Citations d'Eliphas Lévi 6

Citation d’Eliphas Lévi livre I : 9

Raisonner sur la foi, c’est déraisonner, puisque l’objet de la foi est en dehors de la raison. Si j’en étais sûr, je ne le croirais pas, je le saurais !

Commentaires :

Je profiterai de cette citation d'Eliphas Lévi, sans pour autant revenir sur ce qui distingue la Foi de la Raison, - puisque cela a fait l'objet d'un article suffisamment explicite dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste -, mais pour étendre les ramifications de la Foi et de la Raison à leurs différents états.

La Foi est ce qui permet d'explorer ce qui se trouve au-delà de ce qui est admissible à la Raison, et est donc nécessairement séparé par la frontière délimitant la connaissance de l'ignorance. Eliphas Lévi précise fort justement : si j'en étais sûr, je ne le croirais pas, je le saurais ! la Raison est donc bien ce que produit un champ de connaissance spécifique. De ceci découle qu'il puisse y avoir autant de Raisons dont chacune est délimitée par un champ de connaissance qui lui est propre, et ne sera pas nécessairement semblable à une autre Raison n'ayant pas la même «surface», ou ayant une amplitude nettement plus vaste. Le savoir qui découle de cette ou ces Raisons, pour aussi solide qu'il paraisse par les certitudes qu'il engendre, n'est en réalité qu'un savoir temporaire voué à une obsolescence plus ou moins rapide. L'histoire de la science matérialiste, ayant pour fondation qu'elle croit solide, la Raison, nous démontre que ses certitudes d'hier, sont rapidement devenues des imperfections par le simple élargissement naturel du champ de connaissance. Ceci rejoint le précédent article ayant pour sujet la citation de Jacob Boehme, et la déformation inévitable de l'image de Dieu pour cause de corruption de la substance (Connaissance) divine. Cette Raison sera pour nous, comparable à ce que nous indique la Table d'Émeraude par cette descente en « terre », la sphère temporelle, qui n'est plus autre chose qu'un monde d'illusion en mutation constante, même s'il se prétend d'une solidité à toute épreuve, comme ont une fâcheuse tendance à l'affirmer les adeptes de la Raison pure. La Raison est en réalité comparable à une pendule arrêtée qui malgré son dysfonctionnement parvient à donner l'heure juste, au moins deux fois par jour. L'intellect raisonneur, se sert de cette preuve évidente pour établir bien souvent des démonstrations par l'absurde comme celle qui voudrait qu'une pendule arrêtée soit donc plus fiable qu'une pendule qui fonctionnerait, mais qui n'étant pas précise ne donnerait jamais l'heure juste...

Toutes les Raisons ont un espace de vérité relative, plus ou moins étroit en fonction de la pertinence et de la richesse de connaissances servant de base à ces Raisons, mais en dehors de cet espace nous entrons dans les fameuses démonstrations par l'absurde, là où les Raisons finissent invariablement par déraisonner. L'intellect raisonneur est une fonction de l'appareil sensoriel organique, il ne redoute rien tant comme l'incertitude, l'aléatoire, la remise en question, la mouvance des choses, leur imperceptibilité, ou son l'invisibilité l'obligeant à sortir de son périmètre de connaissances. L'axiome de Saint Thomas qui ne croit que ce qu'il voit, est bien souvent la limite acceptable qu'admet la Raison, même si ce postulat réducteur est d'évidence profondément imbécile, il est pour la Raison infiniment rassurant. La Raison se conforte dans un environnement qui lui donne l'impression d'être autre chose qu'une folie, et cet environnement sera celui d'une "normalité" ayant une apparence cohérente, même si avec un peu de recul elle apparaît aisément comme une standardisation d'un délire plus ou moins collectif. Croire qu'il est raisonnable de construire une civilisation en utilisant (gaspillant) une énergie temporairement abondante, mais non renouvelable, est le genre de délire collectif que la Raison érige en dogme et en norme Babélienne. Lorsque apparaîtront les graves préjudices et les catastrophes que produira inévitablement une telle Raison poussée jusqu'à son seuil d'absurdité, il sera évident à tous que cette solide Raison n'était qu'une pure folie d'irresponsables manquant singulièrement de la moindre clairvoyance.

Ceci permet de comprendre que si nous devons être capable de redescendre en « terre », état où sévit la Raison, pour monter au « ciel », il faut nécessairement ne pas se laisser piéger par les chausse-trappes de cette Raison qui a pour principale conséquence (pouvoir) d'enfermer ceux qui s'en réclament dans une puissante et solide prison dont chaque barreau est forgé dans ce redoutable acier qu'est la certitude dogmatique. Connaître les limites de la Raison, c'est se prémunir contre ce risque d'enfermement et de l'impossibilité de pouvoir accéder à cette mobilité que doit avoir l'âme-de-vie pour pouvoir monter et descendre selon sa propre volonté. La Raison a pour proche parente la logique, et la logique n'est pas autre chose que l'application des lois de causalité de la sphère du Destin. Si connaître ces lois est une ardente nécessité, ne serait-ce que pour survivre en « terre », savoir en discerner les limites et les perversités, est tout aussi indispensable pour conserver la maîtrise de son libre arbitre surtout lorsqu'une Raison contient en germe beaucoup de ramifications absurdes.

La Foi, cette faculté que nous avons d'explorer l'infinie étendue de notre ignorance, fait appel à deux facultés supérieures que sont l'Intuition et l'Imagination. Pas l'intuition provenant des turpitudes des états émotionnels débridés, mais cette noble fonction ayant le pouvoir, lorsque nous « montons » vers cet Éternel Moment Présent, de communiquer sans avoir à subir les contraintes du carcan de la causalité et de la logique raisonneuse. Cette Foi sans connaissance est rapidement une Foi aveugle, et l'intuition une source de délires et d'élucubrations, de laquelle sortent des chimères plus ou moins grotesques, la belle image de l'ange se transformant rapidement en horrible gargouille cauchemardesque. La Foi sans connaissance est une folie comme l'est la Raison du sophiste poussée dans ses dernières limites, et qui finit par l'absurde, et souvent la mauvaise foi. L'utilisation de nos facultés supérieures, est à l'image du fonctionnement d'une centrale nucléaire. Ceux qui savent la faire fonctionner, sauront en tirer toute la puissance énergétique qu'elle peut produire, sans pour autant nuire ou provoquer des catastrophes. Les autres ne sauront jamais en tirer la moindre énergie en rapport de la puissance qu'elle peut produire, ou alors en provoquant des phénomènes incontrôlés et incontrôlables. La Foi est donc l’un des aspects de la Haute Magie, mais à la condition qu'elle se manifeste dans une tonalité vibratoire susceptible d'entrer en résonance avec celle qui se pratique dans l'Éternel Moment Présent. Cela suppose une parfaite Connaissance des paramètres utiles, et une longue mise en pratique, pour aligner les différentes tonalités vibratoires. Ce ne peut être la Raison qui peut à elle seule permettre cet alignement, ni la Foi ignorante et délirante, c'est donc uniquement dans le cadre d'une méditation volontaire et maîtrisée que la Foi active et nourrit l'Intuition et l'Imagination, qui permettront à la Conscience de lire dans les archives Akashiques, ce qui n'est qu'un des attributs du sceptre reçu pendant la forme glorieuse et qui est : l'Omniscience !

Car, et c'est là l’un des pouvoirs et des grands mystères de la Haute Magie, lorsque l'âme-de-vie parvient à se libérer de sa prison de certitudes, trop souvent égotiques (pour ne pas dire tout le temps), elle peut espérer, sous certaines conditions strictes, retrouver une partie de cette faculté divine qu'est l'Omniscience et qui est la fonction ayant cours dans l'Éternel Moment Présent. Lors d'une incarnation, comme le signale si justement Jacob Boehme, la corruption de la substance divine ne nous permet pas d'être totalement Omniscient, mais simplement d'être raisonneur, logique en fonction des lois de causalité du Destin, et pour ceux qui ne sont pas totalement sous camisole de la Raison, d'avoir parfois quelques lueurs d'une intuition très atrophiée par manque de pratique. La pratique de la Foi dans le cadre de la Haute Magie, implique que nous soyons convaincus qu'un univers de puissances, invisibles et pas toujours perceptibles par l'appareil sensoriel organique, existe et qu'il est accessible par des fonctions supérieures qu'il convient d'activer. La première tâche que doit accomplir l'alchimiste est la méditation (prière) avant le travail : Ora et Labora. Cette méditation est ce qui sépare le rêve inconscient de la Raison illusoire, et est la voie du juste milieu que doivent obligatoirement emprunter ceux qui sont en capacité de monter et descendre selon leur propre volonté.

Que faire lorsqu'on est en « terre », si ce n'est justement tenter de récolter les forces des choses inférieures . Que faire lorsque l'on parvient à être en « ciel » ?... Exactement la même chose, en vertu des lois de la Table d'Émeraude (ce qui est en bas est comme ce qui est haut...) c'est-à-dire récolter les forces des choses supérieures. Et s'il faut un minimum de Foi pour que la Raison avance, sinon comment croire que ce que nous dit l'enseignant est vrai... Il faut aussi un minimum de Raison pour ne pas permettre à la Foi de s'égarer dans la folie des illusions chimériques engendrées par la corruption d'une âme-de-vie pas suffisamment épurée. La Métaphysique, plus encore que la physique, demande rigueur et précision. L'acquisition des forces inférieures et supérieures (celles de la Raison et celles de la Foi) permet à celui qui les reçoit d'accéder à cette fameuse mobilité qui l'affranchit des cycles de la causalité, pour lui offrir cette possibilité de «monter» et « descendre » non plus dans le cadre rigide des incarnations, mais selon son libre arbitre et sa volonté en dehors de ces cycles. Lorsqu'il parvient à la pratique régulière de cet exercice, il peut élargir volontairement sa faculté intuitive sur ces fameuses archives Akashiques et en recevoir les Connaissances en fonction de ses aspirations clairement manifestées sur les plans supérieurs. Ne pas croire que ces archives existent, ne pas croire qu'elles soient accessibles, ne pas croire que nous avons une de nos facultés qui soit capable d'en recevoir les connaissances, c'est se condamner à ne jamais s'ouvrir aux plans supérieurs, par manque de capacité à « monter » au «ciel». Les gardiens du seuil n'accordent rien à ceux qui ne demandent rien, ni à ceux qui demandent sans respecter les usages...

Mais attention, si la Foi éclairée par la Raison et surtout de solides Connaissances, offre ce privilège de parfois tutoyer les anges, croire que cela est possible sans effort, sans un long travail préliminaire, sans une longue maturation et élargissement de son champ de conscience, c'est transformer la Haute Magie en vulgaire numéro de clown, de prestidigitateur et d'illusionniste. La Foi qui ouvre sa faculté intuitive sur l'état de l'Éternel Moment Présent, le fait suivant des règles complexes et d'une extrême rectitude, avec pour difficulté supplémentaire de situer les tonalités de cette partition sur les registres les plus subtils qui soient, et qu'une seule note discordante peut parvenir à ruiner durablement de longs efforts et travaux accomplis. Dans une de mes petites Clavicules de la Sapience j'ai synthétisé toute la difficulté que comporte la subtilité de l'alignement vibratoire qui permet à la Conscience de «monter» au « ciel » :

719 – Le serment est le langage des dieux, il devient le nôtre lorsque chacune de nos paroles est aussi crédible qu’un serment. Alors seulement, les dieux nous parlent.

Les archives Akashiques ne sont pas accessibles aux ignorants, aux profanes, aux personnes superficielles et frivoles, aux sophistes raisonneurs en diable, et à ceux qui ont un patrimoine karmique plombé par la paresse et la médiocrité de leur champ de conscience et du sens de leur responsabilité. L'Omniscience à laquelle peut espérer celui qui travaille par la méditation à élargir sa faculté intuitive, est la grâce qui récompense une Foi éclairée, de la nature de celle qui est capable de soulever et déplacer des montagnes. Cette Foi-là, est bien un des éléments essentiels sans lequel il ne peut y avoir de pratique de Haute Magie, et c'est l'énergie qui alimente la méditation.

Enfin, ultime précision, la Foi éclairée dont il est ici question, est rarement, pour ne pas dire jamais compatible avec une Foi religieuse si souvent en lutte avec la Raison...