Le parc
Son aménagement est commencé en 1667, la construction débute dès 1668 avec un premier tracé. Il est, comme le reste du domaine, installé sur un ancien marécage, et ses travaux s’avérèrent complexes. Il croise, à son extrémité ouest, le ru de Gally, qui lui sert de source.
A droite, photo du ru de Gally, collé à la ferme du même nom.
Il est également alimenté par l’eau des fontaines des jardins, celle-ci, avec le dénivellement du terrain, descendant jusqu’au Canal. Un système hydraulique, avec des moulins, permettait ensuite de remonter l’eau jusqu’au toit de la Grotte de Thétis, puis, quand celle-ci fut détruite, jusqu’au réservoir situé dans l’Aile Nord. Long d’un kilomètre cinq, large de soixante-deux mètres, il est en forme de croix, rappelant le Roi Très-Chrétien, nom donné aux monarques français, la France étant fille aînée de l’Eglise. Son axe principal prolonge l’axe est-ouest du château, sur lequel sont déjà le Bassin d’Apollon et celui de Latone, jusqu’à la grille d’Honneur.
Les travaux du Canal se font en deux étapes. En 1668, 200.000 livres sont dépensées pour préparer un premier bassin fonctionnel. Colbert veut sensibiliser le Roi à la Marine. Aussi, il organise dès 1669 une flottille en créant des répliques de bateaux français et du monde entier, en version réduite : un brigantin, décoré de brocard bleu, or et argent ; trois chaloupes, chacune décorée d’un damas uni (bleu, jaune et vert) ; une felouque napolitaine au damas violet ; une chaloupe biscayenne au damas rouge ; une petite chaloupe verte et blanche avec brocart argent ; une petite chaloupe rouge et damas rouge brodé d’or ; et une petite berge pour Monsieur et Madame, dont la garniture de velours est brodée à leur chiffre. La même année, une galiote s’ajoute à la flotte tandis qu’une deuxième est en construction avec un gros vaisseau, véritable navire de guerre miniature. Richement décoré et aménagé, il dispose de son propre équipage. Ces bateaux serviront, outre le transport des courtisans jusqu’au Grand Trianon, à organiser des fêtes somptueuses. En hiver, l’étendue d’eau étant gelée, la Cour s’en servait de patinoire. La flotte du Grand Canal devient rapidement prestigieuse, au point que les pays étrangers veulent avoir leur propre réplique. Pour Louis XIV, au-delà du message politique évident, c’est l’occasion de rivaliser avec l’Angleterre en développant l’industrie navale française.
Le Bassin d'Apollon et le Grand Canal en 1713, par Pierre-Denis Martin, dit le Jeune
En 1670, on crée une rampe d’accès entre le Canal et Trianon. En 1680, une rampe identique est toujours en travaux du côté de la Ménagerie. Au vu de la flotte très importante et dans l’optique de faire des promenades en bateau jusqu’à Trianon d’un côté et la Ménagerie de l’autre, on projette dès 1671 de prolonger le Canal et d’y ajouter deux bras. C’est alors la deuxième étape de construction du Canal, qui démarre la même année, pour un coût de 696.000 livres, auxquelles s’ajoutent 264.000 livres en 1672. Deux gros chevaux marins, montés par des enfants, sont sculptés par Tuby pour orner le Canal à sa tête, proche du Bassin d’Apollon.
Vue perspective du Bassin d'Apollon et du Grand Canal, vers 1705, Ecole Française
La flotte du Canal ne cesse de s’agrandir. En 1677, six chaloupes sont amenées de Rouen via la Seine, puis dorées, sculptées et couvertes de damas, chacune d’une couleur : rouge, bleu, vert, jaune, blanc et aurore. En 1679, une galiote dorée rejoint les effectifs déjà présents, suivie d’une autre en 1682, d’un « yack » la même année, d’un vaisseau en 1685, d’une galère et d’un heu hollandais en 1686, d’une gondole et d’une piotte en 1687. En 1681 et 1682, on installe des pontons d’embarquement et un radoub.
A l’origine, les équipages venaient de Poissy, du Pecq ou de Saint-Cloud. Ils finissent par être remplacés par un équipage fixe. En 1684, on compte un capitaine, un lieutenant, un maître, un contre-maître, onze matelots, six gondoliers (dont 4 vénitiens), huit charpentiers, deux calfats et des scieurs de long. La même année, on crée de nouveaux logements à la Petite Venise.
L’année suivante, 260 hommes (3 compagnies venues de Flandre) viennent compléter ces équipages et sont affiliés aux frégates. Le logement des marins coûte cher, par exemple 5.600 livres en 1673. Va alors être construit un mini village de matelots, appelé la Petite Venise, en hommage au Doge qui vient d’offrir à Louis XIV deux gondoles dorées et somptueuses, ainsi que quatre gondoliers vénitiens. Aujourd’hui, il ne reste quasiment plus rien de cette flottille.
Durant la Révolution, le Grand Canal est comblé, on s’en sert alors comme d’un champ. C’est Louis XVIII qui, lors de la Restauration, le fera de nouveau creuser et lui rendra son aspect originel.