Pymandre 7

Corpus Hermeticum: Pymandre.

Livre I d’Hermès Trismégiste, Pymandre, verset : 24 :

Il me répondit : " De la volonté de Dieu qui, ayant reçu en elle la parole et contemplé l’archétype du monde dans sa beauté, façonna sur ce modèle un monde ordonné à partir des éléments propres à ce monde et des âmes nées de Dieu. Livre I d’Hermès Trismégiste, Pymandre, verset : 26 :

"D’où sont donc venus les éléments de la nature ?" demandai-je. Livre I d’Hermès Trismégiste, Pymandre, verset : 25 :

Dieu, l’Esprit, en lui-même masculin et féminin, source de la lumière et de la vie, engendra d’une parole un second être spirituel, le Démiurge qui, en tant que Dieu du feu et du souffle, créa sept recteurs pour entourer de leurs cercles le monde sensible et le diriger par ce qu’on nomme le Destin.

Relevons qu'Hermès, bien avant l'Étoile Flamboyante, pose la question de la Genèse de la Nature, cette question est naturellement celle se trouvant en tête de la liste de toutes les questions les plus ésotériques. Si en partant d'un point de vue très égotique nous pouvons nous demander : qui sommes-nous, invariablement pour espérer répondre plus ou moins bien à cette question, nous devrons d'abord passer par d'où venons-nous. La Matrice de la Nature est bien évidemment la réponse, et par Nature nous devons, comme l'ont fait les alchimistes, considérer qu'elle est essentiellement composée de ces fameux quatre éléments, qui en se croisant dans un savant et subtil dosage, donneront une infinité de manifestations tangibles. Reste alors à connaître l'origine de ces quatre éléments sans lesquels la Nature ne pourrait accomplir son oeuvre féconde...

La réponse que donne Pymandre à Hermès, est certes énigmatique, mais elle est aussi d'une parfaite rigueur d'un point de vue purement scientifique, que ce soit celui de la science matérialiste, ou celui de la Science Hermétique. Par cette réponse, Pymandre subordonne le créé à l'incréé, la forme à l'esprit, l'énergie source à la Pensée Divine. Lors de précédents articles dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, j'ai eu l'occasion d'expliquer et de démontrer que d'une part, il n'y avait qu'un Seul Créateur, capable de faire naître de rien, un univers, et d'autre part, que la nécessaire cohérence qui maintient la cohésion d'un bout à l'autre de cet univers, implique un Législateur Unique et particulièrement compétent, qui impose l'ensemble des Lois Principes sans lesquelles le Chaos ne sortirait jamais de ses ténèbres infinies. Il n'y a donc qu'un unique et Divin Créateur, les lois qui sont les Siennes sont si parfaites qu'elles s'imposent à Lui-même avant que de s'imposer à sa Création, comme j'ai déjà eu l'occasion, là encore, de le démontrer antérieurement ; il découle de ce postulat incontournable, que les éléments constitutifs de la Nature, ne peuvent venir que de la manifestation de ces Lois et Principes, déclinaisons de la volonté de ce Divin Créateur.

...qui, ayant reçu en elle la parole et contemplé l’archétype du monde dans sa beauté... Cette formulation, selon la tradition de la Science Hermétique, renferme sous une forme condensée, une mine d'enseignements de première importance. Si nous devons considérer que le Divin Créateur est la Vérité Absolue et immuable, il est donc difficile d'imaginer, ce qui deviendrait un paradoxe rapidement ingérable, qu'Il puisse intervenir (avoir une forme de mobilité) pour oeuvrer au sein du processus créatif permanent. La Genèse des Tables de la Loi du Sépher de Moïse, nous renseigne d'ailleurs fort justement sur cet épineux problème, par l'exemple du couple divin d'Adam et Eve, l'âme-de-vie et sa faculté volitive. Ce que l'un est à l'Éternel Moment Présent, l'autre l'est à la sphère temporelle dans laquelle elle a la faculté d'évoluer sans qu'il y ait le moindre conflit entre deux états incompatibles de par leurs natures. Le Divin Créateur, que le Corpus Hermeticum qualifie de "Dieu" ne façonne rien, Il pense la Perfection Absolue et par ses Pensées Lui donne l'énergie vitale nécessaire à sa manifestation. Sa Volonté, qui est ici analogiquement semblable à celle d'Adam, celui qu'Il a fait en ombre-nôtre (ce que certains très rustiquement appellent son "image"), possède cette particularité de pouvoir se mouvoir dans le Temporel, sans pour autant remettre en cause l'immuabilité de sa Divine Perfection dans cet infini Eternel Moment Présent. Cette Volonté, comme le signalent les Tables de la Loi du Sépher de Moïse, a lu dans la Pensée de Lui-les-Dieux, car elle a cette extraordinaire capacité de pouvoir recevoir sans déformation la Lumière originelle, cette élémentisation intelligible, comme le traduit si finement et si justement Fabre d'Olivet dans le verset 3, du Sépher de Moïse.

Cette Volonté a donc la capacité de contempler l'archétype du monde dans sa beauté immuable, elle a aussi reçu la parole (le Logos), la faculté vibratoire qui sera le véritable pouvoir de manifestation, celui qui fait passer ce qui est en contingence d'être, à l'être. Ceci permet encore une fois d'éclairer le verset 1, de l'Évangile selon Saint-Jean :

« 1.1 Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu »

Tant que le Verbe ne se manifeste pas il est avec Dieu, et il est Dieu, ce n'est que lorsqu'il se manifeste qu'il devient la Volonté de Dieu, pour devenir Lui-même un dieu.

... façonna sur ce modèle un monde ordonné à partir des éléments propres à ce monde et des âmes nées de Dieu. Subtile distinction entre cette Volonté qui a le pouvoir de manifester une création et le Créateur lui-même. Cette Volonté a le pouvoir de façonner selon l'archétype d'une immuable Vérité Absolue, une sorte de copie de ce monde parfait. Cette Volonté qui n'a pas de pouvoir Créateur, ne peut le faire que selon et avec les éléments de ce monde modèle à la beauté parfaite. Mais ces éléments ne sont que des puissances aveugles régies par un champ d'actions possibles, gouverné par les lois de Causalité du Destin, avec comme parcours programmé celui de la naissance, de l'apogée et du déclin inéluctable. Ces éléments sont donc soumis à la domination d'une volonté, et cette volonté est nécessairement l'expression d'une âme-de-vie, d'où la nécessité pour qu'une forme se manifeste, qu'elle soit associée à une âme-de-vie née de la Pensée du Divin Créateur, ce fameux joyau dans le lotus que j'ai précédemment évoqué.

Dieu, l’Esprit, en lui-même masculin et féminin, source de la lumière et de la vie, engendra d’une parole un second être spirituel... Voilà ici condensé dans une formulation synthétique, l'ensemble de mes commentaires ci-dessus. L'Esprit source de la Lumière et de la Vie nous le retrouvons dans cette sentence de Lao Tseu qui par sa résonance s'harmonise si bien avec ce traité majeur de la Science Hermétique qu'est le Corpus Hermeticum :

Le Tao est le vide, mais le vide est inépuisable.

C'est un abîme vertigineux.

Insondable.

De lui sont sortis tous ceux qui vivent.

Éternellement, il émousse ce qui est aigu, dénoue le fil des existences, fait jaillir la lumière.

Du rien, crée toute chose.

Sa pureté est indicible.

Il n'a pas de commencement.

Il est.

Nul ne l'a engendré.

Il était déjà là quand naquit le maître du ciel.

Notons la distinction que fait ce verset 26, lorsqu'il dit que Dieu engendra d'une parole le second être spirituel, alors que dans le verset 25, il est dit que la Volonté façonna suivant un modèle. Ce que l'Un fait dans l'Éternel Moment Présent par la simple Pensée en mode simultané, le deuxième doit le faire suivant un modèle ordonné, c'est-à-dire en mode successif qui est le propre de la temporalité.

La parole qui est engendrée est une création ex nihilo, elle n'est pas la parole manifestée, mais le principe même qui rend cette parole possible. Parole qu'il conviendrait mieux d'entendre par puissances vibratoires, pour ne pas tomber dans le réductionnisme qui ramenait cette notion de parole, à celle du verbiage creux de l'être humain parlant d'insignifiances.

... le Démiurge qui, en tant que Dieu du feu et du souffle, créa sept recteurs pour entourer de leurs cercles le monde sensible et le diriger par ce qu’on nomme le Destin... Je n'entrerai pas pour le moment dans la complexité des sept Recteurs qui forment les cercles (cycles) qui entourent le monde sensible, celui des sens ; je m'arrêterai juste sur ce Démiurge qui en tant que dieu du Feu et du souffle est celui qui mettra en mouvement les cercles de sa manifestation. Concernant un commentaire des Stances de Dzyan, H.P. Blavatsky nous indique dans sa Doctrine Secrète :

§ 9. – La Lumière est la Flamme Froide, et la Flamme est le Feu, et le Feu produit la Chaleur qui donne l’Eau – l’Eau de la vie dans la Grande Mère .

Il faut se rappeler que les mots "Lumière", "Flamme" et "Feu" ont été adoptés par les traducteurs du vocabulaire des vieux "Philosophes du Feu", afin de rendre plus clairement la signification des termes et symboles archaïques employés dans l’original. Sinon, ils auraient été entièrement incompréhensibles au lecteur européen. Pour un étudiant de l’Occulte, cependant, ces termes seront suffisamment clairs.

La "Lumière", la "Flamme", le "Froid", le "Feu", la "Chaleur", l’ "Eau" et l’ "Eau de Vie" sont tous, sur notre plan, les rejetons ou, comme dirait un Physicien moderne, les corrélations de l’ELECTRICITE. Mot puissant, et symbole encore plus puissant ! Générateur sacré d’une progéniture non moins sacrée : du Feu, créateur, conservateur, destructeur de la Lumière, essence de nos ancêtres – divins de la Flamme, âme des choses.

L’Électricité, c’est-à-dire la VIE Unie, sur l’échelon le plus élevé de l’Être, et le Fluide Astral, l’Athanor des Alchimistes, sur le plus bas ; DIEU et le DIABLE, le BIEN et le MAL...

Pourquoi, maintenant, appelle-t-on dans les STANCES, la Lumière la "Flamme Froide" ? Parce que, dans l’ordre de l’Évolution Cosmique (comme l’enseignent les Occultistes), l’énergie qui actionne la matière, après sa primitive formation en atomes, est générée sur notre plan par la Chaleur Cosmique : et parce que, avant cette période, le Kosmos, pris au sens de matière dissociée, n’était pas. La première Matière primordiale éternelle, coexistante à l’Espace, "qui n'a ni commencement ni fin, n'est ni chaude ni froide, mais possède une nature propre spéciale", dit le Commentaire. La chaleur et le froid sont des qualités relatives, et appartiennent au domaine des mondes manifestés, qui procèdent tous de l’Hylé manifesté ; ce dernier, dans son aspect absolument latent, est désigné sous le titre de "Vierge-Froide", et, lorsqu’il est réveillé à la vie, reçoit le titre de "Mère". Les anciens mythes des cosmogonies occidentales disent qu’au commencement il n’y avait que le brouillard froid (le Père) et la boue prolifique (la Mère, Ilus ou Hylé), d’où sortit le Serpent du Monde (la Matière). La Matière Primordiale, donc, avant qu’elle sorte du plan de ce qui ne se manifeste jamais, et qu’elle se réveille à l’action vibratoire sous l’impulsion de Fohat, n’est qu’un "rayonnement froid, sans couleur, sans goût, dépourvu de qualité et d’aspect". Et ses premiers-nés sont de même – les "Quatre fils" qui "sont Un, et deviennent Sept" – les Entités dont les qualifications et les noms servirent aux anciens Occultistes orientaux pour nommer quatre des sept "Centres de Force" primaires, ou atomes, qui se développent plus tard en les grands "Éléments" Cosmiques actuellement répartis dans les soixante-dix et quelques sous-éléments connus de la Science moderne. Les quatre "Natures Primaires" des premiers Dhyân-Chôhans sont appelées (faute de meilleurs noms) Akâshique, Ethérée, Aqueuse et Ignée, expressions correspondant, dans la terminologie de l’Occultisme pratique, à des définitions scientifiques de gaz qui – pour être compris à la fois des Occultistes et du public ordinaire doivent être nommés Parabydrogéniques, Paraoxycréniques, Oxyhydrogéniques et Ozoniques ou peut-être Nitrozoniques (qui sont, en Occultisme, supra-sensibles, quoique atomiques), qui possèdent leur maximum d’activité lorsqu’elles œoeuvrent sur le plan d’une matière plus grossièrement différenciée. Ces éléments sont, à la fois, électropositifs et électronégatifs. (Chacun d’eux, et bien d’autres encore, sont probablement les liens manquants de la Chimie. Dans l’Alchimie et chez les Occultistes pratiques, ils sont connus sous d’autres noms. C’est en combinant et recombinant, ou dissociant les "Éléments" à l’aide du Feu Astral, qu’on produit les plus grands phénomènes.)

Je croise volontairement les différentes sources d'enseignements spirituels, afin de permettre aux lecteurs de ces articles, de percevoir que derrière les multiples habillages il y a une origine manifestement commune. Comme le disait si bien Koot Hoomi Lal Singh : la philosophie hermétique est l'océan infini de la Vérité, le point central vers lequel coulent et où se rencontrent toutes les rivières et tous les fleuves. Qu'ils aient leur source à l'Est, à l'Ouest au Nord ou au Sud.