Incorruptible
Maximilien Marie Isidore de Robespierre naît à Arras le 6 mai 1758. Issu d’une famille de la bourgeoisie d’Arras, né hors mariage, il est le fils de François de Robespierre, avocat au Conseil d’Artois, et de Jacqueline Marguerite Carraut. Son parrain est son grand-père paternel, sa marraine est sa grand-mère maternelle. Il aura par la suite deux sœurs et un frère : Charlotte, Henriette et Augustin. A l’âge de 6 ans, en 1764, il perd sa mère qui meurt à la suite de couches. Son père se remet mal de ce décès et se met à voyager dans toute l’Europe, empruntant de l’argent à ses sœurs. Il meurt en 1777 à Munich, Maximilien est alors confié avec son frère à son grand-père Carraut, ses sœurs elles sont élevées par leurs tantes paternelles. L’image de son père va rapidement se flétrir dans son esprit, car Jacques Carraut ne porte pas dans son cœur cet homme instable qui a déshonoré sa fille en lui faisant un enfant hors mariage, et qui l’a par la suite tuée à force de lui imposer des grossesses à répétition. Il grandit donc en haïssant son père et en vivant dans le souvenir douloureux de sa mère.
Par opposition au comportement désordonné de son géniteur, Maximilien va au contraire être posé, calme, il va chercher à rentrer dans les rangs de la société, et se place vis-à-vis de ses frère et sœurs en remplaçant de leur père. En 1765, son grand-père l’inscrit dans une école d’Arras, tenue par des religieux. Bon élève, sage et appliqué, il est isolé et ne se mélange pas à ses camarades, préférant des jeux solitaires comme un élevage de pigeons et de moineaux. Chaque dimanche, les quatre orphelins se retrouvent chez Jacques Carraut pour une journée « en famille ». Maximilien est très proche de ses sœurs et de son frère, il les surprotège mais aussi les dirige, comme un père de famille. Ces dimanches de retrouvailles vont rapidement cesser.
En 1769, grâce à une bourse, Maximilien quitte Arras pour étudier au collège Louis-le-Grand à Paris, tandis que ses sœurs sont admises dans une institution de Tournai pour les jeunes filles pauvres. Il se tourne vers les études pour oublier sa solitude, qui se trouve renforcée, plus tard, lorsque sa plus jeune sœur, Henriette, décède en 1780. Au collège, son seul ami est Camille Desmoulins, mais il reste très orienté vers son apprentissage et ne se mêle pas aux autres. En revanche, il reçoit de nombreux compliments de la part de ses professeurs et reporte sur certains d’entre eux l’admiration qu’il aurait dû porter à son père. En outre, il se forge une admiration sans bornes pour Jean-Jacques Rousseau auquel il s’identifie quelque peu, et le rencontre en quelques rares occasions. Élève brillant, il devient bachelier en droit en 1780, puis licencié en 1781. Il quitte le collège, est inscrit au barreau de Paris en tant qu’avocat et transforme sa gratification de 600 livres en bourse pour son frère qui vient étudier à son tour à Louis-le-Grand.
Son diplôme en poche, Maximilien choisit de ne pas rester à Paris, où il ne connaît personne, et retourne à Arras où il a de la famille sur laquelle il peut compter. Mais de retour chez lui, la situation a changé. Ses grands-parents sont morts, ses tantes paternelles se sont mariées et des querelles liées à l’héritage de son père les divisent. Il s’installe avec sa sœur, Charlotte, et entre au barreau d’Arras où il connaît ses premières affaires. Rien de brillant, mais il se fait un nom et ses confrères reconnaissent son talent pour les plaidoiries. En mars 1782, il devient « homme de fief gradué du siège de la salle épiscopale d’Arras », autrement dit un juge. Un grand honneur attribué seulement aux avocats ayant au moins 10 ans d’expérience, et une fonction qui lui rapporte une rente importante. Malgré tout, il peine à s’intégrer dans la société malgré ses efforts, il reste plongé dans le travail et recherche par-dessus tout à être connu et reconnu, à ce que l’on parle de lui.
En 1786, à 28 ans, il est élu directeur de l’Académie d’Arras, sa position sociale s’affirme. La même année, il plaide dans une affaire où il attaque un membre de l’Église et publie un mémoire virulent. Aussitôt, cette audace lui est reprochée, il n’a plus le même succès qu’auparavant, on lui confie moins d’affaires, n'est plus reçu et perd des appuis. Deux ans plus tard, bien que vivement décrié, il est élu député du Tiers-État pour les États-Généraux qui s’ouvriront en 1789. Pour Robespierre, c’est une victoire. Il quitte donc Arras pour Versailles où il s’installe avec d’autres députés, il tente de se faire connaître, rencontre Necker et Mirabeau ; il fréquente quelques cafés et le Club Breton.
Le 20 juin 1789, il fait partie des députés qui prêtent le serment du jeu de paume et le 9 juillet, il suit Mirabeau chez Louis XVI pour lui présenter la demande de retirer les troupes étrangères de la capitale. Lors de la prise de la Bastille, quand Paris se soulève, Robespierre est à Versailles. Homme de loi et de calme, il préfère les discours des États-Généraux à la violence de la capitale. Plusieurs fois, il se fait remarquer à la Tribune, mais il n’est pas encore un grand nom de la Révolution et on ne l’écoute pas, pire, les voix redoublent lorsqu’il parle. Humilié, il regagne sa place, et plus tard vote contre le droit de véto accordé au Roi. A l’occasion de son installation dans la capitale, à l’instar de l’Assemblée Constituante, il renoue avec Camille Desmoulins, de deux ans son cadet, Lucile Laridon-Duplessis, sa fiancée, et Georges-Jacques Danton, avocat et président du district des Cordeliers.
Robespierre prend le parti du peuple et adresse des discours dignes de plaire aux habitants du Faubourg Saint-Antoine. Même s’il se fait connaître, beaucoup le décrient, aussi bien à Paris qu’à Arras, mais il ne s’arrête pas pour autant. Début 1790, le Club Breton émigre à Paris, dans l’ancien couvent des Jacobins, et devient le Club des Jacobins. Si à l’Assemblée on commence à l’écouter, au Club il est déjà très apprécié et fait très régulièrement des discours qu’il prépare avec minutie. Rapidement, il trouve sa place aux Jacobins, au point que fin 1790, fortement opposé à Mirabeau, il fait déjà partie des personnalités à retenir. Très vite, de par sa droiture, son intransigeance et sa vie très rangée, on le surnomme « l’Incorruptible ». Témoin au mariage de Desmoulins (et parrain de son fils Horace), Robespierre va même jusqu’à lui reprocher d’accorder plus de temps à sa jeune épouse qu’au journal qu’il tient et dans lequel il est mis en avant ! Il devient apprécié et recherché, on l’invite, on lui parle, on l’approche. En parallèle, on le trouve parfois trop orgueilleux, trop droit dans ses décisions, souvent ennuyeux dans ses discours. On l’applaudit pour sa demande de loi sur le marc d’argent (seuls ceux qui le payent peuvent voter), en même temps on le calomnie.
Après la mort de Mirabeau et la disgrâce de La Fayette, ses nouvelles cibles sont Barnave, Duport et les frères Lameth, qu’il juge eux aussi corrompus et dépassés. Ses discours sont souvent salués, des témoignages d’estime viennent même de province. Il se prononce contre Barnave pour l’égalité des droits entre les colons et les esclaves Noirs, demande la non-réélection des députés à la Constituante et est même soutenu par la « droite » pour éliminer Barnave, Duport et les frères Lameth. Outre ses fonctions d’avocat, de député et de membre actif des Jacobins, il devient également membre du Comité de Correspondance de la Société et accusateur public (juge) à Versailles. Devant tant de charges et de responsabilités, il se fragilise et tombe malade en juin 1791.
Peu après sa guérison, on apprend la fuite de Louis XVI à Varennes. Robespierre ne croit pas en la théorie de l’enlèvement et se dresse contre ceux qui la soutiennent, ne réclamant aucune mesure de clémence pour le Roi lors des différentes audiences de l’Assemblée ou aux Jacobins. Peu après le retour de la famille royale à Paris, Jacobins et Cordeliers rédigent une pétition contre le rétablissement du Roi dans ses pouvoirs, Robespierre redoute un bain de sang et ne s’en mêle pas. Peu à peu une scission se crée aux Jacobins, les plus « modérés », ceux qui refusent la pétition, quittent le club pour fonder celui des Feuillants : Robespierre a donc le champ libre. Il finit par se rallier aux pétitionnaires qui vont au Champ-de-Mars le 17 juillet, mais la cérémonie dérape et se termine en bain de sang, auquel il n’assiste pas, car il reste rue Saint-Honoré, aux Jacobins. Il y rencontre Maurice Duplay, un menuisier qui lui propose de s’installer dans sa demeure, ce qu’il fait en août, retrouvant ainsi l’ambiance d’une famille qu’il n’a jamais connue enfant. Peu après la fusillade du Champ-de-Mars, Robespierre remonte à la Tribune, affronte ses ennemis qui s’écroulent politiquement et reprend ses discours. Il est acclamé.
Fin 1791, il n’est plus député à l’Assemblée Législative (puisque les élus ne peuvent l’être qu'une seule fois), mais il est nommé président du Club des Jacobins et voit son importance augmentée. Au moment où se pose la question de la guerre contre les puissances européennes, Robespierre s’oppose farouchement aux Girondins menés par Brissot, qui sont en faveur du conflit, et se rapproche de Marat qui partage ses vues. Maximilien se met en avant lors de ses nombreux discours qu’il personnalise, montrant ainsi sa volonté de se dévouer corps et âme à la Révolution. Sa virulente opposition à la guerre vaut à Robespierre de nombreuses attaques, aussi bien dans la rue qu’à la Convention. Il démissionne de son poste d’accusateur public. Ces désaccords entre députés sont le point de départ de la bataille sanglante qui opposera plus tard les Montagnards et les Girondins. Seul le club des Jacobins lui reste fidèle, toutefois il est flagrant que Robespierre se met en avant, au détriment du sentiment patriotique. Il glisse petit à petit vers ce personnage de l’Incorruptible, celui de la Terreur, le juge impartial qui veut épurer la Nation pour la faire à son image : vertueuse.
Le 17 mai 1792 il crée un journal, le Défenseur de la Constitution, pour répondre à ces accusations et se justifier. Durant l'attaque des Tuileries le 20 juin et la prise des Tuileries le 10 août, il reste chez les Duplay et ne fait pas parler de lui. Quelques jours plus tard, il est nommé représentant de la section des Piques à la Commune insurrectionnelle, celle-là même qui a fait chuter la royauté. Le 17 août, la Législative crée un « tribunal criminel extraordinaire », Robespierre y est élu en tant que juge mais il renonce à ce poste, arguant que ça va à l’encontre de sa place à la Commune. Il est décrié suite à cette décision, la majorité Girondine de l’Assemblée, menée par Brissot, se dresse contre lui, l’accusant de vouloir instaurer une dictature. Robespierre leur répond en les accusant très nettement de corruption et d’avoir vendu la France à Brunswick. En septembre il dénonce les massacres dans les prisons. Par la suite, il se fait plus discret.
La Législative laisse sa place à la Convention où Robespierre est élu et rallie le parti des Montagnards, à la gauche de l’Assemblée, qui s’opposent aux Girondins, pourtant majoritaires. Maintes fois, Robespierre est interrompu dans ses discours, tandis que Danton et Marat, pourtant critiqués et dénoncés par les Girondins, sont écoutés et applaudis. Robespierre vit mal ce qu’il considère comme des outrages et se recentre davantage sur lui-même. Petit à petit la maladie s’installe, il est fatigué et reste cloîtré chez les Duplay. A la fin de l’année 1792, sa sœur Charlotte et son frère Augustin viennent le rejoindre à Paris et Maximilien s’installe avec eux.
Augustin de Robespierre
Charlotte de Robespierre
Mais il regrette les Duplay et a du mal à supporter sa sœur, en conflit permanent avec Mme Duplay. Finalement, Robespierre fait son choix et retourne vivre avec sa famille de substitution. A cette époque, on parle d’une romance entre Robespierre et Élisabeth, la fille aînée des Duplay. Mais elle finit par épouser un ami de l’Incorruptible, Le Bas. Ensuite, on attribue une relation amoureuse entre Éléonore, la cadette d’Élisabeth, et Robespierre. Celle-ci finira d’ailleurs sa vie seule et célibataire, gardant un silence farouche sur l’ancien locataire de ses parents. De son côté, selon les dires de Charlotte, Maximilien parle à Augustin d’épouser Éléonore, ce que celui-ci refuse. Robespierre fait figure de fils aîné pour les Duplay et de frère pour leurs filles et leur fils. Il est donc plus probable qu’il n’ait jamais eu de vues sur Élisabeth et Éléonore, tout ceci ne restant que des suppositions.
Toujours victime d’attaques à la Convention, Robespierre va se défendre en publiant Lettres à mes Commettants, fin octobre. Un mois plus tard, il est visé en pleine Convention par un député, Louvet, qui se dresse face à lui. Quelques jours après, il répond par un discours préparé chez les Duplay et dans lequel il se défend et se justifie. Il remporte un succès et une partie de la Convention délaisse les Girondins pour se diriger, petit à petit, vers les Montagnards. Le soir-même, aux Jacobins, il est acclamé. Durant les trois semaines qui suivent, il reste chez les Duplay, malade, et ne paraît ni à la Convention, ni aux Jacobins. Il préfère se tenir éloigné et ne célèbre pas la dernière victoire française à Jemmapes qui donne raison aux Girondins favorables à la guerre. A son retour à la Convention, il est de nouveau décrié par une partie des députés, tandis qu’une crise sociale se prépare et que l’on s’apprête à ouvrir le procès de Louis XVI.
Saint-Just
La question du sort du Roi se pose. Lorsqu’un jeune député de 26 ans, inconnu, fait son premier discours à la Convention, Robespierre l’écoute. Ce député, c’est Louis-Antoine Saint-Just, qui réclame sans procès la mort du Roi, « pour que la Nation vive ». Robespierre le suit et prononce moult discours dans le même sens, invoquant le jugement déjà rendu par le peuple le 10 août.
Il s’oppose ainsi, une nouvelle fois, aux Girondins qui sont plus modérés, et à Danton. Tous veulent sauver Louis XVI, évitant au passage un durcissement des conflits avec les puissances extérieures. Mais les preuves retrouvées dans l’armoire de fer pèsent contre le Roi. Robespierre s’oppose également à la volonté des Girondins d’organiser un vote populaire concernant le sort à réserver à Louis XVI. On refuse cependant de l’exécuter sans procès, qui s’ouvre en décembre. Robespierre se prononce, comme 383 autres députés, pour la mort : « Je suis inflexible pour les oppresseurs parce que je suis compatissant pour les opprimés ; je ne connais pas l’humanité qui égorge les peuples et qui pardonne aux despotes ; je vote pour la mort ».
Après l’exécution du Roi, Robespierre tente de créer une unanimité au sein de la Convention autour de ceux qui ont voté la mort sans sursis, une union contre ceux qu’il désigne comme les ennemis de la Nation. La crise sociale augmente, la situation extérieure est mauvaise (Dumouriez enchaîne les défaites et va passer à l'ennemi), celle de l'intérieure n'est pas meilleure, avec la Vendée qui se soulève. Robespierre monte à la tribune et multiplie les discours, s’associant parfois à quelques Girondins, il appelle à l’épuration de la Nation pour en ôter tous les « scélérats » et lance en mars l’idée du procès de Marie-Antoinette. Début avril, il prend le parti de Danton face aux Girondins qui l’accusent d’être acquis à Dumouriez et les vise à son tour. Il refuse également de faire partie du Comité de Salut Public qui vient de se créer et où siège Danton. De la mi-mai à la fin du mois, il reste silencieux et n’a pratiquement aucune activité. Et lorsque les Girondins sont abattus début juin, il ne réagit pas et laisse faire. Mais, maintenant ses principaux opposants tombés, il se trouve face aux Enragés qui l’accusent – notamment Jacques Roux – d’être un mauvais patriote, un nouvel ennemi qu’il a du mal à affronter.
Le 27 juillet, il est élu au Comité de Salut Public, contrairement à Danton qui commence à s’éloigner de la politique. Le rejoignent au Comité Carnot, Prieur de la Côte d’Or, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Barère, Robert Lindet, Jean-Bon Saint-André, Hérault de Séchelles, Prieur de la Marne et ses amis Aristide Couthon et Saint-Just ; donc des personnalités aux opinions politiques différentes et qui n’auront de cesse de s’opposer. Robespierre va alors partager tout son temps entre le Comité où il s’implique beaucoup, la Convention et les Jacobins, ne conservant que peu de temps de libre.
La loi des suspects est votée en septembre et Maximilien obtient les têtes des chefs Girondins, de Marie-Antoinette et de Philippe-Égalité. Il s’oppose à la déchristianisation de la France, soutenu par Danton, et met en avant le culte de l’Être Suprême. Il se rapproche même un temps de Danton, car la volonté du président des Cordeliers de freiner la Terreur est une barrière contre les Enragés, ceux que Robespierre affronte. Il n’hésite donc pas à le défendre à la Convention à plusieurs reprises, par pure manœuvre politique. Il va toutefois rapidement s’en éloigner, ainsi que de son ami de jeunesse, Camille Desmoulins, car ils se rapprochent des Indulgents que Maximilien combat. En effet, début décembre, Danton et Desmoulins lancent un nouveau journal, le Vieux Cordelier, où ils appellent à la fin de la Terreur, à la clémence de Robespierre, ils y dénoncent les abus du tribunal révolutionnaire dont le rythme ne cesse d’augmenter. Au bout de cinq numéros, le journal est stoppé et interdit par le Comité de Salut Public. Robespierre tente tout d’abord de faire passer son ami pour un homme-enfant qui ne sait pas ce qu’il dit, mais dès le numéro 4 du journal, il renie publiquement Desmoulins et appelle à ce que le journal soit brûlé au sein-même de la Convention.
De février à mars 1794, Robespierre reste sans activité. On le dit malade et fatigué, usé par la Révolution et sans doute dépressif. A la Convention, il est attaqué par Hébert, traité d’ambitieux avide de pouvoir, d’ennemi de la Nation et d’endormeur. Il répond aux attaques et à la fin de mars, Hébert est arrêté avec d’autres grandes figures des Cordeliers. Fin mars, c'est au tour de Danton et Desmoulins d'être arrêtés. Robespierre s’affiche plus souvent à la Convention et aux Jacobins où il discoure à plusieurs reprises. Alors qu’il avait défendu Danton quelques mois plus tôt, là Robespierre fournit à Saint-Just tout un dossier d’accusation contre lui. Il refuse également de recevoir Lucile, la femme de Desmoulins, venue demander la grâce pour son mari et elle est arrêtée à son tour.
Peu à peu Robespierre s’isole. Il veut une unification du pouvoir, à son image, à celle de la Vertu, mais on commence à se dresser contre lui, à ne plus le suivre. Il suscite la haine et subit deux tentatives d’assassinat, dont une par Cécile Renault, fille d’un papetier qu’on assimile aussitôt à une nouvelle Charlotte Corday. S’en suit une nouvelle période de vide où il reste enfermé et malade, avant la fête de l’Être Suprême organisée le 8 juin. En tant que Président de la Convention (élu le 4 juin), il ouvre le cortège, suivi des autres députés. La foule est présente, quelques chants s’élèvent, mais dans l’ensemble ce n’est pas la liesse générale. Robespierre met le feu à des mannequins symbolisant l’Athéisme, l’Ambition, l’Égoïsme et la fausse Simplicité déposés au pied de la statue de la Sagesse dressée sur le Champ-de-Mars. Quelques rires et murmures s’élèvent, les députés, lassés, quittent la place. Robespierre ne voit rien, c’est son triomphe.
Ses discours sont moins bien accueillis à la Convention. On lui reproche de continuer à durcir la Terreur au nom de la Vertu alors que la situation s’améliore : les victoires militaires s’enchainent à l’extérieur, et à l’intérieur la révolte Vendéenne est matée. Fin juin, à la Convention, il s’oppose violemment à Carnot qui le traite de dictateur. Robespierre claque alors la porte de la Convention : « vous sauverez la patrie sans moi ! », suivi par Saint-Just. Il reste silencieux jusqu’au 23 juillet, enfermé chez les Duplay à qui il confie « vous ne me verrez plus longtemps ».
Finalement, le 27 juillet (8 Thermidor), il prononce un ultime discours à la Convention, c'est un échec. Il se rend alors aux Jacobins où il récite le même texte : on l’acclame. Puis il rentre chez les Duplay. Le lendemain, à la Convention, on l’empêche de s’exprimer. Le soir du 28 juillet, lui, son frère, Saint-Just, Couthon et Le Bas sont décrétés d’arrestation. On les emmène au Luxembourg mais personne ne veut accueillir Robespierre qui va alors, sous les vivats, à la Mairie située quai des Orfèvres. Il est libre. Vers 22 heures il va à l’Hôtel de Ville, tous ses partisans sont mis hors-la-loi. Son frère Augustin tente de se suicider en se jetant par la fenêtre. Couthon essaye de se défendre, on le retrouve blessé en bas d’un escalier. Le Bas se tire une balle dans la tête. Saint-Just ne fait rien. Robespierre tente lui aussi une balle de pistolet dans le crâne mais se manque et s’explose la mâchoire (une autre version affirme qu’on lui a tiré dessus, et non qu’il a tenté de se suicider). Robespierre et ses partisans sont emmenés au Comité de Salut Public, on l’allonge sur une table.
Le lendemain, on lui enlève le sang séché, on lui arrache quelques dents et on pose un bandage sommaire pour maintenir sa mâchoire en place. Ensuite on le conduit à la Conciergerie. Sans procès – on veut faire chuter le tyran – il est condamné à mort comme ses partisans et exécuté le 29 juillet (10 Thermidor). Son corps est emmené au Cimetière des Errancis et recouvert de chaux vive afin que personne ne puisse le retrouver.