La Sultane-Reine
Françoise de Rochechouart-Mortemart naît à Lussac-lès-Château le 5 octobre 1640. Deuxième fille de Gabriel de Mortemart et Diane de Grandseigne, elle est élevée dans le château de sa naissance, jusqu’à son entrée au couvent de Saintes dont elle ne sort pour revoir ses parents qu’à l’occasion de la Fronde. Elle quitte le couvent sous le nom de Mlle de Tonnay-Charente et fait ses premiers pas à la Cour en 1661, en tant que demoiselle d’honneur de Madame. Elle y côtoie notamment Louise de La Vallière, elle aussi demoiselle d’honneur de Madame et paravent des amours du Roi et de sa belle-sœur. Fiancée au Marquis de Noirmoutiers, Françoise dut cependant renoncer à ce mariage : le Marquis ayant pris part à un duel et ayant tué un jeune noble se voit obligé de fuir la France, sa tête étant mise à prix.
C’est lors du procès qui fit suite à ce duel que Françoise rencontra le frère de la victime de son ancien fiancé, Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, Marquis de Montespan, qu’elle épouse en 1663. Ensemble ils ont deux enfants, Marie-Christine et Louis-Antoine. Sous l’effet de la préciosité et de l’influence de ses amies des salons parisiens, Françoise adopte le prénom d’Athénaïs, savant mélange d’Athéna et Artémis, déesses grecques. Elle quitte le service de Madame pour celui de la Reine, où elle retrouve Louise de La Vallière, alors courtisée par le Roi. Celui-ci la remarque et espère en faire sa maîtresse. Peu ravie de l’idée, elle supplie son mari de l’emmener loin de Versailles, mais il ne la prend pas au sérieux et s’en va en campagne dans le sud de la France.
Athénaïs cède au Roi durant la campagne de Flandres et devient sa maîtresse en 1667, cohabitant avec la Reine et Louise de La Vallière. Elle donne au Roi sept enfants, dont six sont légitimés, et seulement quatre atteignent l’âge adulte :
un fils ou une fille prénommée Louise-Françoise (1669 – 1672) qui souffrait d’hydrocéphalie et est décédé(e) à l’âge de 3 ans ;
Louis-Auguste de Bourbon, Duc du Maine (1670 – 1736), postérité éteinte ;
Louis-César de Bourbon, Comte de Vexin (1672 – 1683) ;
Louise-Françoise de Bourbon, Mademoiselle de Nantes (1673 – 1743), dont postérité ;
Louise-Marie-Anne de Bourbon, Mademoiselle de Tours (1674 – 1681) ;
Françoise-Marie de Bourbon, Mademoiselle de Blois (1677 – 1749) ;
Louis-Alexandre de Bourbon, Comte de Toulouse (1678 – 1737).
Ci-dessous, Mme de Montespan avec ses quatre premiers enfants légitimés
Amie de Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, Athénaïs de Montespan lui confie la garde et l’éducation de ses enfants : en effet, toujours mariée au Marquis de Montespan, celui-ci était légalement le père des enfants d’Athénaïs et de Louis XIV. Ainsi, ils vivent cachés jusqu’à leur légitimation en 1673, date à partir de laquelle ils vivent à la Cour. Sur leur acte de légitimation, ils sont notés comme étant les enfants de Louis XIV et de « mère inconnue ». Elle est peu à peu remplacée dans le cœur du monarque par Mme Scarron, faite Marquise de Maintenon par le Roi, celle-ci cherchant à l’éloigner du scandale du double adultère mené avec sa favorite. En effet, l’Eglise ayant refusé au Roi et à Athénaïs de faire leurs Pâques à cause de leur liaison, ils doivent se séparer. La Marquise vit durant un an dans son domaine de Clagny – dont la construction s’est étalée de 1674 à 1680 – tandis que Louis XIV promet de ne pas reprendre son commerce amoureux avec elle. Promesse non tenue et le Roi retrouve sa favorite un an après, en résultent les naissances de Mlle de Blois et du Comte de Toulouse dont Mme de Maintenon ne s’occupera pas, étant nés après un parjure.
Dès le début de l’Affaire des Poisons et sous l’influence de Mme de Maintenon, Athénaïs sent sa faveur baisser peu à peu. En outre, après neuf grossesses, approchant la quarantaine et assez empâtée, elle n’est plus la beauté qui avait tant plu au Roi. Elle prisait alors les régimes quasiment anorexiques et buvait du vinaigre à s’en détruire l’estomac. Espérant éloigner Mme de Maintenon du Roi, Athénaïs met sur la route du monarque une jeune fille très belle mais « sotte comme un panier », Marie-Angélique de Scoraille de Roussille, Duchesse de Fontanges. Contre toute attente, le Roi en tombe très amoureux et Athénaïs se voit, comme sa rivale Maintenon, éloignée du monarque. Le décès prématuré de la jeune femme va tourner les accusations de poison vers la Marquise, qui ne se fait plus d’illusions concernant les sentiments du Roi à son égard. Elle ne perd cependant pas son amitié et son respect car elle reste la mère de ses enfants.
En 1691, la garde de ses deux derniers enfants lui ayant été retirée, plus rien ne la retient à la Cour où le Roi, veuf depuis 8 ans, est soupçonné d’avoir épousé morganatiquement la Marquise de Maintenon. Athénaïs part donc vivre dans son château de Petit-Bourg (dont son fils légitime, le Duc d’Antin, héritera à sa mort) puis rue Saint Dominique, où elle a fondé un couvent pour les jeunes filles pauvres du peuple.
Elle finit par s’installer avec sa petite sœur, Abbesse de Fontevrault. A la mort de celle-ci, Athénaïs se retire à Oiron, un petit château qu’elle a acquis en 1700. Elle y rachète son péché d’adultère, en mettant sa fortune au profit des gens des environs, et en devenant plus pieuse que jamais. Soucieuse de sa santé, elle va régulièrement prendre les eaux à Bourbon-l’Archambault, où elle meurt dans la nuit du 26 au 27 mai 1707, après une attaque. Délaissée par son fils naturel, le Marquis d’Antin, son cadavre a le temps de pourrir pendant une semaine avant que celui-ci ne daigne la faire enterrer dans l’Eglise des Cordeliers à Poitiers. Ses filles, Mlles de Nantes et de Blois, et son fils, le Comte de Toulouse, la pleurent, quoi qu’ils ne puissent prendre son deuil, n’étant pas officiellement ses enfants. Athénaïs était également proche de ses enfants morts en bas âge, le Comte de Vexin et Mlle de Tours. Seul le Duc du Maine, l’aîné, lui préféra sa gouvernante.
Le château de Clagny, symbole de la faveur de la Marquise
Le château d'Oiron, sa dernière demeure