Evangile de Thomas 6

Livre de l’Evangile Saint Thomas, Evangile selon Jésus, Loggion 4.

1 Jésus a dit :

2 L’homme vieux dans ses jours n’hésitera pas

3 à interroger un tout petit enfant de sept jours

4 au sujet du lieu de la Vie,

5 et il vivra,

6 parce que beaucoup de premiers se feront derniers,

7 et ils seront Un.

Commentaires :

Voilà probablement l'un des passages parmi les plus hermétiques que contient cet Évangile de Thomas. Celui qui guide le lecteur dans le cheminement de cet Évangile, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer lors du précédent article sur ce sujet dans le Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste, est donc celui qui est appelé « Jésus » (dont la traduction grecque et son adaptation latine signifie : sauve). Il convient donc de considérer que chaque loggion de ce document, qui sauve celui qui s’est égaré dans les tentations d’une vie organique et sur les chemins de l'ignorance, doit être lu uniquement sous l’angle du sens Cachant pour en révéler ses précieux enseignements et ses non moins précieuses indications.

Les lectrices et les lecteurs des articles du Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste, s’ils ont eu la constance de suivre dans l’ordre de parution le déroulement des indications que je me fais un devoir, autant qu’un plaisir de leur transmettre, savent maintenant ce qu’est le langage analogique, la nécessité d’une lecture du sens Cachant, l’obligation d’une attention soutenue et la nécessaire prudence et concentration qu’il convient d’avoir devant ce qui nous semble de prime abord comme soit simpliste, soit si évident qu’il n’y paraît que des banalités très ordinaires ; soit encore si anachronique que l’on peut avoir la tentation de passer rapidement outre, perdant ainsi l’occasion de faire une découverte importante. La Connaissance éprouvée, passe obligatoirement par la pratique. Cette pratique est essentiellement faite de répétitions d’un même mouvement dans des conditions sans cesse différentes, et ce n’est qu’après que la pratique aura transformé l’exercice de ce mouvement en automatisme spontané, que le savoir se transmutera en Connaissance. Ceci pour ceux qui, par une lecture trop rapide, et en diagonale, penseraient qu’il y a souvent inutile répétition de certains thèmes dans certains des articles du Grand Œuvre d’Hermès Trismégiste. Le langage analogique ne peut se maîtriser, que selon les pratiques qui permettent d’apprendre les autres langues à savoir celle de la répétition en différentes situations.

Alors, munis de nos petits outils précédemment accumulés, essayons de voir ce que contient le coffre de ce mystérieux loggion. Avant de poursuivre la lecture de cet article, je propose au lecteur (trice) de revenir sur le texte de ce loggion 4, et d’essayer d’imaginer ce qu’il peut bien contenir, en notant sur un papier le résultat de cette méditation, afin de pouvoir éventuellement comparer ce petit travail à celui que je propose en partage.

2 L’homme vieux dans ses jours n’hésitera pas 3 à interroger un tout petit enfant de sept jours 4 au sujet du lieu de la Vie... S’agit-il d’un homme vieux physiquement ou spirituellement ?... La réponse à cette question induira différentes interprétations, plus ou moins justes. Si c’est un homme vieux physiquement, est-ce pour autant un sage ?... Il faut espérer qu’il soit un peu plus sage et mature que ce qu’il était avant d’avoir accumulé les expériences d’un long parcours de vie, sinon, quel douloureux constat d’échec il sera amené à faire sur le gaspillage de temps et d’énergie vitale qui aura été le sien. Ce vieux physiquement, mais pas spirituellement ne pourra et ne sera jamais en mesure d’interroger un petit enfant de sept jours, car il aura été et sera dans l’impossibilité d’avoir et les Connaissances nécessaires pour le faire, et les facultés que procure l’a pratique constante d’une pensée juste en vertus. La simple utilisation des cinq sens organiques, ne permet pas d’avoir la vision et les perceptions des subtils rapports qu’il peut y avoir dans le cadre d’une méditation spirituelle, entre l’esprit d’une conscience éveillée, et l’esprit de la conscience pas encore totalement incarnée dans le corps d’un enfant de sept jours (qu'il convient de ne pas confondre avec les sept jours de la semaine ordinaire).

L’homme vieux dans ses jours, qui peut activer cette perception spirituelle infiniment subtile, est donc celui qui est le plus avancé dans la voie de son évolution karmique. Il est vieux, car il est probablement à la fin de ce long cycle d’incarnations que doit subir l’âme-de-vie durant sa traversée du jardin du Bien et du Mal, (le sentier de probation) pour parvenir à un état d’une Conscience totalement éveillée. Cet homme vieux dans ses jours karmiques, sera en mesure d’interroger la Conscience encore si proche de sa sphère supérieure subtile, qu’est celle d’un jeune enfant de sept jours, pour en connaître non pas les origines héréditaires, ce qui n’est pas et ne sera jamais applicable à une Conscience, mais ce que le paragraphe 3, qualifie de lieu de la Vie. Notons que la Vie est ici écrit avec le « V » de majesté qui lui confère le statut de quintessence. Ce lieu de la Vie, n’est pas celui des cycles de la sphère temporelle, qui n’est qu’un lieu de mort. Ce lieu de la Vie est donc ce qui est du domaine de l’Intemporel. Et qui donc autre que le sage, parfaitement initié, et maîtrisant la pratique d’une pensée juste en vertus, — ce qui implique un très haut niveau de Connaissance —, peut se permettre de sortir des limites strictes de la prison de l’ego, et être ainsi capable de parler cet autre langage qui est celui qui peut communiquer avec ce qui se situe au-delà des frontières de la normalité de la condition temporelle ?

Cette faculté de communiquer avec l’esprit d’une âme-de-vie en cours d’incarnation, dans ce jeune enfant de sept jours, est la clairvoyance, qui permet de percevoir ce qui n’est pas visible pour la vision ordinaire de l’animal humain. Il est partout établi que l’enfant en bas âge possède des capacités médiumniques, qui se traduisent par les manifestations d’une imagination qui n’est pas encore emprisonnée dans les carcans des lois de la causalité raisonneuse, et qui dans certains cas, ce que nous retrouvons répandu dans tous les temps et sous toutes les latitudes, lui permet de conserver la mémoire de sa ou ses vies antérieures... Ainsi, les grands initiés Tibétains recherchent la réincarnation de leurs Dalaï-Lamas ou de leurs grands Maîtres, au travers de la mémoire des jeunes enfants qui révèle la présence de ces grands esprits dans le corps de l'enfant où ils se trouvent réincarnés. L’homme vieux dans ses jours, étant, comme je l’ai dit précédemment, celui qui n’a plus la nécessité de se réincarner, sera celui qui se préoccupera donc non pas de sa future vie terrestre, mais de sa future condition dans ce lieu de Vie (ce nouvel état de sa Conscience éveillée). Et le seul à pouvoir lui en donner quelques indications, est bien cette Conscience qui est encore si proche de cet état, avant qu’elle ne soit intégralement incarnée dans la vie de l’enfant, qu’elle peut, sur le mode infiniment subtil, donner des indications à ceux qui sont capables de l’interroger dans le langage subtil qui est le sien.

Les sept jours dont il est ici question, sont en rapport avec les sept puissances qui gouvernent notre sphère organique, ce que les Tables de la Loi du Sépher de Moïse qualifient de terre adamique, ou encore ce que le Corpus Hermeticum nomme les sept recteurs de la création. Car, et c’est là une information infiniment précieuse tout autant que d’une grande élégance, que nous donne le paragraphe de ce loggion, si la plongée dans la sphère organique se fait sous l’aspect d’un ego coupé de son universalité, la Conscience qui s’en libère rejoint et se met en harmonie avec un grand Tout grandiose où toutes les puissances se croisent et s’interpénètrent pour fournir les substances et nourritures spirituelles indispensables à la croissance de la conscience de l’âme-de-vie. Sept jours nous renvoie inévitablement aux sept Jours de la Genèse comme nous l’enseignent les Tables de la Loi du Sépher de Moïse. L’enfant de sept jours, dont parle ce loggion, n'est pas autre chose que celui de cette Genèse, celui qui est dénommé Adam dans sa forme glorieuse. Et cette forme glorieuse de cet Adam, est l’état dans lequel il est aussi capable de lire dans la pensée de Lui-les-Dieux, faculté que n’aura plus l’Adam l’homme intellectuel qui se trouve incarné dans la sphère organique.

Comme je l'ai commenté dans le tome I, de la Véritable Histoire d'Adam et Eve enfin dévoilée, cette Genèse est le point central de la Création Universelle, mais c'est aussi le point central de toutes les créations et créatures. Il n'est donc pas étonnant que le jeune enfant soit ici qualifié celui des sept jours. Ce point de Genèse duquel émanera une sphère de manifestation spécifique.

5 et il vivra, 6 parce que beaucoup de premiers se feront derniers, 7 et ils seront Un... la suite et la fin de ce loggion 4, est dans la lignée de ce que je viens d’évoquer précédemment. Pour vivre dans le sens de Vie intemporelle, il faut donc connaître où se trouve ce lieu de Vie (cet état), ce qui implique Conscience, volonté d’y aller, et Connaissance sans laquelle il n’est pas possible d’en découvrir le chemin. Parce que beaucoup de premiers se feront les derniers, nous signale que la clé pour ce changement d’état n’est rien d’autre que l’Humilité. Cette Vertu, clé de voûte de toute initiation, permet de comprendre qu’être le premier dans un état donné, ne permettra pas d’être autre chose que le dernier (venu ou né) dans un état supérieur, à l’image de cet enfant dernier-né qui regarde ce vieillard dans ses jours, ce sage qui est passé en tête (premier) de l’éveil de la Conscience. Le principe de l’évolution et de la perfectibilité est ici parfaitement synthétisé dans une formulation simple et élégante. Pour passer dans un état supérieur, il faut d’abord parvenir à la perfection de son état actuel, devenir le premier. Et le passage dans cet état supérieur implique que nous ayons par une pensée parfaitement juste en Vertus, la conscience que cette renaissance ne fera pas autre chose de nous, qu’être le dernier dans ce nouvel état, ce que nous devons apprendre à accepter avec la plus simple et sincère humilité.

Et ils seront UN... contrairement à une idée parfaitement ridicule et pourtant largement répandue et colportée de génération en génération, il ne s’agit pas ici de faire Un avec le grand TOUT, pour devenir Calife à la place du Calife, ce qui serait la négation même du principe de différenciation de toute conscience de l’universel, comme le veulent les lois de la Divine providence, mais de faire UN en prenant Conscience que nous ne pouvons passer de notre état égotique à un état supérieur qu’en nous intégrant dans la trame d’un grand Tout auquel nous appartenons, et auquel nous devons nous identifier, sans pour autant perdre cette Conscience différenciée de cet universel... Ce changement d’état de Conscience demande que nous soyons capables de sortir de notre carcan que constitue notre ego de forme humaine, ce qui implique que la Conscience s’élève (prenne du recul) par rapport avec ce qui personnifie cet ego matérialiste et organique : sa forme humaine. Cette distanciation du spiritutel, de l’intellectuel se fait essentiellement par l’élargissement du champ conscience en direction de l’universel. Dans la formulation et ils seront UN, nous avons surtout l’indication que le lieu de Vie se trouve dans la Vérité Absolue, et s’approcher de cette Vérité Absolue passe par une Conscience qui s’éveille à la compréhension de l’universalité des Lois de la Divine Providence.

Accessoirement, la compréhension de cette formule, nous ouvre les yeux (enfin le troisième oeil) sur le fait que si par notre élévation nous devons sortir des limites étroites de notre ego, pour nous insérer dans un Tout grandiose, l'activation de notre clairvoyance qui se fait pendant que nous sommes encore en état de conscience dans les limites de la forme humaine, doit se manifester par l’universalisation de la perception que nous avons de ce qui nous entoure. La conscience que nous avons d’appartenir à cette grande fraternité humaine, dont chaque élément fait partie dans sa différence et sa spécificité, et qui implique une obligatoire solidarité du fort au faible, n’est que la déclinaison de la grande fraternité des âmes-de-vie qui se trouve dans ce fameux lieu de Vie.

C'est en nous mettant en bas, en conformité d'avec ce qui est en haut, que nous nous préparons à rejoindre ce lieu de Vie. L'enfant se prépare à vivre dans ce monde avant qu'il n'en fasse pleinement partie. Et s'il ne le fait pas correctement, il se condamne soit à ne pas pouvoir y vivre, soit à pouvoir y vivre mais avec de nombreux handicaps... Que ceux qui ont des oreilles pour entendre, entendent...

La seule et unique possibilité qu'a la Conscience de croître, c'est de s'ouvrir à ce grand Tout universel ; et le seul moyen de s'ouvrir à ce grand Tout passe par l'identification de cette Conscience avec Lui, avec lequel elle se sent devenir UN, sans pour autant perdre son ipséité. Nous ne devenons grand qu'en participant à de grandes choses !

La richesse ésotérique de ce loggion est telle, que pour parvenir à en faire même sommairement le tour, il y faudrait une longueur de cet article de très loin supérieure à celle dans laquelle je cantonne volontairement chacun de ceux-ci. J’espère simplement, qu’en ouvrant quelques portes, qui se présentaient hermétiquement closes, je permettrai une méditation un peu plus profonde sur ses enseignements, qui pourront ainsi continuer de faire germer leurs richesses dans l'âme-de-vie qui les reçoit, bien après leur lecture.

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