L'à-côté
Avec la volonté de Louis XIV d’installer sa Cour à Versailles, petit à petit la place vient à manquer. Si la domesticité était, au départ, logée directement dans le château, la situation devient de plus en plus complexe. Pierre Verlet l’explique dans son ouvrage : « nouveau bâtiment pour les offices du Roi et de la Reine (1678), Ecuries (1679-1682), Grand Commun (1682-1684, aujourd’hui hôpital militaire), Surintendance (1683-1690, aujourd’hui numéro 6 de la rue de l’Indépendance-Américaine), sont la conséquence de l’installation du Roi à Versailles* ». Et en effet, bien que certains serviteurs logent toujours sur place, il est décidé de la construction des communs, où ils seront installés (et y mangeront) ainsi qu’une partie des courtisans, mais également les cuisines.
Le Grand Commun est un bâtiment carré situé au sud-est du château, aujourd’hui au niveau de la rue des Récollets et de l’avenue de l’Indépendance-Américaine. Les travaux débutent en 1681 et s’achèvent en 1684, sous la direction de Jules Hardouin-Mansart, à l’emplacement de l’ancienne église Saint-Julien. Sa cour intérieure est fouillée en 2009 et on assiste à la mise au jour d’un ancien jeu de paume, celui de Louis XIII et datant de 1630, bien avant la construction de la salle associée au Serment de 1789. La Révolution transforme ce bâtiment, devenu vide, en une manufacture d’armes. Il deviendra ensuite un hôpital militaire et accueille aujourd’hui des bureaux liés au fonctionnement administratif du château.
En 1679, en même temps que le lancement de la construction des ailes du château, Mansart entame celles des Ecuries, la Petite et la Grande. Ce sont deux bâtiments en face du château, côté Est, en forme de trapèzes pour « épouser » la forme de la « patte d’oie » créée par les avenues de Saint-Cloud, Paris et Sceaux (leurs noms étant, à l’époque, respectivement les avenues de Paris, Porchefontaine et des Bois). Elles sont dessinées comme des amphithéâtres ou des fers à cheval. A l’instar du château, elles disposent de pavillons d’angles à trois fenêtres, comme les ailes des Ministres qui leur font face.
Au centre de chacune d’elles se trouve une grande arche. Ils s’achèvent en 1681 pour la Petite Ecurie et en 1682 pour la Grande Ecurie.
La Grande Ecurie loge le Grand Ecuyer, appelé « Monsieur le Grand », et son fils. Elle dispose d’un manège et d’une carrière et accueille les chevaux de monte et de parade. Dans ce manège ont lieu des fêtes et des spectacles, ainsi qu’un Carrousel organisé par le Dauphin. C’est ce manège qui brûlera sous Louis XV et ne sera pas remplacé. La Petite Ecurie abrite le Premier Ecuyer, dit « Monsieur le Premier », elle dispose aussi d’un manège, inclut la remise des carrosses et accueille les chevaux de trait, destinés à la guerre. Les deux Ecuries abritent aussi une floppée de personnel (pages, hérauts d’armes, musiciens et bien entendu, le personnel habituel d’une écurie).
En 1684, les deux bâtiments sont agrandis. L’année suivante, on ajoute un chenil à la Grande Ecurie, chenil où vit le Grand Veneur. En 1715, les deux bâtiments comprennent environ sept-cents bêtes, dont les deux tiers sont dans la Grande Ecurie.
Dans un souci d’économie, les activités de la Petite Ecurie sont rattachées à la Grande en 1929. Elle a ensuite abrité l’Ecole de l’Air puis, dès 1969, l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture (ENSA-V). Aujourd’hui, elle permet de stocker les originaux des statues des jardins, mais aussi d’anciens éléments de décors qui ont été supprimés, comme nous allons le voir. La Grande Ecurie a accueilli une école des pages, voués à servir le Roi et les Princes à la chasse et à la guerre. Depuis, elle a retrouvé sa fonction première en accueillant l’académie équestre de Bartabas, avec sa cavalerie de lipizzans. La Grande Ecurie comprend également la Galerie des Carrosses.
Afin de faire de Versailles le siège du pouvoir et d’avoir ses ministres (appelée Secrétaires d’Etat sous l’Ancien Régime mais équivalents à nos ministres actuels) auprès de lui, Louis XIV ordonne à Hardouin-Mansart de créer des pavillons pour les accueillir, dans la Cour d’Honneur devant le château. C’est chose faite en 1671. Huit ans plus tard, ces pavillons sont rasés pour créer les ailes des Ministres, telles qu’on les connaît aujourd’hui. Les quatre Secrétaires d’Etat s’y installent, deux dans chaque bâtiment, et travaillent au rez-de-chaussée, tandis que leur logement est au premier étage.
Les ailes des Ministres accueillaient également les Gardes Suisses et les Gardes Françaises, dont les officiers étaient logés sur place, comme les Secrétaires d’Etat. Devenus des logements de fonction au service de la République en 1958, les lieux sont restitués à Versailles, qui en fait des bâtiments administratifs. L’aile sud accueille la billetterie et la Librairie des Princes, tandis que l’aile nord comporte des bureaux et l’accueil des visites guidées.
*Le château de Versailles, Pierre Verlet, Fayard, 1960, réédition de 1998