Grillot de Givry 5
Livre d’ésotérisme et d’alchimie de Grillot de Givry : INTRODUCTION.
O la paucité et la parvité des doctes, en cet instant décisif ! Que de regrets d’actes
Remarquons que dans ses méditations Grillot de Givry, bien que parfaitement maître d'un langage contemporain, il utilise volontairement des expressions d'un vieux Français sachant qu'ils ne seront pas accessibles au plus grand nombre, mais à la paucité (le petit nombre).Pourquoi donc contraindre le lecteur de ces méditations à ce petit exercice ?... Mais pour la bonne raison que notre maître alchimiste sait fort bien que la Prima Materia ne se transmute que dans l'effort et par le travail...En cet instant décisif !... Précieuse indication que nous donne l'auteur de ces méditations, et n'oublions pas de relier cet extrait au précédent, - dont l'étude a déjà été faite dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste -, et qui permet d'en restituer la tonalité de la "parvité des doctes". Cet instant décisif est celui que rencontre chaque âme-de-vie, dans chacune de ses incarnations, et qui est celui de l'éveil de la Conscience.
Principe admirablement symbolisé dans la première illustration du Mutus Liber
non accomplis, de projets non exécutés ! Combien, ne pouvant réparer les omissions et les erreurs, devront, imparfaits, incomplets, impurs, accepter leur réalisation définitive !Commentaires :
ou nous voyons deux anges descendre, par l'échelle de la Connaissance, des nuées célestes dans la sphère organique délimitée par deux branches de rosier portant abondance d'épines et qui se terminent en son nadir par deux roses qui sont depuis toujours les symboles de la Connaissance mystique. Aux pieds de la scala philosophorum se trouve un individu paresseusement endormi sur le sol d'une terre généreuse et doucement vallonnée, pendant que les deux anges se trouvant sur l'échelle s'époumonent à souffler dans leurs trompettes pour tenter de sortir de la léthargie le dormeur impénitent. Que celui qui reste plongé dans les béatitudes d'un rêve illusoire et inconscient, comme le fait le plus grand nombre, à l'image de ce dormeur, ne s'étonne pas de ne rien comprendre aux réalités normales et supranormales. Mais malheur à celui qui, par la grâce des anges bienveillants qui ont la bonté de l'avertir de la nécessité qu'il a de reprendre sa route, se trouvant réveillé d'un sommeil profond, ne prend pas immédiatement conscience, à cet instant décisif, de son état et des indications précieuses que constitue l'événement de ce réveil.
Dans toutes les grandes traditions initiatiques, l'étudiant doit parvenir à l'étape qui le voit mourir et renaître. Ce principe nous fournit un éclairage et une explication du symbolisme de la crucifixion et de la renaissance de l'âme-de-vie ressuscitée. Il y a pour chaque vie incarnée un instant forcément extrêmement décisif, ou l'individu parvient, ne serait-ce qu'un très court instant, dans le cas par exemple d'un événement exceptionnel et/ou déstabilisant, à avoir une fulgurante vision transcendée qui lui fait franchir les limites de sa normalité égotique. Normalité qui n'est qu'un état somnambulique d'un rêve "éveillé" de fausses apparences qu'il prend pour la réalité.
Cet éveil brutal est le propre des patrimoines karmiques qui ont le plus besoin de faire de sérieux efforts pour tenter d'améliorer leur évolution. Car pour ceux qui sont le plus avancés sur la voie, la paucité et la parvité des doctes, les anges n'ont plus besoin de trompettes qui leur servent à sortir des torpeurs de l'épais ceux qui ne sont pas encore dans les régions du subtil. À ce petit nombre, la providence accorde les conseils du parleur silencieux qui murmure très délicatement à leurs oreilles, chaque fois qu'il est sollicité par eux, et à la condition qu'ils soient infiniment attentifs à ce délicat murmure.
Croire que les anges viennent claironner à l'oreille du dormeur inconséquent pendant une éternité pour le réveiller, c'est méconnaître les principes des lois de la Providence qui ne se reçoivent que par adhésion volontaire. La sonnerie de réveil ne se produit qu'une seule fois dans une vie, et ceux qui ne l'entendent pas ou qui font en sorte volontairement de ne pas l'entendre, peuvent se rendormir tranquillement ils ne seront plus dérangés pendant la durée de cette vie. Ceux qui l'entendent, mais qui pensent qu'il est possible d'attendre la prochaine sonnerie pour se donner la peine de s'éveiller, font aussi un mauvais calcul, car ils se rendormiront jusqu'à leur mort, qui en vérité ne différera en rien de la vie de dormeur inconscient qui aura été la leur. Enfin pour ceux qui ayant conscience de la bénédiction que représente ce réveil de l'âme-de-vie pendant leur incarnation terrestre, se disent qu'ils sont toujours à temps de s'en occuper un peu plus tard, qu'il me soit permis de leur signaler que la durée d'une initiation est équivalente à celle d'une vie, sans qu'il n'en manque une seule seconde.
Ce n'est pas lorsque le trajet est terminé qu'il faut se soucier de l'intérêt de son parcours, et des actes et des projets qu'il fallait y accomplir pendant sa randonnée. Le patrimoine karmique ne s'enrichit pas la dernière heure du dernier jour du dernier mois de l'année que représente une vie. Il est fait d'une lente, besogneuse et patiente accumulation afin ne pas parvenir au terme imparfait, incomplet et impur. Croire que nous aurons toujours le temps de réparer les erreurs ou les omissions, est la preuve d'une grande ignorance des réalités subtiles qui sont à l'oeuvre dans l'alchimie spirituelle.
En introduction de ses méditations, ce cher Grillot de Givry, insiste fortement sur cette condition d'éveil de la Conscience; condition qui ne sera que la toute première et petite étape de l'oeuvre, mais qui est absolument indispensable pour entreprendre la poursuite des opérations, qui elles demanderont d'ailleurs que cette Conscience voit sans cesse son champ de perception subtil s'élargir. Les termes qu'il utilise pour en signaler les conséquences gravissimes, ne sont ni exagérés ni anachroniques, ils sont une salutaire et sage mise en garde, pour parvenir à augmenter encore davantage la prise de Conscience du lecteur, ou son éveil.
Pour conclure sur ce petit extrait, je voudrais attirer l'attention de ceux qui débuteraient sur le chemin de l'éveil aux subtilités de la Divine Providence. Ce que dit Grillot de Givry, comme d’ailleurs ce que qui se retrouve dans les grands textes ésotériques et spirituels, ne concerne pas un ailleurs lointain ou des situations extraordinaires, mais bien chacun d'entre nous dans un quotidien très ordinaire. En cela réside une première et grande difficulté de transposition. Prenons l'exemple du fait qu'un lecteur se trouve être subitement intéressé par une approche ésotérique et spirituelle, cet éveil de sa Conscience sur ces sujets lui donnera une précieuse indication sur le chemin qu'il doit parcourir, s'il sait faire preuve de volonté malgré les difficultés que cela représente. Qu'il renâcle à faire des efforts pour maintenir sa Conscience éveillée et pour la nourrir, comme le cheval devant l'obstacle, et alors il perd le bénéfice d'avoir su saisir cet instant décisif, et la chance de poursuivre sa route sur la voie de l'évolution. Le faire plus tard, lorsqu'il pense qu'il pourra disposer du temps disponible, le condamnera aux regrets d’actes non accomplis, de projets non exécutés !
Encore une fois, constatons l'application d'un grand principe de la Justice Divine : à chacun selon ses mérites.
*
* *