose trop imparfaite et frivole pour qu’on puisse lui confier ce genre de mission. Les écrits, comme le démontrent d’ailleurs les nombreuses négligences, suppressions et interpolations dont les scribes incompétents, malveillants ou ignorants, de toutes les époques, se sont rendus coupables concernant même les textes qui étaient considérés comme les plus sacrés, ne donnent pas davantage de crédit à cette voie de transmission. Sans compter, ce que n’évoque pas dom Antoine-Joseph Pernety, le phénomène de mode auquel le langage usuel est constamment soumis et qui fait que, comme je l’ai déjà souligné dans de précédents articles, l’individu qui n’est formé qu’à la pratique d’un langage contemporain, ne parvient pratiquement plus à comprendre les termes utilisés, et la syntaxe de ce même langage exprimé deux siècles auparavant. D’ailleurs est-il nécessaire de remonter si loin, qu’il suffise de voir les difficultés de compréhension d’une jeune génération par rapport à simplement celle de ses géniteurs... Ce qu’une tradition populaire qualifie fort justement de fossé des générations. Le langage, les valeurs, les références culturelles, sociologiques, techniques, subissent une distorsion suffisante pour ne plus être totalement intelligible dès ces deux générations contemporaines.

Le meilleur moyen de préserver les secrets les plus admirables, réside dans non pas la dissimulation de ces secrets, ce qui a pour effet d’attirer encore davantage l’attention des curieux sur eux, mais dans leur plus large exposition en les rendant banals et ordinaires, afin qu’ils finissent par passer totalement inaperçus aux yeux des candidats profanateurs. Dans l’art de dissimuler ce genre de secrets, Pythagore était passé maître, comme le démontrent les quelques symboles dont il est l'auteur et qui sont parvenus jusqu’à nous. En cela, nos sages ont prudemment imité la Nature, qui dissimule sous l’apparence d’une évidence très ordinaire, la plupart de ses plus grands secrets. Ce qui me fait dire qu’il suffit bien souvent de soulever la pierre de l’ordinaire pour y découvrir, avec l'attention voulue, l’extraordinaire...

Confier les secrets les plus extraordinaires aux hiéroglyphes, aux symboles et aux allégories des fables, c’est convertir le contenu de ces secrets dans le langage le plus universel qui soit, et qui est en même temps celui des dieux et de la Nature, je veux parler de l’analogie. Pour comprendre le langage analogique, encore faut-il l’apprendre, ce qui implique un processus d’initiation et d’activation de ses sens spirituels supérieurs, sans lesquels la pratique de ce langage n’est pas possible. La Base de ce langage, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’expliquer, repose sur les trois sens d’interprétation de toutes lectures. Le sens Parlant, celui du plus grand nombre ; c’est aussi celui qui est le plus en symbiose avec le langage le plus étroit et à la mode, il décrit des apparences que peuvent percevoir sans effort les cinq sens organiques de l’intellect raisonneur. Le sens Signifiant, qui nécessite un début de pratique analogique, même si c’est encore au stade primaire, qui entraîne l’intellect raisonneur un peu au-delà des limites de ses strictes perceptions animalières. Et le sens Cachant, qui lui est le véritable langage analogique puisqu’il implique de la part de celui qui le pratique, qu’il fasse un constant effort de correspondance entre la similitude des principes, sur différents plans de manifestations, sans pour autant qu'ils soient identiques dans leurs manifestations.

Gilles Clément un jardinier paysagiste dit : ce qui est beau, ce ne sont pas les choses en elles-mêmes, mais l’harmonie qui se dégage de l’assemblage de choses qui ne sont pas forcément belles. Nous avons ici l’exemple type de la compréhension d’un principe analogique, et ce principe analogique aura valeur constante quel que soit le plan sur lequel il se manifestera. Les fables racontent des histoires qui sont accessibles aux enfants, à l’imagination à laquelle elles parlent ; elles ne seront que des fables très ordinaires et infantiles pour l’adulte qui n’en fera qu’une lecture du sens Parlant ou même Signifiant. Mais elles deviendront des traités d’enseignements hermétiques pour tous ceux qui seront capables d’en faire une lecture du sens Cachant. L’ordinaire de la fable dissimule l’extraordinaire des secrets les plus admirables. J’invite d’ailleurs ceux qui ont fait un effort pour progresser dans la compréhension de ce langage analogique (Hermétique), à relire un des contes pour enfants parmi les plus mystiques et ésotériques que je connaisse, je veux parler d’Alice au pays des merveilles, écrit par Charles Lutwidge Dogson, pasteur mathématicien, connu sous le pseudonyme de Lewis Caroll. Il en est de même pour ce qui est du célèbre jeu de la Mère l’Oie, qui dans son sens Parlant n’est qu’un simple jeu pour enfants, même s’il peut avoir encore la faveur des adultes, mais qui renferme les clés de la plus haute initiation, puisque chaque case, chaque nombre, chaque dessin de ce jeu contiennent un enseignement hermétique et mystique de la plus haute élévation. L’ensemble de ce jeu symbolisant, sous une forme profondément ésotérique, le parcours que doit faire une âme-de-vie, tout au long de ses incarnations. Selon le langage des oiseaux, si cher à nos alchimistes, le jeu de la Mère l’Oie, doit aussi s’entendre comme le jeu de l’amère loi dans le sens Cachant. Dans un même ordre d’idée, nous aurons une signification très différente selon que l’on fera une lecture Parlante, Signifiante ou Cachante des célèbres lames du livre de Thoth, plus connues sous le nom de Tarot. Pour le sens Parlant et Signifiant nous aurons les bateleurs de foires, les diseuses de bonne aventure, et les charlatans sorciers. Dans un sens Cachant, ce livre de Thoth ne contient rien de moins que l’histoire de la Divine Création comme je le démontre dans le tome II de La Véritable Histoire d’Adam et Eve enfin dévoilée, et son Tarot du Sépher de Moïse.

Il est d’ailleurs amusant de reporter ici ce qui se dit sur l’origine du Tarot. Les sages de l’ancienne Égypte, qui, comme l’explique l’extrait en exergue de cet article, se sont posé la question de savoir qu’elle pouvait être la meilleure façon de transmettre leurs Connaissances aux générations futures, sans que ces Connaissances subissent les inévitables altérations des différentes formes de communications utilisables ; ces sages ont donc opté d’une part pour le langage hiéroglyphique ( ce qu’est chaque lame du Tarot) et après longue réflexion, ils sont arrivés à la conclusion que le plus sur moyen d’assurer la pérennité de cette transmission, c’était de confier cet enseignement au vice (le plus grand nombre) et non à la vertu (le très petit nombre), c’est pour cette raison qu’ils en auraient fait un jeu de cartes ; jeu de cartes dont tous les autres ne sont que des déclinaisons plutôt grossières.

Les secrets admirables que renferme la Science d’Hermès, ne sont rien d’autre que ceux de la Divine Création. Ils ont donc nécessairement un caractère universel et intemporel. Ce sont aussi ceux qui donnent le plus de pouvoirs ( et ils sont considérables) à celui qui parvient à les connaître. Ces pouvoirs ne peuvent donc pas être remis entre des mains vicieuses ou ignorantes, pour cause de perdition assurée. Il ne viendrait pas raisonnablement à l’esprit d’un adulte responsable de laisser jouer un enfant avec des allumettes, qui plus est, à côté de barils d’essence... Lorsque l’on voit les dégâts et les catastrophes qu’est capable de produire une science matérialiste sans conscience détenue par des irresponsables, des vaniteux et des cupides, alors je vous laisse imaginer ce qu’ils seraient capables de faire s’ils avaient la moindre possibilité d’utiliser les pouvoirs des dieux...

Il est d’ailleurs amusant de constater que cette science matérialiste sans âme, produit, sous prétexte d’amélioration de la vie des individus, des montagnes de problèmes de déchets, de stupidités parfaitement inutiles et un asservissement toujours plus importants, qu’elle fait peser sur chacun d’entre nous. Un ancien slogan publicitaire disait pour vendre un article ménager, que la marque qui fabriquait cet article se targuait de vouloir libérer la femme... Depuis il s’est vendu des millions de ces articles ménagers, et s’ils ont eu l’effet très provisoirement libérateur, cela n’a été au bout du compte que pour mieux asservir ces femmes à d’autres tâches tout aussi contraignantes, même si elles sont d’une autre nature que ménagère.

Il est donc préférable, sage et parfaitement raisonnable de ne pas permettre aux profanes incultes d’accéder à la connaissance de ces secrets admirables. Avoir enfermé ces secrets dans des textes hermétiques, ce qui exige une activation de ses facultés supérieures spirituelles, pour en dévoiler le sens Cachant, est en parfaite conformité avec les exigences vertueuses que réclame la Divine Providence pour permettre à ceux qui s’ouvrent à elle, d’en recevoir ses lumières. Les ignorants considéreront, du haut de leur hautaineté suffisante, que ce sont là des contes à dormir debout ; les intellectuels uniquement raisonneurs camisolés dans leurs certitudes stériles, considéreront ces hiéroglyphes, symboles et fables selon l’angle le plus réducteur du sens Signifiant, et manifesteront soit de la dérision, soit du mépris pour ce qui n’entre pas dans les limites de leur sphère causale. Seuls les quelques rares initiés qui se seront rendus digne par les efforts nécessaires pour en décrypter le véritable contenu, se verront gratifier des richesses que renferment ces secrets admirables.

Voilà encore une fois qui nous renvoie à cette règle de la Justice Divine : à chacun selon ses mérites !

*

* *

Commentaires ------>

Mais comment pouvoir se communiquer d’âges en âges ces secrets admirables, et les tenir en même temps cachés au Public ? Le faire par tradition orale, c’eût été risquer d’en abolir jusqu’au souvenir; la mémoire est un meuble trop fragile pour qu’on puisse s’y fier. Les traditions de cette espèce s’obscurcissent à mesure qu’elles s’éloignent de leur source, au point qu’il est impossible de débrouiller le chaos ténébreux, où l’objet et la matière de ces traditions se trouvent ensevelis. Confier ces secrets à des tablettes en langues et en caractères familiers, c’était s’exposer à les voir publics par la négligence de ceux qui auraient pu les perdre, ou par l’indiscrétion de ceux qui auraient pu les voler. Bien plus, il fallait ôter jusqu’au moindre soupçon, sinon de l’existence, au moins de la connaissance de ces secrets. Il n’y avait donc d’autres ressources que celle des hiéroglyphes, des symboles, des allégories, des fables, etc. qui étant susceptibles de plusieurs explications différentes, pouvaient servir à donner le change, et à instruire les uns, pendant que les autres demeureraient dans l’ignorance. C’est le parti que prit Hermès, et après lui, tous les Philosophes Hermétiques du monde. Ils amusaient le Peuple par des fables, dit Origène, et ces fables, avec les noms des Dieux du pays, servaient de voile à leur Philosophie.Commentaires :