La plus tendre des amies
Yolande Gabrielle Martine de Polastron naît le 8 septembre 1749. Elle est la fille de Jean-François Gabrielle, Comte de Polastron et de Jeanne-Charlotte Hérault. La famille de Polastron est au service des Roi de France depuis le XIIIe siècle. Le père de Yolande a servi le Dauphin Louis-Ferdinand. Son grand-père maternel a été lieutenant-général de police de Paris sous Louis XV. Deuxième enfant du couple Polastron, Yolande n’a jamais connu son aîné, mort jeune. Quand elle a trois ans, sa mère décède. C’est un coup dur pour la petite fille. Son père, qui ne s’en soucie pas, la confie à sa sœur Marie-Henriette de Polastron, Comtesse d’Andlau. Il se remarie et aura trois enfants de cette union : Adélaïde, Adhémar et Henriette. La jeune Yolande se prend d’affection pour sa tante, qu’elle considère comme sa seconde mère. Elle grandit avec ses cousins Aglaé et Henri-Antoine. Elle côtoie également un autre cousin, le comte Hyacinthe de Vaudreuil. Elle est en admiration devant ce garçonnet de neuf ans plus âgé qu’elle. Il en est bien conscient et a un fort ascendant sur cette petite fille au caractère malléable et docile, ascendant qu’il aura toutes leurs vies durant. Lorsqu’elle devient adolescente, Yolande part étudier aux Dames de Panthémont, à Paris. Elle brille par ses talents artistiques, comme le dessin, le chant et la danse. Elle y excelle tant qu’elle participera, des années plus tard, aux petits concerts privés organisés par Marie-Antoinette. En revanche, Yolande, très indolente, est très médiocre dans les matières plus scolaires.
Jeune femme accomplie, elle est devenue ravissante. Les relations entre elle et Vaudreuil changent et prennent un tournant plus doux. Un fort sentiment les lie et durera, lui aussi, jusqu’à la fin. Pour autant, Vaudreuil ne demande pas Yolande en mariage. En revanche, il choisit lui-même son mari. C’est l’un de ses amis, Jules François Armand de Polignac, capitaine dans le régiment du Royal-Pologne. Yolande et Jules s’unissent le 7 juillet 1767 à l’église Saint-Sulpice de Paris. Le couple possède rentes et bien matériels, et s’installe au château de Claye-en-Brie, où le marié a grandi. Les Polignac sont issus d’une ancienne et brillante famille, elle aussi au service des Rois de France depuis plusieurs générations. En outre, par sa mère, Jules descend du Cardinal Mazarin. Malgré ce passé prestigieux, les finances des Polignac ne sont plus ce qu’elles étaient. Les rentes respectives des époux ne leur suffisent pas à mener le train de vie qu’ils souhaiteraient et que leur rang leur impose.
Diane de Polignac
Hyacinthe de Vaudreuil
En entrant dans la famille Polignac, Yolande rencontre sa belle-sœur, la Comtesse Diane, de quatre ans plus âgée qu’elle. Diane « adopte » sa jeune belle-sœur et la prend sous son aile. La Comtesse Jules, comme on appelle désormais Yolande, est « moralement et physiquement paresseuse », avec un caractère souple. Aussi, Diane n’a aucune difficulté, comme Vaudreuil, à manipuler sa belle-sœur à sa guise. A Claye, le couple est apprécié de ses paysans, dont ils sont proches. Ils mènent une vie très simple et partagent leur temps entre Claye, leur modeste logement parisien de la rue des Bons-Enfants et les demeures de leurs familles respectives. Après un an de mariage, Yolande donne naissance à une fille, Aglaé. Contrairement à l’image véhiculée par ses détracteurs, Yolande est une excellente mère, proche de ses enfants. Même lorsqu’elle occupera une place de choix à la Cour, la Comtesse Jules ne cessera jamais de s’en occuper et de les chérir.
Marie-Antoinette, par Élisabeth Vigée-Lebrun
De par sa maigre fortune confinant à la pauvreté, le couple ne peut tenir le train de vie de Cour à Versailles. Aussi, ils s’y rendent très peu. C’est le mariage du futur Louis XVI avec l’Archiduchesse Marie-Antoinette qui va ramener un temps les Polignac à la Cour. Yolande cousine avec l’épouse du Duc de Choiseul, instigateur de l’union franco-autrichienne. La Comtesse Jules est nommée par le Roi pour danser durant un des bals donnés à l’occasion des noces. Yolande s’y fait remarquer par sa grâce et sa fraîcheur. Le conte de fée se termine une fois les cérémonies finies. La jeune femme est ravie de retrouver le calme de Claye où elle mène une grossesse paisible. C’est à Paris, en janvier 1771, qu’elle accouche d’un garçon, Armand. Trois ans plus tard, Louis XV nomme, peu avant sa mort, la Comtesse Diane comme dame pour accompagner de la Comtesse d’Artois. Elle vit donc à Versailles une bonne partie de son temps et y fait venir son frère et sa belle-sœur, mais aussi le Comte de Vaudreuil, qui se lie d’amitié avec le frère de Louis XVI. Nous avons là les prémices de ce qui sera le « clan Polignac » des années 1780 et qui va s’agrandir petit à petit, notamment avec l’arrivée de la demi-sœur de la Comtesse, Henriette de Polastron devenue Comtesse de la Tour Landorthe.
Yolande est remarquée par sa beauté, sa gentillesse et ses qualités de cœur. Un jour de printemps 1775, Yolande joue avec un groupe d’amis dans les jardins de Versailles lorsque la Reine arrive. Elle remarque aussitôt la Comtesse Jules avec qui elle discute et s’étonne de peu la voir à la Cour. Yolande lui explique en toute franchise que les finances de son ménage ne le lui permettent pas. La jeune Marie-Antoinette, sevrée d’amour et d’amis sincères (excepté la Princesse de Lamballe, dont elle commence à se lasser), apprécie de plus en plus la Comtesse Jules dont elle découvre les qualités. La jeune Reine réclame souvent sa nouvelle amie et Yolande entre bientôt dans son cercle d’intimes, passant plusieurs heures par jour auprès de la souveraine. Les yeux des courtisans se tournent vers elle. Yolande apprécie ses liens avec la Reine, mais elle ne se jette pas dans cette relation à corps perdu. Sa vie tranquille de Claye lui convient très bien et ce soudain intérêt qu’on lui porte l’interpelle et l’inquiète. Elle est parfaitement consciente que l’amitié que lui porte Marie-Antoinette est à double tranchant. Toutefois, la Comtesse est sincèrement touchée de cette amitié et seul cet aspect de leur relation l’intéresse, ce que confirmeront à plusieurs reprises Mmes Campan et Vigée-Lebrun dans leurs Mémoires respectives. Il n’en faut pas plus pour que les courtisans évincés en prennent ombrage. Conviée à Trianon où seuls quelques intimes sont invités, elle se crée des ennemis, dont la Princesse de Lamballe, qui sent le vent tourner. Fidèle en amitié, elle ne conçoit pas de se séparer de ceux à qui elle est attachée. Le petit groupe formé par la Comtesse Diane, les Jules et Vaudreuil va progressivement s’agrandir. S’ajoutent la cousine de Yolande, Aglaé d’Andlau devenue Comtesse de Châlons, son frère Henri-Antoine et son épouse, le Baron de Besenval, le Compte d’Adhémar, le Duc de Coigny et le Prince de Ligne. Le Comte d’Artois se rallie également à la coterie. Marie-Antoinette espère garder son amie auprès d’elle le plus possible. Elle lui propose donc la place de dame du palais puis de dame d’atours dans sa Maison, mais Yolande refuse. Là encore, seule son amitié avec la souveraine l’intéresse, mais ses détracteurs la taxent déjà de faire ainsi un calcul politique visant à se rendre indispensable auprès de la Reine. A ces ennemis s’ajoute la Princesse de Lamballe, princesse malheureuse et sincère, mais terne et excessive dans ses sentiments. Elle a lassé la Reine mais s’impose dans sa vie, puisqu’elle est surintendante de sa Maison. Elle et Yolande ont toutefois l’intelligence de cohabiter, la Comtesse étant toujours d’un calme olympien.
La relation amicale entre la Reine et la Comtesse Jules fait jaser à la Cour et dans l’opinion publique. Des libelles commencent à circuler et attribuent aux deux femmes des relations homosexuelles. La mère de Marie-Antoinette l’exhorte, ainsi que l’ambassadeur Mercy-Argenteau, à s’en séparer. Et à la Cour, tous ceux qui ne font pas partie du cercle d’intimes, malgré l’ancienneté de leur noblesse et de leur attachement à la couronne, prennent la Reine et son amie en grippe. C’est à partir de 1775 que Yolande, peu intéressée pour elle-même et manipulée par Vaudreuil et Diane, va commencer à réclamer des avantages pour sa famille et ses amis. Ambassades, rentes, titres, charges, retours en grâce, ministères, les membres même éloignés des Polignac et Polastron, les amis des amis, vont bénéficier de son aide. Même certains courtisans, voyant sa faveur augmenter, la sollicitent pour intercéder en leur nom. Et lorsque la Comtesse Jules décide d’aider quelqu’un, elle harcèle la Reine jusqu’à ce qu’elle obtienne satisfaction. Non pas qu’elle y tienne spécialement, mais en coulisses, elle est à son tour harcelée par Vaudreuil ou Diane si elle échoue auprès de la souveraine ! Vaudreuil entre régulièrement dans des colères noires lorsque la Comtesse Jules n’obtient pas gain de cause. Si sa voix n’est pas assez forte, on s’adresse alors au Comte d’Artois pour plaider en faveur du demandeur. C’est aussi cette période qui coïncide avec les sorties effrénées de Marie-Antoinette dans Paris, loin du protocole. La réputation des deux amies n’en est que davantage écorchée.
La Reine n’obtenant toujours pas que Yolande accepte une charge à la Cour, elle obtient de Louis XVI qu’il nomme Jules comme Premier Ecuyer du Roi, à la place d’un membre du clan Noailles. Tollé général à la Cour et voici cette puissante et ancienne famille devenue ennemie des Polignac ! Mais pour la Reine peu importe, désormais les Jules ont un appartement à Versailles, au premier étage entre la Cour Royale et la Cour des Princes. Elle peut voir son amie à sa guise. Yolande tient salon chez elle, reçoit à dîner et on y joue gros jeu. Marie-Antoinette y perd des sommes folles, épongées par le Roi. Pour autant, la favorite reste une femme simple. Elle n’arbore aucun bijou, ne se maquille pas et ses robes sont modestes. Elle est la seule grande dame de Versailles à ne pas figurer dans le livre de comptes de la couturière officielle de la Cour. Malgré sa simplicité, sa proximité avec la Reine et les avantages qu’elle en tire pour ses proches lui valent toujours plus d’ennemis. Mercy véhicule la rumeur selon laquelle elle collectionne les amants, quand le seul (très) supposé est Vaudreuil. Il espère ainsi éloigner la Comtesse de sa royale amie, mais il échoue lamentablement et le clan Polignac continue de s’étendre. Marie-Antoinette confie tout à Yolande et continue cette douce vie en sa compagnie. Déjà mère, elle soutient et épaule la souveraine lorsqu’elle est enceinte pour la première fois. L’été 1778 est pénible, en journée on reste à Trianon, volets clos. Le soir, on se promène dans les jardins de Versailles où on organise de petits concerts privés. Là encore, ça jase, tout comme lorsque les souverains offrent aux Jules de doter prodigieusement leur fille Aglaé qui épouse le Duc de Guiche. On la surnommera désormais « Guichette ».
Aglaé de Polignac, Duchesse de Guise, dite "Guichette" ; fille de Yolande et Jules de Polignac
Jules de Polignac, fils cadet de Yolande et Jules de Polignac
Toujours manipulée, Yolande augmente ses demandes et obtient enfin le paiement de la dot ainsi qu’une rente juteuse pour Vaudreuil. On profite d’elle, elle le sait et cela l’exaspère, mais elle cède, comme le confirme Mme d’Adhémar : « Mon Dieu, me disait-elle, que j’eusse été heureuse si l’affection de la Reine avait pu se cacher sous un voile épais, si l’on eût ignoré mon ascendant sur elle ! Depuis que l’on connaît cette amitié si flatteuse pour moi, on ne me laisse plus respirer ; lorsque j’aimerais tant l’oisiveté et la paix ». Toutefois, elle obtient, par sa position, de beaux mariages pour sa sœur Adélaïde et son frère Adhémar, qui épouse la jeune Louise d’Esparbès de Lussan. Yolande lui obtient une place de dame du Palais de la Reine et y rejoint le clan en place. Ainsi rencontre-t-elle le Comte d’Artois dont elle deviendra, plus tard, la maîtresse ! En 1780, Jules est fait Duc par le Roi. La même année, la Duchesse accouche de son troisième enfant, un garçon nommé Jules, dont le parrain est un cousin de sa mère, Marie-Jean Hérault de Séchelles, futur Conventionnel. L’année suivante, elle donne naissance à Melchior, son dernier enfant. Elle précède ainsi son amie, qui accouche du Dauphin Louis-Joseph en octobre.
En 1782, la Princesse de Guéméné, Gouvernante des Enfants de France, est mêlée à un scandale financier. Elle est contrainte de démissionner et Marie-Antoinette offre son poste à Yolande, qui le refuse. Elle est épouvantée par cette charge et la masse de travail qu’elle impose. En outre, la Duchesse est plus préoccupée par sa fille Aglaé, sur le point d’accoucher de son premier enfant, que par l’idée d’accepter cette charge. Mais son clan y voit une source d’avantages considérables supplémentaires et la presse de changer d’avis, ce qu’elle finit par faire. Le 3 novembre, elle prête serment et prend officiellement ses fonctions. Au passage elle quitte son appartement du premier étage pour un au rez-de-chaussée, collé à celui du Dauphin et surplombant la terrasse de l’Orangerie.
Dès lors, la vie de la Duchesse Jules change. Une cloison en verre est créée entre sa chambre et celle du Dauphin, afin qu’elle puisse toujours le voir sans dormir avec lui. Secondée par une équipe de sous-gouvernantes, Yolande est responsable de la santé et de l’éducation des jeunes princes et veille sur eux comme s’ils étaient ses enfants. Madame Royale est une enfant difficile et la Duchesse lutte avec peine contre ses caprices. Louis-Joseph est un bébé, avec les réveils nocturnes que cela implique. En outre, Yolande a un devoir de représentation lié à sa fonction, puisqu’elle est présente lors des visites faites au Dauphin et à sa sœur. Elle reçoit d’ailleurs les visites avec ses propres enfants sur les genoux ! Du mardi au jeudi, ce sont les visites officielles, la Cour et les ambassadeurs se pressent chez l’héritier du trône. Du vendredi au lundi, ce sont les visites des intimes. Le rythme de vie de la Duchesse l’épuise. De constitution fragile, elle voit sa santé diminuer. Celle du Dauphin également, ce qui ne manque pas de l’alarmer. Elle se consacre presque entièrement à Louis-Joseph, qu’elle entoure de tendres soins. En 1785, Yolande accueille dans sa pouponnière le petit Louis-Charles, troisième enfant du couple royal.
La forte position de Yolande rend son clan tout puissant. De par sa place, elle est à même de continuer à aider ses amis, toujours avec des rentes, des places et même celle de Premier Ecuyer du Comte d’Artois pour l’oncle de son mari, lui permettant ainsi de gérer rien de moins que le château de Chambord transformé en haras ! Si Marie-Antoinette aime toujours sincèrement son amie, elle commence à ressentir le poids de son envahissant entourage et certains membres lui déplaisent particulièrement, notamment Vaudreuil que l’on a pourtant accusé d’être son amant. La souveraine prend sur elle de ne plus se rendre chez Yolande lorsque ces personnes y sont. De son côté, Louis XVI se fait les mêmes réflexions face au tollé de l’Affaire des Alluvions où est mêlé le Duc Jules. Il comprend enfin l’influence néfaste du clan Polignac sur lui et sa femme, mais trop tard. Les nuages commencent à s’amonceler au-dessus des deux femmes. Elles n’ignorent pas les libelles et pamphlets qui circulent sur leur compte et leur attribuent des relations des deux genres, avec à peu près tout le monde. La haine dirigée contre elles est palpable. C’est là qu’éclate l’Affaire du Collier. Jusqu’au jugement final en 1786, Yolande sera le plus fidèle soutien de la souveraine bafouée et conspuée. C’est dans cette ambiance terne que naît le dernier enfant de Marie-Antoinette, la petite Sophie-Béatrice, en 1786. La Duchesse voit également son état de santé se dégrader, tant et si bien qu’elle finit par écrire à Louis XVI afin qu’il lui permette, si cela devait empirer, qu’elle donne sa démission. Le Roi, qui aime beaucoup Mme de Polignac, lui répond par la négative mais l’autorise à partir deux mois de la Cour afin qu’elle se soigne et se repose. Les sous-gouvernantes veilleront sur la royale progéniture. Son retour de cure est interrompu par la nouvelle de la mort de Sophie-Béatrice à même pas un an. Quant à son séjour à Bath, en Angleterre, la rumeur circule déjà qu’elle s’y est rendue pour négocier avec la Comtesse de la Motte suite à l’Affaire du Collier. Au moindre accrochage entre la Reine et son amie, on parle d’une défaveur, ce qui est faux. Lorsque Calonne demande la Réunion des Notables face à la banqueroute menaçante et qu’il publie les comptes de la Cour, les chiffres exorbitants scandalisent l’opinion. Les regards se tournent vers Marie-Antoinette et les Polignac, de nouveaux pamphlets circulent. Bien que ces sommes soient importantes, elles sont infimes comparées à celles dépensées dans la guerre contre l’Angleterre, qui a ruiné les caisses d’un Etat qui tourne à crédit depuis des années. Il n’empêche que le nouveau Contrôleur Général des Finances, Loménie de Brienne, a décrété que les économies étaient nécessaires. Le couple royal réduit son train de vie et plusieurs fidèles, dont du clan Polignac, voient leur charge supprimée : Jules, Vaudreuil, et Coigny notamment. Si le Duc fait bonne figure car Yolande conserve sa place, les deux autres en revanche en veulent à Marie-Antoinette. La souveraine se rend encore moins chez son amie afin de préserver leur image publique, mais leur lien reste indéfectible.
C’est avec un pincement au cœur que Yolande remet le Dauphin malade, âgé de six ans, entre les mains de son précepteur, le Duc d’Harcourt. Opposé à la Duchesse, il va influencer son pupille afin de le retourner contre sa gouvernante, faisant ainsi une peine infinie à Yolande. Elle obtient toutefois que l’enfant puisse changer d’air, il est envoyé au château de Meudon où il continue de dépérir. Lorsque les Etats-Généraux de 1789 s’ouvrent par une procession, Yolande permet à Louis-Joseph d’assister à leur procession depuis le balcon de la Petite Ecurie, allongé sur un fauteuil, mourant. Son frère et sa sœur sont eu sur un balcon d’entresol d’une maison rue de la Paroisse, face à l’hôtel Beauregard, avec leur Gouvernante. Elle comme la Reine ont essuyé insultes et provocations. Un mois plus tard, la Duchesse Jules présente ses condoléances à Marie-Antoinette pour la mort du Dauphin.
Le 16 juillet 1789, deux jours après la prise de la Bastille, la tête de Yolande est mise à prix. Marie-Antoinette et Louis XVI supplient les Jules de quitter la Cour. La Duchesse refuse de quitter son amie mais la souveraine l’implore de partir : en cas d’insurrection populaire, elle serait massacrée. Le Duc et la Reine lui rappellent qu’elle a des enfants et qu’elle doit rester en vie pour eux. Elle finit par céder et tandis que le Comte d’Artois émigre vers la Belgique avec Vaudreuil, les Jules, Diane, Guichette et son bébé d’une semaine fuient vers la Suisse. Armand voyage de son côté, tandis que Melchior et Jules, âgés de neuf ans, partent du leur. Yolande tremble d’être reconnue et redoute pour la vie de ses fils. A chaque étape, la voiture est fouillée. De bonnes âmes les reconnaissent mais les laissent partir. Une fois à Bâle, les Polignac respirent. Ils restent sur place durant dix jours au terme desquels Melchior, Jules puis Vaudreuil les rejoignent. Celui-ci jure de ne plus se séparer de Yolande, dont la santé est chancelante. Les quelques lettres qu’elle reçoit de la Reine lui font autant de peine qu’elles lui apportent de joie. Elle se reproche d’être partie et ressent la honte d’avoir abandonné son amie. Elle le ressentira jusqu’à sa mort.
Au bout de deux mois passés en Suisse, l’équipée se rend en Italie, à Turin. Mais le roi de Sardaigne, beau-père du Comte d’Artois, ne souffre pas la présence de Yolande dans sa capitale. Jules opte alors pour Rome, espérant que la ville plaira à son épouse et que le climat l’aidera à aller mieux. Le voyage est pénible et la Duchesse dépérit. A cela s’ajoutent les événements qui se passent en France et dont l’écho parvient au-delà des Alpes. La Duchesse est horrifiée en apprenant le sort subi par la Princesse de Lamballe. Mais si la première amie de la Reine était libre de ses mouvements, il n’en est pas de même pour Yolande, mariée et soumise à l’autorité de son époux. En outre, mère de famille, il lui est impensable de quitter ses enfants. Vaudreuil essaye de distraire son amie de cœur alors que lui-même est malade. Son seul bonheur est d’enfin marier son fils Armand avec Idalie de Nyvenheim, qui s’acclimate très bien au clan Polignac. Devenus indésirables à Rome, les Jules partent pour Venise. Bien que le climat ne convienne pas à la Duchesse, elle aime cette ville où elle vit une période relativement heureuse. A la fin de 1791, tout le monde s’installe à Vienne. Yolande n’en est pas ravie, d’autant que le climat est froid et humide. Artois et Vaudreuil organisent maladroitement une contre-révolution et sont en lien avec l’Empereur, frère de la Reine. Quand eux et les Jules comprennent qu’il ne fera rien pour aider sa sœur, puis que son fils l’imitera, ils sont effondrés. La Duchesse sombre dans le chagrin. La mort de Louis XVI en janvier 1793 l’afflige. Elle est outrée quand on sépare le Dauphin de sa mère. Le coup fatal est l’exécution de Marie-Antoinette en octobre. Yolande s’éteint à son tour dans la nuit du 4 au 5 décembre 1793, cinquante jours après la mort de son amie. Elle part sans douleur ni bruit, veillée par Vaudreuil et Diane. Yolande est inhumée à Vienne. Sur sa tombe est gravée cette phrase : « morte de douleur ». Sa tombe est difficile à localiser et aujourd’hui introuvable, sans doute détruite.