Versailles et Louis XV
Louis XIV a toujours refusé de changer les façades de son château. Fidèle au souvenir de son père, il voulait conserver ces murs de pierres et de briques. Toutefois, au début du règne de Louis XV, la façade de la Cour de la Chapelle a bien besoin d’être rénovée. Au prix d’une forte dépense, les façades, côté cours et côté villes, sont rénovées et couvertes de pierre, dans un style classique. La conséquence est que l’unité de l’entrée du château est rompue. A la fin de son règne, en 1771, le Roi accepte le plan de Gabriel qui consiste à détruire l’aile Nord de la Cour Royale pour en rebâtir une neuve, dans le même esprit que précédemment. La mort du Roi et le manque de fonds arrêteront ce « Grand Projet » et l’aile se limite donc au bâtiment que l’on voit actuellement. Sous Louis XVI, le « Grand Projet » sera repris et repensé, mais avorté.
Le Roi fait quelques modifications dans la chapelle, et notamment le fait de retirer le clocheton au centre du toit en 1764, celui-ci menaçant ruine. Durant des récents travaux de restauration sur la toiture, on a retrouvé, au centre de gravité de la charpente, les restes de ce lanternon de 12 mètres de haut qui a disparu. Les poutres qui le soutenaient ont été sciées pour que rien ne dépasse. Ce lanternon est une symbolique et un élément importants de la Chapelle, qui est désormais perdu. Louis XV fait aussi détruire l’ancienne chapelle de la Communion pour la remplacer par un reliquaire de la Croix, sur demande du Dauphin Louis-Ferdinand. Le reliquaire s’accompagne d’une chapelle saillante, nommée chapelle du Sacré-Cœur et bâtie entre 1766 et 1772. Les autres travaux de Louis XV dans la Chapelle concernent les statues et ornements, mais il se borne globalement à respecter l’œuvre de son aïeul.
Vue du château de Versailles du côté de la place d’armes, par Pierre-Denis Martin le Jeune. On peut voir le lanternon de la Chapelle
La création du Salon d’Hercule sera la majeure transformation de cet appartement, semble-t-il immuable. Ce projet, il est possible que Louis XIV l’eût déjà, avec force marbre, sous le nom de « Nouveau Salon près la Chapelle ». Mais c’est sous Louis XV que les travaux vont se concrétiser. Ce salon donne sur les jardins et sur la Cour et le Vestibule de la Chapelle. Il devient alors le nouveau départ du Grand Appartement. En bâtissant ce salon, Louis XV espère en faire l’arrivée du nouvel escalier dont il a le projet pour remplacer l’Escalier des Ambassadeurs, qu’il entend détruire.
Louis XV n’aime pas cet escalier. Il souhaite le détruire et le remplacer par un autre, qui doit aboutir au Salon d’Hercule. Mais le théâtre a toujours eu une place de choix à Versailles et Mme de Pompadour aime monter sur scène. Au début, en 1747, ces représentations ont lieu dans la Galerie de Mignard.
Une scène, un orchestre, des sièges pour les invités et deux loges pour les « acteurs » sont créés. A la fin de l’année, on effectue quelques réaménagements, avant finalement d’opter, en 1748, pour la scène démontable dans l’Escalier des Ambassadeurs. Ce « théâtre des Cabinets » sera éphémère, puisqu'il est démonté en 1750.
Délabré, ce chef-d’œuvre architectural est détruit en 1752. Le Roi fait aménager à la place des pièces privées qui seront utilisées par sa fille Madame Adélaïde, puis par lui. Les seuls vestiges de l’Escalier des Ambassadeurs aujourd’hui sont les portes, sculptées par Caffieri, au revers des Salons de Vénus et de Diane, sur le palier de l’Escalier Louis-Philippe (voir photo à gauche). D’autres vestiges ont été dispersés : le Centaure est au Louvre, la vasque-coquille à Dampierre. Louis XV a tenté de sauver quelques éléments de cet escalier, mais ça a été perdu. On peut toutefois avoir un bon aperçu de ce que fut cet escalier magistral en voyant celui du château de Herrenchiemsee, bâti par Louis II de Bavière.
Louis XV ne modifiera rien de la Chambre de Louis XIV, qu’il délaisse. Il y maintient les cérémonies du Lever et du Coucher, mais il dort dans une chambre située entre la Cour de Marbre et la façade sud de la Cour des Cerfs.
Concernant le Cabinet du Conseil, le souverain y change la cheminée, fait baisser le plafond et surtout l’agrandit en faisant, à terme, supprimer le Cabinet des Perruques. Du même coup, il peut agrandir sa garde-robe et créer une mini terrasse sur la Cour des Cerfs.
Il commence par la Salle des Gardes de la Reine. C’est une pièce encombrée de lits, de paravents et de tables. Louis XV s’y installe quand il tient ses lits de justice et là, la pièce change du tout au tout.
Vient ensuite l’Antichambre du Grand-Couvert, où la famille royale mange en compagnie de la Cour, selon la même disposition que lors du règne précédent (photo à droite). Marie-Antoinette fera changer les murs de marbre et les remplace par des boiseries et des tentures de damas rouge.
Le Grand Cabinet de la Reine, qui deviendra plus tard le Salon des Nobles, est inchangé depuis les installations faites pour les deux Dauphines. La souveraine y donne ses audiences publiques. Marie-Antoinette changera le décor pour y mettre des boiseries blanc et or, ainsi que des soieries vertes et des glaces. La cheminée et le mobilier son changés. De la pièce créée par Louis XIV, il ne reste que le plafond.
La Chambre de la Reine a été remaniée et magnifiée par Louis XV. Ces transformations s’étalent de 1725 à 1764. Le mobilier est richement renouvelé, les dorures refaites. Il ne subsiste presque rien de la pièce qu’a connue Marie-Thérèse. Plus tard, Marie-Antoinette fera retirer les portraits des dessus de portes présents dans la pièce pour y mettre ceux de sa mère, de son frère Joseph II et de Louis XVI. Elle fera installer des stores amovibles pour mettre devant ses glaces et changer le parquet en 1782. En 1787, elle recevra les nouvelles tentures d’été de sa chambre, dont les meubles sont assortis. C’est ce que l’on voit encore aujourd’hui. Enfin, elle fera rénover et changer des meubles, redorer quelques boiseries.
Le Salon de la Paix est définitivement rattaché à l’Appartement de la Reine. Le décor de Louis XIV n’a pas changé, seuls les tissus des meubles sont modifiés pour être assortis à ceux du Cabinet. Il devient le Salon des Jeux ou la Salle du Concert de Marie Leszczynska, ses deux passions. En effet, la Reine adore le jeu, notamment la cavagnole, où elle perd parfois de coquettes sommes. Elle aime aussi beaucoup la musique, un intérêt qu’elle partage avec ses enfants. Elle joue de la guitare, du clavecin et de la vielle. « Le Dauphin joue de l’orgue, du clavecin, de la contrebasse et du violon, et Mesdames trois ou quatre instruments chacune* ». Les concerts donnés chez la Reine sont nombreux. Marie-Antoinette conservera la vocation de salon de jeux de cette pièce et y ajoutera un décor de théâtre démontable selon ses envies. Elle envisagera de retirer le décor de marbre qui lui déplaît, de changer meubles et cheminées et d'abaisser le plafond en en créant un faux, mais la Révolution l'arrêtera dans le projet.
Les « Cabinets de la Reine » sont un ensemble de huit à dix petites pièces, qui donnent sur la Cour de la Reine. Il s’agit d’une ébauche de ce que Marie-Antoinette créera plus tard. Toutefois, Louis XV tranche ici avec Louis XIV, en faisant installer pour sa femme un ensemble de cabinets presque aussi important que pour lui.
Pour cela, il part de que ce Louis XIV avait créé pour sa mère, la Duchesse de Bourgogne. Il ajoute aussi le passage qui coupe en deux la Cour de la Reine et qui était la chambre de nuit de son père. Les aménagements commencent en 1727 par la création d’une terrasse qui fait tout le tour de la Cour de la Reine. Derrière le Cabinet de la Reine sont créés une petite galerie et un petit cabinet des Bains. A cela sont ajoutés un Grand Cabinet-Intérieur, un Arrière-Cabinet, un Oratoire, un Cabinet de Chaise et un Cabinet pour le Service de la Reine.
Entre 1746 et 1748, de nouveaux aménagements ont lieu. L’Oratoire est déplacé sur la Cour de Monsieur et remplacé par un Cabinet de la Méridienne que Marie-Antoinette remettra à son goût. La petite galerie, quant à elle, devient le Cabinet des Chinois, en raison des décors de Chine choisis par la Reine et disposés sur des châssis. Marie remplit ses cabinets de peintures pieuses, qu’elle affectionne tout particulièrement. Enfin, elle dispose d’entresols où sont sa bibliothèque et le deuxième étage de son cabinet des bains. Ces entresols sont tellement étendus qu’ils vont jusqu’au-dessus du Salon de la Paix.
Il s'agit d'un petit boudoir affectionné par Marie-Josèphe de Saxe, seconde belle-fille de Louis XV. Cette minuscule pièce, peinte en jaune et couverte de vernis martin et de motifs floraux, ne pouvait accueillir que trois personnes. De l'extérieur, on ne soupçonne pas son existence, tant elle se fond habilement dans le décor. Son aménagement date des années 1750 et est la seule pièce datant de la Dauphine Marie-Josèphe à avoir conservé son état d'origine. Marie-Antoinette, qui installera ses appartements privés dans les années 1780, laissera cette pièce en l'état et se contentera de le faire rénover.
* Le château de Versailles, Pierre Verlet, Fayard, 1960, réédition de 1998