Bonheur à l'état pur

Aux heures lasses,

Quant les yeux de la nuit masquent le regard du jour,

Et qu'un duvet d'étoiles réchauffe le ciel frileux,

Je m'évade de l'agitation d'un monde tumultueux.

Je ferme la fenêtre et glisse les rideaux,

Puis, j'éclaire le silence qui baigne notre chambre;

En murmurant ton nom les bougies prennent vie.

Avec précaution de peur qu'il ne se brise

J'entrouvre le souvenir de nos complicités.

Je nous revois alors tous les deux allongés,

Ma tête sur ton épaule, mes cheveux dénoués,

Je t'écoutais me bercer des mots de ces poètes.

Ta voix m'offrait Verlaine et son clair de lune,

Tu me chantais la bohème de Rimbaud,

Récitais Aragon, Éluard et Baudelaire,

Et puis aussi Prévert;

Prévert que j'aimais tant,

Prévert qui savait comment il faut s'y prendre

Pour faire le portrait d'un oiseau.

Nous écoutions Lamartine nous dire

Ô temps suspends ton vol

Et le temps arrêtait de nous fuir.

Et puis de connivence avec Victor Hugo

Attendri, tu souriais à l'idée

Qu'un jour, peut-être

Tu mettrais en pratique l'art d'être grand-père.

Je revois ces moments de tendre plénitude,

Tes frissons d'émotions aux miens enlacés,

Instants de grâce et de tendresse diffuse,

Instants privilèges,

Instants qui, maintenant, douloureusement me manquent.

Et mon coeur qui s'éteint au vide de ton absence,

Soudain, sait que le feu de cette fusion intense

Qui animait nos esprits et nos âmes

C'était la lueur de la flamme

Du bonheur à l'état pur.

Marybé novembre 1997