Etre "fils de"
Franz Xaver Wolfgang Mozart naît le 26 juillet 1791 à Vienne. Dernier enfant du couple Mozart, il est le deuxième à survivre à la petite enfance. Longtemps accusée d’avoir trompé Mozart avec son élève, Franz Xaver Süssmayr, Constanze est pourtant innocentée par la naissance de son dernier fils qui porte la même malformation à l’oreille que son père : sa conque est plate. Cette malformation est d’ailleurs appelée « oreille de Mozart ».
Franz Xaver grandit avec ses parents et son frère durant quelques mois mais ne connaît que peu son père qui meurt le 5 décembre 1791. Là, il est confié à sa grand-mère Caëcilia avec son frère aîné.
Peu de temps après, Constanze récupère ses fils chez elle mais rapidement Karl part à Prague et Franz Xaver reste avec sa mère qui l’élève. Une anecdote musicale d’enfance fit de ce petit garçon, dans l’esprit de Constanze, le digne successeur de son père. En effet, un jour que Mozart était en train de jouer un morceau de musique, son fils se mit alors à pleurer exactement dans le même ton que ce que jouait son père. Mozart s’est alors écrié : « celui-là est bien un Mozart ! », dès lors, Constanze voit en lui le successeur de son mari. Rapidement, elle débaptise Franz Xaver pour le renommer Wolfgang Mozart II mais celui-ci n’apprécie pas du tout la chose et finalement, ils adopteront le surnom de « Wowi ». Peu de temps après, Constanze part en tournée avec sa sœur Aloysia pour interpréter les morceaux de Mozart, afin de gagner de l’argent pour élever son fils qu’elle emmène. Toujours en « digne fils Mozart » elle l’habille en Papageno, et lui fait chanter des morceaux de la Flûte Enchantée. Si au départ Constanze n’exploite pas beaucoup le talent de son fils sur les conseils de son ami Franz Xaver Niemetschek, elle poursuit malgré tout son éducation afin qu’il succède à son père.
Grâce à l’argent gagné par les concerts de sa mère, Wowi voit ses conditions de vie s’améliorer. En outre, le jeune garçon peut compter sur l’affection de Georg von Nissen, le prétendant de sa mère qui vit avec eux à Vienne. L’entente entre Wowi et Georg est très bonne et il va même jusqu’à l’appeler « Papa » ce qui ne plaît pas à Constanze. En parallèle, elle continue de le produire sur scène où il connaît un certain succès, mais ne parvient pas pour autant à dépasser l’image de son père. Afin de parfaire son éducation musicale, Constanze le confie à Joseph Haydn, mais Wowi n’est pas un virtuose comme son père malgré son talent et n’aime pas composer. Ce qui ne l’empêche cependant pas de publier quelques œuvres qui n’égalent pas celles de Mozart.
En 1805, Wowi a treize ans et donne son premier concert en l’honneur de l’anniversaire de Joseph Haydn. Le jeune garçon connaît un certain succès et devient alors l’élève d’Antonio Salieri, l’ancien rival repenti de son mari. Celui-ci lui transmet tout ce qu’il sait et lui délivre son diplôme. En outre, il suit également les leçons de Johann Nepomuk Hummel et de Johann Georg Albrechtsberger. Malgré ces enseignements de qualité, il semble qu’un mélange de fainéantise et de la permanente comparaison avec son père aient réduit son envie de prendre la relève familiale. En 1808, Wowi quitte Vienne et sa mère pour se rendre en Galicie, non loin de Lemberg. Il devient alors le professeur de musique de deux sœurs d’une famille artistocratique. Cinq ans plus tard, son contrat se termine et il s’installe à Lemberg pour y devenir pédagogue et compositeur, mais ses œuvres restent en nombre limité et la majorité est aujourd’hui perdue.
Le 27 juillet 1819, le lendemain de son anniversaire, Wowi retrouve sa mère qui vit désormais à Copenhague avec von Nissen qu’elle a épousé. Bouleversé par ces retrouvailles après tant d’années sans la voir, il écrit dans son journal intime : « Ai revu ma mère. Incapable d’écrire davantage. »
En 1820, Wowi fait une tournée musicale en Europe avec les partitions de son père. Parmi ses dates se trouve Milan, où il retrouve son frère. Karl notera dans le journal de Franz : « L’émotion que j’ai ressentie à son arrivée et celle que j’éprouve en le voyant partir son inexprimables. Que le ciel nous épargne une nouvelle séparation de vingt ans ». Mais les concerts ne sont pas tous des succès. A Kiev il connaît un véritable échec. La ville est en deuil et les salles sont vides. A Lublin il ne remplit pas la salle, mais à Varsovie on l’applaudit des deux mains. Il passe également par Salzbourg où il fait la connaissance de sa tante Nannerl, la sœur de son père. Elle écrit dans le journal de son neveu : « Dans ma 70e année, j’ai encore eu l’indescriptible bonheur de voir pour la première fois le fils de mon inoubliable frère, et de l’entendre jouer tout à fait dans le goût de son père. Quel doux souvenir ce fut pour sa tante, Maria Anna Baronne von Berchtold zu Sonnenbourg, née Mozart. Salzbourg, 24 mai 1820 ». Sa tournée aléatoire s’achève deux ans plus tard lorsque Wowi retourne à Lemberg où il retrouve Joséphine Baroni-Cavalcabo, une Comtesse mariée avec qui il entretient un commerce amoureux, et dont la fille est son élève. Il reste vivre avec elle dans la maison familiale jusqu’à ce que l’époux de Joséphine lui dise d’aller vivre ailleurs, ayant compris qu’il était trompé. Après sa mort, Joséphine ne se remariera pourtant pas avec Wowi.
En 1826 Wowi perd son beau-père qui lui avait servi de père pendant son enfance. Peiné par ce décès, il se rapproche un peu de sa mère à cette occasion. Il restera d’ailleurs quelques temps avec elle à Salzbourg avant de repartir à Lemberg. Le jeune homme continue de donner des concerts et d’écrire. Il vit toujours auprès de Joséphine et de sa fille Julie, et se défait peu à peu de l’empreinte de sa mère qui lui a imposé la figure de son père. Il devient enfin lui-même, Franz Xaver Mozart. Après 1838, il retourne vivre à Vienne où il est professeur de musique. Plus tard, il est nommé Kapellmeister du Mozarteum de Salzbourg que sa mère a fait ouvrir à la mémoire de Mozart. En septembre 1842, Wowi et son frère Karl inaugurent la place Mozart – anciennement place Saint-Michel – où vivaient leur mère et leur tante Sophie. C’est également là que se situe le Mozarteum. Cependant Constanze meurt le 6 mars, peu de jours avant cette inauguration, et les deux frères enterrent leur mère. Peu après Karl repart en Italie. Wowi ne reverra plus son frère. A l’occasion de l’inauguration de la place Mozart et d’une statue de son père, Wowi joue une musique de sa composition, aujourd’hui perdue.
En juillet 1844, Wowi par en cure à Karlsbad. Pris d’une forte fièvre, il s’alite. En une nuit il devient totalement aveugle, sa langue devient noire, il est pris de nausées et sa peau se couvre de marbrures bleutées. Son cœur ralentit et cesse de battre le 29 juillet 1844, deux ans après sa mère, à Karlsbad, probablement du choléra. Il a cinquante-trois ans et n’a pas eu une vie particulièrement heureuse, toujours à devoir être le doublon de son père. Wowi est inhumé au cimetière Saint-André de Karlsbad le 4 août 1844 (ce qui est assez tardif s’il est bien mort du choléra !). Il meurt sans s’être marié – il est resté fidèle à Joséphine – et sans descendance.