Basile Valentin 4

Outre plus, ne méprise pas les livres des anciens Philosophes, qui pour le certain ont eu la Pierre devant nous, mais lis-les entièrement, car après Dieu ce sont ceux-là qui sont causes que je l'ai eue, lis-les plus d'une fois, afin de n'oublier les principes, que les fondements te tombent, et que la lumière de la vérité ne soit éteinte.

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Dans ce court extrait, qui contient pourtant tant de connaissances concentrées, Basile Valentin nous conseille de ne pas mépriser les livres des anciens Philosophes... Voilà qu'en si peu de mots, il résume ce qui doit faire l'essence de l'étudiant qui se consacre à la découverte des mystères. J'ai coutume de dire que la Vérité n'est dans aucun livre, mais qu'elle est dans tous les livres. Ceci signifie qu'un livre ne peut contenir qu'une parcelle de cette Vérité, mais que pour parvenir à appréhender, le plus qu'il soit possible, cette Vérité, il faut accumuler le maximum de parcelles. Un puceron qui décrirait ce qu'il perçoit du pied d'un éléphant, ne décrirait pas la même chose que celui qui serait sur le bout de sa trompe. Si chaque puceron, partant de ses observations objectives, essaie d'imaginer ce à quoi il a affaire sans prendre le recul permettant une vision globale de l'animal, aura partiellement raison, mais fondamentalement tort sur les déductions de sa raison. Les anciens Philosophes, selon leur degré d'intelligence et de méditation spirituelle ont laissés dans leurs livres leur vision parcellaire, et très souvent pertinente, d'un Tout qu'ils n'ont pas toujours pris la peine d'observer avec le recul suffisant pour en dresser un portrait qui soit autre chose qu'une caricature. La pertinence de certains de ces Philosophes, dans le domaine d'observation qui a été le leur, s'est approchée si prés de la Vérité, que cette ou ces observations conservent leur pertinence et leur justesse au-delà du temps et des modes, qui sévissent dans la philosophie comme dans toute chose.

Certains ont eu la Pierre devant nous... Curieuse expression que celle-ci, pourquoi ne pas dire qui ont eu la Pierre devant eux... Et si justement c'était semblable à ma petite analogie de l'éléphant. À savoir, que nos anciens Philosophes ont la Pierre devant chacun d'eux, sans pour autant avoir le recul nécessaire pour la faire leur...

Donc, pour en revenir à la sage indication de Basile Valentin, il faut que l'étudiant aborde le travail qui doit être le sien avec une absence de préjugé et de certitude. Un sage Tibétain a dit : Il n'est pas possible d'explorer toutes les voies, mais en explorer une complètement revient à les explorer toutes. L'étudiant devra donc considérer que sa quête de vérité devra nécessairement passer par la lecture de tous les livres qui sont reconnus comme des références concernant l'exploration de la voie qu'il entend explorer. Si c'est la voie de la Science Hermétique, il devra nécessairement s'intéresser aux ouvrages des Philosophes de cette voie, et ils sont nombreux et féconds. Il n'en tirera pas toujours les richesses qu'il en attend, mais il se sera astreint par sa lecture, au salutaire exercice de méditation qu'impose la lecture de ces ouvrages. Car c'est là un des mystères de l'enseignement des anciennes sagesses, qui veut que le parcours vaut autant, sinon plus, que le chemin et le but à atteindre. Ora et Labora dit un axiome de l'alchimie. Ce qui veut dire : médite et travaille, ce qui implique que ce travail entrepris, soit en rapport de l'oeuvre, et qu'il soit la continuité des acquis de nos prédécesseurs. En cela, Basile Valentin nous indique que quel que soit le niveau intellectuel et spirituel de l'oeuvrant, il n'ira jamais bien loin s'il doit perdre un temps précieux à redécouvrir ce que d'autres avant lui, par leur ardent travail, sont parvenus à trouver. Un adage populaire dit : si je vois si loin aujourd'hui, c'est que je suis perché sur les épaules de mon père...

Mais lis-les entièrement,... cette ferme invitation de Basile Valentin n'est pas ici superflue, car entrer dans la voie qui mène à la découverte des mystères, implique un tel dépassement des capacités de facultés ordinaires, celles des cinq sens organiques, que l'effort à fournir et la volonté à mettre en oeuvre, sont les plus, sur gardiens de l'entrée du Temple de la Science Hermétique. Combien devant des expressions ou des formulations incompréhensibles, abandonnent un livre au contenu pourtant si riche et prometteur, oubliant par la même que l'initiation ne commence qu'à partir du moment où cela devient difficile, et où il est nécessaire de mobiliser des facultés plus qu'ordinaires. Lorsqu'une personne qui n'a pas l'habitude de faire des exercices physiques, décide de faire un sport quelconque, les débuts à la pratique de ce sport se caractérisent toujours par des courbatures et des douleurs musculaires. Courbatures et douleurs qui finissent par disparaître au fur et à mesure où l'organisme s'adapte pour faire face à la situation. Le sportif finit par exploiter des facultés physiques qui sont nécessairement supérieures à celles d'un non sportif. En matière intellectuelle et spirituelle, il en est rigoureusement de même. Au début, la lecture des anciens Philosophes provoque des courbatures aux neurones et des douleurs aux méninges, mais ce n'est que par la constance de la pratique que l'on découvre, heureusement assez rapidement, que l'esprit se dérouille, et que l'intellect s'adapte en mobilisant des facultés supérieures qui jusque-là s'étaient atrophiées pour cause de manque de pratique. L'obligation de poursuivre courageusement la lecture de textes qui paraissent abscons ou indigestes, est l'exercice salutaire auquel doit s'astreindre celui qui se considère comme autre chose qu'un simple animal humain à la conscience de singe.

Car après Dieu ce sont ceux-là qui sont cause que je l'ai eue... Là encore, si nous prenons le soin d'explorer le sens cachant du propos de Basile Valentin, cela nous révèle un enseignement essentiel. Tous ceux qui parviennent à s'élever au plus proche de la Vérité absolue lors d'une ou des observations, au point d'en rendre certaines presque intemporelles, ont été un reflet de cette lumière Divine sans pour autant pouvoir prétendre être cette Lumière Divine, ce qui serait la pire des perversions. Croire qu'il soit possible de recevoir ces Lumières Divines, en restant assis sur son derrière à contempler rêveusement son nombril, c'est méconnaître les principes de la Justice Divine, qui n'accorde qu'à chacun selon ses mérites. Par contre, ceux qui par un travail intense, intelligent, inspiré, sont jugés dignes par la Divine Providence de recevoir une partie de ses richesses, deviennent par là même une source de rayonnement de la Lumière Divine. Ne pas aller s'abreuver aux sources de ces reflets de la Lumière Divine, revient à vouloir traverser un désert aride, sans prendre la peine de se diriger vers les oasis qu'il contient. La Connaissance, et c'est encore ce qu'il convient de comprendre de l'extrait cité en exergue de cet article, n'est pas qu'un processus individuel. S'il commence par des exercices individuels, la poursuite de sa quête se fait en s'harmonisant avec un ensemble, qui implique que si Tout est dans le tout, nous ne pouvons nous extraire de cet ensemble sans sombrer dans l'erreur, avec les conséquences fatales, qu'implique l'ouverture de cet espace d'insignifiance.

lis-les plus d'une fois, afin de n'oublier les principes, que les fondements te tombent, et que la lumière de la vérité ne soit éteinte... Croire qu'il suffise de lire une seule fois un livre pour en connaître définitivement l'intégralité du contenu, est déjà déraisonnable pour les livres n'ayant pas de contenu intellectuel ou spirituel ; combien ça l'est encore davantage pour les ouvrages ayant un fort contenu intellectuel et spirituel . Ceux qui voudraient devenir des artisans du grand oeuvre en faisant preuve d'une telle frivolité, seraient rapidement désintégrés par les puissances vibratoires auxquelles ils seraient confrontés. Procéder à des relectures régulières d'un ouvrage au fort contenu mystique et ésotérique, permet d'une part, de familiariser notre intellect avec des concepts peu courant dans la vie ordinaire et profane, et d'autre part, d'inscrire durablement dans sa mémoire les principes et les fondements qui serviront à l'édification de notre Temple intérieur. Ceci rejoint parfaitement ce que j'ai précédemment traité dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste.

Pour ce qui est de la lumière de la vérité qui pourrait s'éteindre, Basile Valentin parle de notre propre lumière intérieure et non celle de la Divine providence, je le précise pour qu'il n'y ait pas confusion des genres.

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