Mémoire effilochée

Savez-vous qu'à l'heure actuelle, plus d'un quart de millions de Canadiens souffrent de la maladie d'Alzheimer ?

Je dédie ce poème à tous ceux qui, de près ou de loin, ont rencontré cette terrible maladie et qui ont été témoin de la source de souffrance qu'elle représente.

Dans les sillons de sa mémoire effilochée

S'agitent quelques souvenirs épars.

Les yeux vidés de toute présence

Restent posés sur le parcours des jours,

Sans lueur, comme un fanal éteint.

Le velours fané habillant le fauteuil familier

Complice, conserve l'empreinte gémissante de son dos rouillé.

Ses doigts noueux suit le creux de sa peau barricadées de rides,

L'intimité du châle réchauffe ses épaules frileuses,

Agitées de frissons au parfum de sanglots,

Elle reste emmurée, solitaire au centre d'une éprouvante distance.

Je tente de la rejoindre, mais son âme est absente,

En dehors de l'instant, insensible à l'appel de ma voix.

J'ai froid de rage et maudis cette cruelle absence,

Cet état incurable qui dévaste, falsifie, ruine tout,

Le corps, le cœur et l'âme.

Je refuse cette statique image

Déformée et troublante,

Qui n'offre plus la moindre ressemblance,

Avec celle qui fut à la fois mon guide et mon modèle,

Cette femme qui m'a aimé et à qui je dois tant.

Marybé avril 1997