Madame la Duchesse
Le 1er juin 1673, à Tournai, Mme de Montespan, favorite de Louis XIV en plein zénith, accouche de son quatrième bâtard royal, une petite fille. Le Roi est alors en plein siège de Maastricht. L’enfant est aussitôt emmenée par sa gouvernante, Françoise Scarron, qui surveille depuis bientôt quatre ans ses aînés. Dans le même temps à Paris, Diane de Thianges, Duchesse de Nevers et nièce de l’accouchée, lit dans une boule de cristal la naissance de cette enfant devant des invités épris de sciences occultes. Trois semaines plus tard, le conflit est fini et la Cour regagne lentement mais sûrement le chemin de Paris. Pendant ce temps, un carrosse dénué d’armoiries ramène Françoise d'Aubigné, veuve du poète Scarron, à Paris avec le bébé. Il faudra six mois à la Cour pour regagner la capitale. La petite passe sa première année rue de Vaugirard, dans la maison louée par sa mère à sa gouvernante, à l’abri des regards et du Marquis de Montespan, légalement père des bâtards.
Le 18 décembre 1673, la petite est enfin baptisée à l’église Saint-Sulpice. Son parrain est son aîné, Louis-Auguste, et sa marraine Louise de La Vallière, favorite de Louis XIV en pleine défaveur. Elle reçoit les prénoms de Louise-Françoise, comme sa marraine. Bâtarde et issue d’un double adultère, elle ne reste cependant pas dans l’ombre longtemps et deux jours après son baptême, Louis XIV signe les patentes accordant à ses enfants issus de Mme de Montespan des titres. Louise-Françoise devient officiellement Mademoiselle de Nantes.
En 1674, Louise-Françoise, ses frères et sa gouvernante iront vivre à la Cour, car ils sont désormais légitimés, enfants de Roi et de mère inconnue, et Louis XIV ne saurait se passer de ses enfants. Ils sont alors exposés aux soirées tardives, au vin de Champagne, aux plats gras et sucrés, ce qui provoque des disputes entre Mme de Montespan et Mme Scarron. Contrairement aux idées reçues, Mme de Montespan aimait ses enfants, qui, en dehors du Duc du Maine tout dévoué à sa gouvernante, le lui rendaient bien. Cependant, ils furent surtout, de par leur beauté et malgré des défauts physiques, exposés à la Cour et admirés. Louis XIV aimait également cette enfant et la surnommait « ma Tonton » ou « ma Poupotte ».
Dès 1680 et l’affaire des poisons, la faveur de Mme de Montespan commence à faiblir et augmente celle de la veuve Scarron, devenue Mme de Maintenon. L’éducation qu’elle donne à Louise-Françoise et à ses frères et sœurs est stricte, mais totalement incomplète. Aucune des matières qui font partie des apprentissages des légitimes ne lui sont inculquées. Seuls le devoir de paraître et le rang à tenir à la Cour lui sont enseignés. En outre, malgré l’amour sincère que lui portent ses parents, Louise-Françoise ne les voit pas intervenir dans son éducation. Elle reçoit cependant en héritage maternel le fameux esprit des Mortemart qui a fait la réputation de Mme de Montespan. Louise-Françoise en usera et abusera plus tard, avec ses vers piquants et persiflant, qui lui vaudront une réputation de femme méchante, égoïste et narcissique. Seulement, elle n’a pas eu d’autre modèle à imiter. Cette éducation donnée par Mme de Maintenon cesse dès 1681, Louise-Françoise a 8 ans mais quelques éloges sur sa beauté et sa grâce s’élèvent. La petite fille paraît alors en public, dans des ballets, parfois au côté de sa demi-sœur, la Princesse de Conti, fille de Louise de La Vallière.
Louis III de Bourbon-Condé, Monsieur le Duc
En 1684, Louis XIV rend visite à son cousin Condé à Chantilly, et décide d’unir sa fille au petit-fils du Grand Condé : Louis III de Bourbon. L’année suivante, les préparatifs du mariage commencent et on présente les deux fiancés l’un à l’autre. Ils sont souvent mis en la même compagnie afin qu’ils se découvrent : il tente d’être aimable avec sa promise ; Mme de Montespan dont la défaveur est grandement consommée emmène sa fille et son futur gendre chez elle à Clagny, bref toutes les occasions sont bonnes, et le si laid Louis III de Condé fait bonne figure. Le 23 juillet, les fiançailles sont célébrées à Versailles et dès le lendemain, le mariage est béni à la chapelle du château. Au moment où Louis III allait lui passer l’anneau du mariage, Louise-Françoise eut un sursaut de peur devant sa laideur et fit tomber la bague à terre. Pour la punir en pensant qu’elle l’avait fait exprès, le Prince lui pinça le bras jusqu’au sang… Les mariés reçoivent des terres des Condé et un million comptant de dot de la part du Roi. Désormais, Louise-Françoise est Duchesse de Bourbon.
S’en suit une magnifique fête puis les jeunes mariés sont déshabillés et couchés en public pour un simulacre de consommation de mariage, et enfin ils sont chacun ramenés dans leurs chambres respectives : la mariée n’étant pas nubile, le mariage ne peut être réellement consommé. Il ne le sera qu’en 1686. Le couple est mal assorti : Louise-Françoise a 12 ans, une belle taille, de l’esprit, elle promet d’être une belle femme. Louis III a 17 ans mais il est de faible constitution, bossu, petit, il a les jambes arquées, un strabisme prononcé et une verrue sous l’œil. Il sera surnommé le « Singe Vert ». Pire, Louis III a écopé de la « folie des Condé », et se montrera bien souvent cruel – au plus grand désespoir de Louis XIV – et le transmettra à ses fils. Les jeunes mariés se verront donc éduquer chacun de leur côté par La Bruyère, apprenant l’histoire, la philosophie et la littérature, sur demande du Grand-Condé soucieux de l’avenir de sa famille. Louise-Françoise s’instruit, et passe pas mal de temps chez sa mère ou sa sœur Conti.
De santé solide, elle résista à plusieurs maladies dont une variole, qui manqua la faire mourir un an après son mariage, mais dont elle se remit, contrairement au Grand Condé qui l’avait veillée. En outre, elle doit supporter les tromperies de son mari qui préfère la compagnie des femmes à celle d’une adolescente qu’il n’aime pas (il aura d’ailleurs une bâtarde que sa femme, pas rancunière, mariera). La jeune bâtarde triomphe cependant à la Cour puisque son père se passe rarement d’elle, et ce malgré ses quelques fréquentations peu recommandables dont la Duchesse de Valentinois. En outre, elle reste proche de sa mère qui doit rester à la Cour malgré sa faveur définitivement éteinte et voit assez souvent ses frères et sœurs : l’heure est au beau-fixe pour le moment entre les enfants de Mme de Montespan.
Dès 1690, Louise-Françoise commence à vivre réellement en ménage avec son époux et elle tombe rapidement enceinte. De ce mari hideux, elle aura neuf enfants qui parviendront tous à l’âge adulte, et dont les caractères, l’éducation, les mœurs et la morale laisseront franchement à désirer :
Marie-Anne-Gabrielle-Eléonore (1690-1760) Abbesse de Saint-Antoine ;
Louis-Henri (1692-1740) Duc de Bourbon ;
Louise-Elisabeth (1693-1775) Mademoiselle de Bourbon, Princesse de Conti ;
Louise-Anne (1695-1758) Mademoiselle de Charolais ;
Marie-Anne (1697-1741) Mademoiselle de Clermont ;
Charles (1700-1760) Comte de Charolais ;
Gabrielle (1703-1772) Mademoiselle de Vermandois, Abbesse de Beaumont ;
Elisabeth-Alexandrine (1705-1765) Mademoiselle de Sens ;
Louis (1709-1771) Comte de Clermont.
Si en autant d’années de mariage, rarement Louise-Françoise n’a été soupçonnée de tromperie (ses quelques « galants » ont rapidement été mis en fuite par Mme de Maintenon), elle aura néanmoins une liaison avec son beau-frère, François-Louis de Conti. Beau-frère de Marie-Anne de Bourbon, demi-sœur de Louise-Françoise, il récupère le titre de Prince de Conti à la mort de son frère et épouse Louise-Elisabeth de Condé, sœur de Louis III. Le beau-frère et la belle-sœur se connaissent depuis l’enfance et entretiennent alors une liaison. Certains penseront même que le Prince de Conti est le vrai père de Marie-Anne de Condé. Mais l’idylle est de courte durée car Louis XIV envoie le Prince de Conti en Pologne où le Roi Stanislas Leszczynski va perdre sa couronne. Triple avantage pour le Roi Soleil qui gagnerait un allié en Europe de l’Est, éloignerait un rival militaire qui fait de l’ombre au Grand Dauphin et au Duc du Maine, et détournerait le scandale de sa fille. Cependant, c’est l’Electeur de Saxe qui devient roi de Pologne et le Prince de Conti rentre piteusement en France où Louise-Françoise cachait difficilement mais habilement la peine causée par son départ. L’idylle est finie : le Prince de Conti n’a plus de sentiments pour sa belle-sœur et Louise-Françoise n’aura pas d’autre amant jusqu’à son veuvage.
Louise-Françoise voulait profiter pleinement de son statut de Princesse. Pour cela, elle s’affichait le plus possible auprès du Roi, à la Cour, le suivait souvent dans ses déplacements, s’installait à la même table que lui durant les repas, participait aux bals et jeux et surtout essayait de s’assurer un avenir pour lorsque son père ne serait plus là. Pour ce faire, elle fréquentait assidument son demi-frère le Grand Dauphin et sa demi-sœur la Princesse douairière de Conti. Durant douze ans, Louise-Françoise aura un certain ascendant sur son frère et « règnera » sur Meudon où le fils de Louis XIV s’est fait arranger le château. Deux clans seront ainsi opposés l’un à l’autre : celui du Grand Dauphin, dit « la cabale de Meudon » ou le « parvulo », et celui de son fils, le Duc de Bourgogne. Louise-Françoise n’appréciait pas la Duchesse de Bourgogne qui de par sa jeunesse lui avait ravi un peu de l’amitié du Roi. Ajoutons à cela le caractère « rebelle » de Louise-Françoise et de sa sœur, la Duchesse d’Orléans, qui abusaient de leur statut de Princesses : elles buvaient, s’empiffraient et surtout se mirent à fumer la pipe contre l’avis du Roi qui le leur reprocha plus d’une fois. En outre, ses vers parfois cinglants font d’elle une langue réputée et crainte de la Cour.
La bonne entente d’autrefois entre les enfants de Mme de Montespan n’est plus la même. Louise-Françoise apprécie tout particulièrement son cadet, le Comte de Toulouse, ainsi que le Duc d’Antin, fils légitime de la Marquise. Par contre, elle est farouchement opposée au Duc du Maine et à son épouse (qui est doublement sa belle-sœur), Louise-Bénédicte de Bourbon-Condé, ainsi qu’à sa cadette, Françoise-Marie, Duchesse d’Orléans. La Duchesse du Maine règne sur Sceaux et rivalise avec Madame la Duchesse en matière notamment de fêtes. Quant à la Duchesse d’Orléans, en tant que bru que Madame, a un rang supérieur à sa sœur : jalousies, crises et rivalité seront leur quotidien, notamment lorsqu’il s’agira de marier le Duc de Berry, troisième fils du Dauphin, à une fille de l’une ou l’autre des sœurs. Ce sera l’une des filles de Françoise-Marie et Louise-Françoise ne le supportera pas.
Madame la Duchesse connaîtra plusieurs deuils successifs : tout d’abord sa tante, Abbesse de Fontevrault, puis une amie de « jeunesse », Mme de Montgon, et enfin sa mère, Mme de Montespan, qui meurt le 23 mai 1707 à Bourbon-l’Archambault. N’étant pas officiellement sa fille, Louise-Françoise ne peut prendre un deuil officiel mais cette perte l’attriste sincèrement et la réconciliera un temps avec sa sœur, la Duchesse d’Orléans. Deux ans plus tard, c’est le Prince de Conti qui décède. Madame la Duchesse n’en éprouvera aucune peine. Ensuite, c’est au tour de Monsieur le Prince, beau-père de Louise-Françoise, de mourir. Ce décès créera entre Louis III et ses trois sœurs (la Duchesse du Maine, la Petite Princesse de Conti et la future Duchesse de Vendôme) des discordes financières. S’en suivra un très long procès qui durera près de vingt ans. En 1710, rongé par une tumeur au cerveau, Louis III de Condé s’éteint le 5 mars. Voilà Louise-Françoise devenue Madame la Duchesse douairière et soulagée de l’être vu le mari dont elle avait écopé.
Le procès pour la succession Condé empire : non seulement il y a toujours le souci entre Louis III et ses sœurs, mais maintenant que Louis III repose à Vallery avec ses ancêtres, il faut y ajouter ses propres enfants. Louise-Françoise déploie alors une grande force de caractère : elle fait faire le tri des papiers et des comptes de la Maison de Condé afin de tout remettre en ordre, rembourser les dettes éventuelles et remettre les comptes à jour. Le procès se complique, les inventaires post-décès prennent des pages et des pages, Louise-Françoise récupère sa part. La fortune des Condé s’élève à « 22.806.516 livres en terres et revenus ». Affaiblie par sa position de veuve, elle redouble d’assiduité à fréquenter la Cour en compagnie de ses filles, son objectif étant de ne pas être oubliée et de caser sa progéniture. Dans le même temps, n’étant pas elle-même un modèle d’éducation et de vertu, elle ne parvient plus à contrôler l’éducation de ses enfants, et particulièrement de son fils aîné qui, devenu Monsieur le Duc, s’affranchit volontiers des médiocres enseignements qui lui sont inculqués. Louise-Françoise a donné 9 petits-enfants au Grand Condé, seule une, Louise-Elisabeth, relèvera faiblement le niveau. Par ailleurs, son sens maternel n’est pas à mettre en défaut, car à peine l’un de ses enfants est-il malade ou blessé (comme ce fut souvent le cas pour son fils aîné) qu’elle reste auprès de lui. Par ailleurs, elle conserve la tutelle de ses enfants et est assistée par son frère, le Duc d’Antin, qui prend en charge l’éducation de son neveu, Louis-Henri.
Dernier coup du sort pour Louise-Françoise, la cabale de Meudon, le « parvulo », qu’elle menait en prévision du prochain règne du Grand Dauphin, s’écoule lorsque celui-ci décède en 1711. La Duchesse veillera le malade avec sa sœur la Grande Princesse de Conti, et le pleurera un peu. Sa position à la Cour est alors encore plus menacée et elle cherche de nouveaux appuis à la Cour et s’y montre de plus en plus assidue. Dans le même temps, alors qu’elle a trente-sept ans, elle entame une liaison avec le grand amour de sa vie : le Comte Léon de Lassay. Souvent confondu avec son père, le Marquis Armand de Lassay, il fut l’amant, l’ami, le soutien et le conseiller de Louise-Françoise jusqu’à sa mort, et notamment dans ses spéculations financières qui lui permirent de s’enrichir de façon considérable. Veuve, elle ne peut s’afficher librement avec cet homme de presque dix ans son cadet, et ne le rencontre que secrètement.
La Duchesse douairière connaîtra par ailleurs de grandes frayeurs et de grands changements. Frayeurs causées par son fils aîné : devenu borgne suite à une séance de chasse qui a mal tourné, il tombe également plusieurs fois malade et fait une mauvaise chute de cheval, le tout sans avoir eu d’enfant de son épouse, Marie-Anne de Conti, et donc sans héritier mâle pour les Condé. Changements car après le Grand Dauphin en 1711, c’est au tour du Duc de Bourgogne, de son épouse et de leurs deux premiers enfants de décéder, ne laissant alors à Louis XIV pour seul héritier qu’un petit garçon de quatre ans, le futur Louis XV. D’autant qu’en plus, le procès pour la succession Condé s’enlise toujours. Louise-Françoise s’est rendue elle-même à Paris pour défendre ses intérêts et ceux de ses enfants face à ses belles-sœurs qui officiellement s’accommoderaient volontiers avec leur neveu, mais qui officieusement enragent lorsqu’elles ne touchent pas une large part de l’héritage.
Madame la Duchesse douairière, en tenue de veuve
En 1714, Louis XIV crée le « rang intermédiaire » pour ses bâtards : ils se situeront ainsi entre les princes du sang et les ducs et pairs. Une décision qui choque mais qui arrange bien les bâtards, d’autant que, vu ce qu’il lui reste comme successeurs légitimes, la même année il fait voter une loi au parlement pour que ses fils légitimés, le Duc du Maine et le Comte de Toulouse, soient aptes à monter sur le trône à sa mort. En outre, Louise-Françoise voit le trône s’éloigner des Condé lorsque le Duc de Berry, frère du défunt Duc de Bourgogne, décède. Son beau-frère le Duc d’Orléans est à un pas du trône ! En 1715, lorsque le Roi meurt, le Duc d’Orléans fait casser son testament et devient Régent durant la minorité de Louis XV et son épouse, sœur de Louise-Françoise, devient la première dame du royaume. Cependant, la mort de son père, qu’elle craignait plus qu’elle n’aimait, lui permet d’afficher publiquement sa relation avec Lassay, ce qui lui vaut la critique de ses enfants.
Louise-Élisabeth de Bourbon-Condé. Fille préférée de sa mère, elle est aussi la plus sage et la moins scandaleuse.
Enfants qui par ailleurs lui causent de plus en plus de tracas : ses fils mènent une joyeuse vie, font preuve d’une cruauté sans pareil : ils auraient mis le feu à la robe d’une dame qui serait ainsi morte brûlée, ils tuent les maris des femmes qu’ils convoitent, aiment l’odeur du sang, bref, la folie des Condé en bonne et due forme. En outre, le Comte de Charolais défie l’autorité du Régent en quittant la France pour voyager en Europe, dont en Italie et en Espagne. Ses filles quant à elles : son aînée est folle et en fait voir de toutes les couleurs aux nonnes de son abbaye, Mlle de Charolais mène aussi une vie de débauche, enchaînant les amants et plus tard Mlle de Sens suivra le chemin de son aînée. Seule Mlle de Clermont vit dans le perpétuel deuil de son amant, le Duc de Melun, Mlle de Vermandois est dans les ordres et la Princesse de Conti est « bien » mariée, bien que l’époux en question soit qualifié de pervers.
Mais la grande réussite de Louise-Françoise vient de ce qu’elle a, avec Lassay, fait fortune grâce au système de Law. Elle était en quelque sorte une « boursicoteuse » avant l’heure et a, deux ans durant, acheté les actions de la Compagnie des Indes que Law mettait en circulation à une vitesse phénoménale. Pour résumer le système de Law : une banque, à l’initiative de Law, a été adossée à la Compagnie des Indes par des lettres patentes de 1716. La banque devient rapidement la banque royale et a tout l’appui du Régent. Law s’est alors attiré des personnages importants tels que les Condé et leurs proches afin de convaincre les plus réticents, n’hésitant pas parfois à faire ce que l’on appelle aujourd’hui des délits d’initiés. Les plus « grands » y trouvent leur compte. Cependant, à créer des actions et a fortiori de la monnaie, ça crée une dévaluation de cette monnaie et l’effondrement de l’économie : rapidement Louise-Françoise, Lassay, les enfants Condé revendent leurs actions pour en retirer des bénéfices considérables, ce qui leur vaudra la haine du peuple, des émeutes, une banqueroute et l’écroulement de la Compagnie des Indes, incapable de rembourser les actionnaires qui vendent. La bulle spéculative explose mais les Condé en ressortent richissimes ! Au final, entre Law, ses pensions, son douaire et les rentes dues au domaine de Saint-Maur, Louise-Françoise est l’une des femmes les plus riches.
Au niveau des deuils, la Duchesse douairière « perd » son ancienne gouvernante en 1719, mais ne verse aucune larme car ne l’ayant jamais aimée, puis en 1723 c’est au tour de sa belle-mère, Madame la Princesse, de s’éteindre. Louise-Françoise la pleurera car elle l’appréciait beaucoup. La même année, son beau-frère le Régent décède. Par ailleurs, ses enfants continuent de faire parler d’eux, et pas en bien. Cependant, son aîné sera plus tard nommé Premier Ministre sous Louis XV, mais mauvais ministre et influencé par sa maîtresse, Mme de Prie, il sera rapidement renvoyé et remplacé par Fleury. Quant à Mlle de Charolais, elle continue ses frasques et va jusqu’à, soi-disant, présenter quelques jeunes femmes à Louis XV et enchaîne les amants…
Le Palais-Bourbon au XVIIIe siècle
Louise-Françoise devient en 1736 la grand-mère d’un petit Louis-Joseph de Bourbon-Condé, seul héritier mâle donné par ses fils. Quelques jours plus tard, après 26 ans de procès, la succession Condé est enfin une affaire enterrée. En 1737, son frère le Comte de Toulouse meurt et elle en éprouve un grand chagrin. Trois ans plus tard, c’est son fils, Louis-Henri, qu’elle perd. Bien qu’ayant peu d’affection pour lui, elle ressent un gros coup du sort et elle voit une opposition naître entre elle et son fils le Comte de Charolais pour la tutelle du jeune Louis-Joseph. La belle-fille de Louise-Françoise conserve la tutelle de son fils, mais assistée de Charolais, en charge de son éducation. Néanmoins, lorsque Caroline de Hesse décède, Louise-Françoise entame contre Charolais une procédure judiciaire pour récupérer la tutelle de son petit-fils (surtout vu la réputation et les mœurs de son fils). Malgré une bataille acharnée et une demande de révision du jugement, elle perdra cette procédure.
Jusqu’à sa mort, la Duchesse douairière reste très appréciée et respectée par Louis XV et son épouse. Présente à la Cour le plus souvent possible et où elle a toujours ses entrées, elle y est même réclamée par le Roi lorsqu’elle n’y est pas. Celui-ci d’ailleurs la pleurera à sa mort, comme la Reine. Louise-Françoise fut pour lui comme une grand-mère de substitution. Dernier deuil pour la Duchesse douairière, la mort en 1743 de sa fille Mlle de Clermont.
Âgée de soixante-dix ans, très malade, usée et fanée, Louise-Françoise rédige son testament, met de l’ordre dans ses affaires et meurt le 14 juin 1743 dans son Palais Bourbon. Elle voulait être enterrée au couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques, sans pompes ni faste. Mais sa dernière volonté ne fut pas respectée car ce fut tout un cortège qui accompagna son corps jusqu’à sa dernière demeure.