Basile Valentin 6

Bref, sache que pas un animal ne peut étendre son espèce et engendrer son semblable, s'il ne le fait par le moyen de choses semblables, et d'une même nature, voilà pourquoi je ne veux point que tu mettes peine à chercher notre Pierre autre part, n'y d'autre côté que dans la semence de sa propre nature, de laquelle la nature l'a premièrement produite. Tire de là aussi une conséquence certaine, qu'il ne te faut aucunement choisir à cet effet une nature animale, car comme la chair et le sang ont été donnez par le Créateur de toutes choses aux seuls animaux, aussi du seul sang, à eux seul particulier, eux seuls sont nés et naissent tous les jours. Mais notre Pierre que j'ai eue par succession des anciens Philosophes, est faite et composée de deux choses, et d'une, en qui la troisième est cachée, et elle est la vérité vraiment publiée sans aucune ambiguïté et fraude, car le mari et la femme n'étaient pris par les anciens Philosophes que pour un même corps, non pas à cause de leurs accidents externes qu'ils eussent, mais à cause de leur amour réciproque, et la vertu uniforme produite de leur semblable, née et inférée à l'une et à l'autre, dès leur première naissance. Et tout ainsi qu'ils ont une vertu conservative et propagative de leur espèce, tout de même la matière de laquelle est produit notre Pierre, se peut multiplier et étendre par la vertu séminale qu'elle a. C'est pourquoi si tu es vrai amateur de notre science, tu ne feras pas peu d'estime de ce que je viens de dire, et tu le considéreras attentivement, de peur de te laisser tirer avec les autres sophistes, aveuglés en cet endroit en la fosse d'ignorance, et te précipiter en ce gouffre, et enfin n'en pouvoir jamais revenir. Or mon ami, afin que je t'enseigne d'où cette semence, et cette matière est puisée, songe en toi-même à quelle fin et usage tu veux faire la Pierre, alors tu sauras qu'elle ne s'extrait que de racine métallique, ordonnée du Créateur à la génération seulement des Métaux. Or comprends en peu de paroles comment cela se fait.

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Après quelques préliminaires, qui ont pour but de préparer les dispositions intellectuelles et spirituelles du lecteur de ces douze clefs, Basile Valentin entre brutalement dans le vif du sujet dont il est et sera question dans ce traité de la Philosophie Hermétique.

Avant d'aller explorer plus avant les arcanes du langage analogique qui est celui de cet extrait, comme d'ailleurs de tous ceux traités de la Science Hermétique, je voudrais encourager les lectrices et lecteurs des études du Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, à prendre la bonne habitude, avant de découvrir le contenu de tout nouvel article, de relire attentivement celui du précédent sur le sujet traité. Pour permettre un accès facile et rapide, vous trouverez un lien qui se trouve établi avec la phrase en début de chaque article : "Précédent article sur ce sujet dans le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste" ; il vous suffit de cliquer sur cette phrase pour accéder directement à l'article précédent.

Bref, sache que pas un animal ne peut étendre son espèce et engendrer son semblable, s'il ne le fait par le moyen de choses semblables, et d'une même nature, voilà pourquoi je ne veux point que tu mettes peine à chercher notre Pierre autre part, n'y d'autre côté que dans la semence de sa propre nature, de laquelle la nature l'a premièrement produite... Je pourrais traduire la richesse de cette formulation par le raccourci caricatural suivant : N'allez pas chercher ailleurs ce que vous avez sous le nez et sous vos semelles... La Pierre des philosophes dont il est question dans les traités d'alchimie est comparable à ce que la tradition orientale appelle : le Joyau dans le Lotus.

Dans le Corpus Hermeticum, Enseignement majeur de la Science Hermétique, il est indiqué : que seul le semblable connaît le semblable. Ceci peut se rapprocher de l'inscription gravée au fronton du temple d'Apollon à Delphes : connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux. Alors, pour en revenir à ce que nous indique Basile Valentin dans sa subtile et néanmoins rigoureuse formulation, la semence de notre propre nature est en nous et non à l'extérieur de nous. L'orientation qu'il donne à la recherche du quêteur de Vérité est ici absolument essentielle, et pour que l'on en comprenne bien l'importance décisive, je prendrai l'exemple de la science matérialiste qui s'évertue à chercher les origines de la vie. D'abord, elle a cherché sur terre un hypothétique endroit qui serait le "berceau" de cette vie ; vieille marotte imbécile que l'anthropologie conserve en voulant absolument identifier le continent, le pays, la région, qui aurait vu l'apparition du premier être humain. Quête imbécile, car elle repose sur une définition de l'être humain qui oscille sans cesse entre de pseudo hominidés, et de primates assimilables à un être humain dégénéré comme ces scientifiques imaginent qu'il devait être au début de leur histoire chimérique. Pour en revenir à la vie, nous sommes donc passé à un consensus qui voudrait qu'elle soit née dans les océans, dont d'ailleurs on se demande encore comment ils sont arrivés sur cette planète et pas sur les voisines... Mais comme cette approximation est loin d'être suffisante pour répondre aux nombreux "pourquoi" et "comment", qu'inéluctablement un esprit éclairé finit par se poser, nos charmants scientifiques raisonneurs en diable, et producteurs de paradoxes ingérables, en sont arrivés à l'hypothèse nettement plus confortable pour eux, que cette "vie" pourrait probablement être d'origine extraterrestre. Je vous tranquillise, même si certains bruits courent par-ci par-là, ils n'en sont pas encore à discuter avec les OVNIENS (ceux qui voyagent dans des OVNIS), mais simplement à imaginer que les comètes et astéroïdes, qui se trouvent très loin dans le système solaire, contiendraient eau et bactéries, virus et autres acides aminés qui seraient les précurseurs de cette "vie" sur terre, lors de chutes régulières. La science matérialiste, comme elle en a hélas l'habitude, lorsqu'elle ne parvient pas à résoudre un problème, s'efforce de le déplacer loin dans le temps (big bang) ou l'espace la fameuse ceinture d'astéroïdes de Kuiper qui se situerait bien au-delà de l'orbite de Pluton...Alors la vie ne serait pas d'origine terrestre, mais d'origine astéroïdesque, ce qui ne dit pas pour autant comment cette vie est arrivée sur ces astéroïdes, mais ce qui laisse à nos joyeux scientifiques un large espace de tribulations hypothétiques. La Science Hermétique, qui rejoint en cela la science spirituelle orientale notamment celle des théosophes, considère que le visible n'est que la manifestation partielle de ce qui est invisible (enfin, pour l'animal humain) et sans lequel le visible ne pourrait exister. Ce qui rejoint la formulation elliptique de notre auteur : que dans la semence de sa propre nature, de laquelle la nature l'a premièrement produite. La semence de cette propre nature (naturante) de laquelle la nature naturée produit.

Tire de là aussi une conséquence certaine, qu'il ne te faut aucunement choisir à cet effet une nature animale, car comme la chair et le sang ont été donnés par le Créateur de toutes choses aux seuls animaux, aussi du seul sang, à eux seuls particulier, eux seuls sont nés et naissent tous les jours... Admirable de précision et de rigueur que cette indication complémentaire que nous donne frère BasileValentin. La nature dont il est ici question, n'est pas celle de l'animal organique, comme il nous est clairement indiqué. Et n'oublions pas que l'être humain est d'abord, dans la sphère de manifestation temporelle, un mammifère; et ce mammifère est comme indiqué dans l'extrait de ce sujet, ce qui naît et donc ce qui meurt. Ainsi, notre propre nature n'est pas celle qui est assimilable à celle de l'animal organique et mortel, et s'il ne s'agit pas de celle-ci, il ne peut donc s'agir que de son contraire, la nature inorganique et immortelle. Cette petite distinction qui est faite par Basile Valentin, pourrait paraître accessoire et insignifiante, mais si vous vous rappelez du sujet qui traitait du pouvoir magique qu'est l'identification, vous serez à même de comprendre que le discernement qu'il est demandé au lecteur de faire entre ces deux natures, permettra de chercher la Pierre là où elle se trouve, et non là où elle ne peut pas se trouver....

Mais notre Pierre que j'ai eue par succession des anciens Philosophes, est faite et composée de deux choses, et d'une, en qui la troisième est cachée, et elle est la vérité vraiment publiée sans aucune ambiguïté et fraude, car le mari et la femme n'étaient pris par les anciens Philosophes que pour un même corps, non pas à cause de leurs accidents externes qu'ils eussent, mais à cause de leur amour réciproque, et la vertu uniforme produite de leur semblable, née et inférée à l'une et à l'autre, dès leur première naissance... L'indication qui devrait vous mettre sérieusement sur la voie, pour comprendre le sens analogique de cette formulation, est celle du "mari" et de la "femme", sujet que nous avons dernièrement traité lors des questions de l'Étoile Flambloyante. Leur amour réciproque (le magnétisme attracteur des contraires), la vertu uniforme qui permet l'assemblage des pensées selon leurs niveaux vibratoires; née et inférée (tirer comme conséquence) à l'une et à l'autre dès leur première naissance , laisse entendre une origine androgyne de l'un et de l'autre. Notons que la Pierre des Philosophes est constituée, à l'image du Ternaire Divin, de deux choses desquelles se déduit une troisième qui reste cachée. Le visible la matière lourde et dense manifestée, l'invisible énergie (Feu originel) qui lui donne les moyens de prendre corps, et la pensée qui les anime.

Et tout ainsi qu'ils ont une vertu conservative et propagative de leur espèce, tout de même la matière de laquelle est produit notre Pierre, se peut multiplier et étendre par la vertu séminale qu'elle a... Autant il est aisé de comprendre comment la nature organique peut se propager autant il peut être plus délicat de le comprendre de la Pierre des Philosophes, même si l'alchimie admet que dans sa minière, le minéral lui-même croît et se développe... Pour vous permettre de comprendre le principe de multiplication de cette Pierre, j'utiliserai l'exemple de la pensée. Une même pensée peut parfaitement être partagée par un grand nombre de personnes, assurant ainsi sa multiplication et sa vertu séminale.

C'est pourquoi si tu es vrai amateur de notre science, tu ne feras pas peu d'estime de ce que je viens de dire, et tu le considéreras attentivement, de peur de te laisser tirer avec les autres sophistes, aveuglés en cet endroit en la fosse d'ignorance, et te précipiter en ce gouffre, et enfin n'en pouvoir jamais revenir... Le conseil est non seulement judicieux, comme pourront maintenant le comprendre les lectrices et lecteurs assidus des articles de le Grand Œuvre d'Hermès Trismégiste, mais il est aussi infiniment précieux dans la distinction qu'il apporte entre la Science Hermétique, et celle des sophistes, à l'image de l'exemple que j'ai utilisé dans ce qui précède, et qui sous l'apparence d'un prétendu savoir ne dissimule qu'une fosse d'ignorance... Il y a dans ce passage, toute la sagesse que nous retrouvons chez Socrate dans sa maxime : je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien. Ce qui révèle la pratique d'une indispensable humilité pour partir à la découverte de cette terra incognita où se trouve la Pierre Philosophale.

Or mon ami, afin que je t'enseigne d'où cette semence, et cette matière sont puisées, songe en toi-même à quelle fin et usage tu veux faire la Pierre, alors tu sauras qu'elle ne s'extrait que de racine métallique, ordonnée du Créateur à la génération seulement des Métaux. Or comprends en peu de paroles comment cela se fait... Dans le prochain extrait de Basile Valentin, qui nous servira d'étude, il commencera à nous révéler comment cela se fait. Pour le moment contentons-nous de répondre à la question qu'il nous invite de nous poser : songe en toi-même à quelle fin et usage tu veux faire la Pierre... Ceci rejoint ce que j'ai eu à dire lors de précédents articles concernant Basile Valentin : un bateau sans port n'a jamais de vents favorables. Savoir pourquoi l'on cherche la Pierre et ce que l'on espère en faire, si l'on parvient à la trouver, est aussi un redoutable révélateur d'intentions, qui orienteront notre démarche, soit dans le sens de l'involution, soit dans celui de l'évolution. La Pierre de l'involution sera celle qui entraînera l'imprudent vers une noyade certaine au fond des abysses de la matérialité, alors que celle de l'évolution sera la fameuse Pierre angulaire, élément essentiel de l'édifice spirituel...

Cet extrait contient des richesses qui justifieraient une étude nettement plus longue que celle que je propose, mais je laisse à l'imagination et l'intuition de chacun la possibilité de poursuivre les arborescences que feront naître mes petites indications, qui, je l'espère, seront stimulantes.

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