Amie du vieux Roi
Zoé-Victoire naît le 25 août 1785 au château de Boullay-Thierry. Elle est la troisième des quatre enfants (deux frères aînés et une petite sœur) d’Antoine Omer Talon. Les Talon, issus de l’aristocratie, vivent dans un hôtel particulier parisien. Le père de Zoé est nommé lieutenant civil au Châtelet et participe, en 1789, à l’affaire Favras dans laquelle trempe également le Comte de Provence, futur Louis XVIII, frère de Louis XVI, et qui aura une importance cruciale dans la vie de Zoé. L’affaire est éventée, Omer Talon doit démissionner et vit presque dans la clandestinité. Il devient le lien entre Mirabeau et la Cour, et est arrêté en 1791, peu après l’arrestation de la famille royale à Varennes. Il fait en sorte que sa famille émigre pour être en sécurité. Zoé, sa mère, ses frères et sa sœur vont vivre à Jersey, puis en Suisse et en Italie. Zoé ne reverra pas son père avant douze années. Celui-ci reste à Paris, défend les Tuileries le 10 août 1792 puis part aux Etats-Unis sur demande du Comte de Provence.
Zoé retourne à Paris en 1795 avec sa mère, son frère et sa sœur, le plus âgé de ses frères étant mort. La Marquise Talon récupère son hôtel particulier mais la Révolution l’ayant ruinée, elle est désargentée. Zoé, qui a dix ans, est alors confiée à l’école que Madame Campan, ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette, a fondée à Saint-Germain en Laye. Zoé et sa sœur reçoivent une éducation complète et assez poussée pour l'époque. Elle fréquente également les futures femmes les plus marquantes de l’Empire : Hortense de Beauharnais, la fille de Joséphine ; Stéphanie et Emilie de Beauharnais, cousines d’Hortense ; Pauline et Caroline Bonaparte, les sœurs du futur Napoléon Ier ; et une partie de celles qui épouseront les maréchaux et généraux d’Empire. Mais, bien qu’amie avec ces jeunes femmes, elle ne fait pas totalement partie de leur monde. Issue d’une famille aristocrate, fille d’un émigré, elle fait partie de ce monde révolu qu’est l’Ancien Régime et on ne la convie pas aux fêtes thermidoriennes.
En 1796, la mère de Zoé est arrêtée. Ce sont ses tantes, les sœurs de son père, qui se substituent à elle. Alors qu’elle allait être libérée en 1800, Mme Talon meurt en prison. Omer Talon, ci-devant Marquis, obtient enfin, en 1802, l’autorisation de rentrer en France pour s’occuper de ses filles. Zoé a dix-sept ans. Son père lui choisit un mari : Achille du Cayla, premier gentilhomme du Prince de Condé émigré à Coblence, source de la contre-révolution. Le mariage a lieu le 2 août 1802. Le couple s’installe à Montpellier, au château de la Piscine. Mais, rapidement, Zoé se rend compte que son mari est insupportable, colérique et violent. Heureusement pour elle, elle est très proche de sa belle-mère, Suzanne du Cayla, qui éprouve pour elle une grande tendresse. Les deux femmes se liguent souvent contre Achille. Suzanne du Cayla, qui voit que sa belle-fille s’ennuie, s’installe avec elle au château des Courtreux, domaine de sa famille, proche de Paris. Elle alterne ses séjours entre le château et l’appartement que son mari a acheté dans le Marais à Paris ; fréquente les salons du Faubourg Saint-Germain où se retrouvent les survivants de l’Ancien Régime.
En parallèle elle retrouve ses amies du pensionnat à la Malmaison, chez Joséphine. Mais, le 28 septembre 1803, le père de Zoé est arrêté par Savary, le mari d’une de ses camarades de pensionnat, pour conspiration royaliste, en fait une conséquence de la fameuse affaire Favras. Dès lors, la porte de la Malmaison lui est fermée. Elle reste une fille, épouse et belle-fille d’émigrés royalistes tandis que se prépare le Premier Empire. Zoé s’enferme donc aux Courtreux avec sa belle-mère. Trois ans plus tard, Zoé met au monde une fille, Hugoline, dite Valentine. Mais elle a beaucoup d’amants, dont Sosthène de la Rochefoucauld, et rien ne garantit que son mari soit bien le père de l’enfant.
En 1808, Zoé retrouve Omer Talon, que l’on a relâché, et le soigne jusqu’à sa mort en 1811. Entre temps, elle a fait la rencontre de Savary, le même qui avait fait arrêter et emprisonner son père. Convoquée chez le ministre de la Police de Napoléon, Zoé redoute cette entrevue, pourtant ils tombent follement amoureux l’un de l’autre. Cette idylle incompréhensive dure deux ans, le temps pour Zoé de mettre au monde un petit Hugolin qui était le portrait craché de son père. Cette aventure est trop risquée, le physique de l’enfant trahit son adultère et Zoé rompt avec Savary et prend un nouvel amant avec qui elle reste peu de temps, car l’Empire s’écroule.
En avril 1814, la monarchie est restaurée et l’ancien Comte de Provence devient Louis XVIII. Zoé retrouve un peu de son ancien monde et s’intègre parfaitement dans la Restauration. Elle fait également la connaissance de son beau-père, François-Hercule du Cayla, avec qui elle s’entend très bien. Ce sont ses beaux-parents qui aident Zoé à garder ses enfants, alors qu’Achille a tenté de les lui retirer. Après les Cent-Jours qui voient Louis XVIII fuir en Belgique, la monarchie est de retour. De son côté, Zoé va vivre dans le domaine de ses beaux-parents avec ses enfants et ne reviendra à Paris qu’en 1816, pour le mariage du Duc de Berry, neveu du Roi, avec Marie-Caroline de Bourbon-Sicile. Elle accompagnera également les derniers jours de Mme du Cayla qui s’éteint en décembre de la même année. Zoé est effondrée de cette perte. Mais sa belle-mère vient de sceller son destin en la recommandant à Louis XVIII.
Elle le rencontre en 1817, il l'assure de son appui. Par la suite, Zoé apprend que son mari a écrit une lettre au Roi, dans laquelle il l’accuse d’adultère. Elle retourne donc voir Louis XVIII afin de plaider sa cause et effacer les effets désastreux qu’un tel courrier pourrait avoir sur elle. Mais le monarque ne s’intéresse pas aux dires d’Achille du Cayla et semble plutôt attiré par la jeune femme. Et en effet, petit à petit, elle se rapproche du vieux Roi, âgé de soixante-deux ans quand elle en a vingt-sept. Les problèmes de Zoé vont peu à peu s’effacer, elle se sépare de son mari, garde ses enfants et s’installe à l’hôtel de Praslin, à Paris. Si elle reste assez méfiante au début, elle finit par se laisser aller. Louis XVIII ne peut plus se passer d’elle, elle devient sa favorite. Rapidement, des pamphlets et libelles circulent sur ce couple improbable, dont on ne sait pas grand-chose. Vu l’état de santé du Roi, rien ne garantit totalement qu’ils aient eu des relations physiques, rien n’affirme le contraire non plus. Les pamphlets affirment même que Louis XVIII prise son tabac sur le derrière de sa favorite ! Zoé préfère ignorer ce que l’on dit d’elle. Elle a désormais une situation stable, elle devient riche, le Roi la couvre de cadeaux et fait reconstruire pour elle le château de Saint-Ouen, qui sera inauguré en 1823.
Après la mort du Duc de Berry en 1820, Louis XVIII s’oriente vers une politique ultraroyaliste. On accuse Zoé d’en être à l’origine, peut-être à tort. En tout cas, elle a une réelle influence sur son royal amant et fait et défait les ministres, pas forcément de manière judicieuse. Son idylle avec Louis XVIII prend fin le 16 septembre 1824 lorsque le vieux Roi décède. Zoé, dernière favorite royale, se retire à Saint-Ouen et s’occupe, entre autres, de la manufacture des Gobelins. Elle décède dans son château le 19 mars 1852, à 67 ans.