Après l'Ancien Régime
Quand la Cour quitte Versailles en octobre 1789, on croit encore que ce sera provisoire. Le château reste entretenu, les travaux entamés se poursuivent. Les peintures de la Galerie des Glaces commencent à être restaurées en 1790. Les installations des Bains de la Reine continuent. Le garde-meuble veille sur le mobilier, note, répertorie. De son côté, la Convention décide de vider le château. Les tableaux sont envoyés au Louvre, devenu musée national. Les signes de la royauté sont arrachés. Enfin, les meubles et décorations sont vendus aux enchères du 25 août 1793 au 11 août 1794. La vente se tient d’abord dans l’ancien appartement de la Princesse de Lamballe, puis aux Petites Ecuries. Parmi les acheteurs, des familles royales européennes, comme les Windsor. On retrouve même des meubles aux Etats-Unis, notamment dans la collection de Gouverneur Morris, qui a ainsi sauvé de la destruction des pièces rares et précieuses. Versailles a pu, par rachats ou dons, récupérer une petite partie de ces éléments. Le reste a disparu : collections privées, destructions, etc.
On parle de détruire et raser le château et d’utiliser les jardins comme terre cultivable. Finalement, le 24 novembre 1793, le château devient un Musée Spécial de l’Ecole Française. On expose les œuvres pillées dans les domaines des nobles émigrés : des toiles, des sculptures. Napoléon, alors encore Bonaparte, confirme en 1799 la vocation du château à devenir un musée. Il disparaît toutefois sous l’Empire. Mais l’essentiel est que le château ait été sauvé grâce à ce musée, à une période où on parlait de le raser.
Le château est détourné de ses fonctions. En 1800, Bonaparte utilise les anciens appartements privés de Louis XV comme succursale des Invalides. Il est très tenté de s'installer à Versailles. Des projets, avec des travaux, sont pensés dès 1805. Mais cette installation et ces rénovations sont trop onéreuses. Aussi, en 1810, il renonce et opte pour le Grand Trianon, qu’il a assez peu fréquenté mais où ont vécu Joséphine et Marie-Louise. Il prête le Petit Trianon à sa sœur Pauline et à sa mère, Letizia. Napoléon, lui, préfère les Tuileries et Saint-Cloud.
En 1814, Napoléon chute et Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte sur le trône de ses ancêtres. Louis XVIII songe lui aussi à retourner dans ce palais qui l’a vu naître. Toutefois, en souverain averti, l’ancien Comte de Provence choisit de vivre aux Tuileries et renonce à son idée première de faire de Versailles son palais d’été. Son frère, Charles X, fera de même. Néanmoins, les deux frères poursuivront les travaux de rénovation du château. Après les Cent-Jours, Dufour achève le pavillon qui porte son nom au bout de la Vieille-Aile, pendant de celui de Gabriel. Lorsque les Trois Glorieuses chassent les Bourbon, c’est la branche cadette, les Orléans, qui prennent la tête du pays. Louis-Philippe devient Roi des Français.
Roi bourgeois, Louis-Philippe a sans doute songé à s'installer dans le palais de son illustre aïeul, mais il préfère le confort quasi familial du Grand Trianon, où il s'installe avec son épouse Marie-Amélie et leurs nombreux enfants. Il adapte les lieux selon son goût et mûrit déjà le projet qu'il a pour le château de Versailles. En effet, il veut créer un musée « A toutes les gloires de la France ». Le chantier démarre en 1833 et est payé en totalité sur la cassette personnelle du Roi. Quatre ans plus tard, il inaugure ce musée.
Certes Louis-Philippe a définitivement sauvé le château d’une destruction sans cesse menaçante, toutefois il a au passage détruit une grosse partie des appartements qui y existaient. Des décors entiers ont disparu : défaits, éparpillés, vendus, placés dans d’autres châteaux, etc. Des collections entières de tableaux disparaissent tandis que d’autres sont créées tout spécialement pour le musée, comme les toiles dédiées à l’épopée napoléonienne. Le Roi fait aussi aménager la Galerie des Batailles au premier étage de l’aile du Midi. Le corps central souffre aussi, les anciens appartements sont dénaturés.
(c) Thomas Garnier
Napoléon III n’a pas le même attachement pour Versailles que son oncle. Toutefois, il poursuit quelques travaux visant à entretenir le château. C’est son épouse, Eugénie, passionnée par Marie-Antoinette, qui va entraîner un engouement nouveau pour Versailles. Elle va largement contribuer à rapatrier du mobilier dans les réserves du château et notamment au Petit Trianon et au Hameau.
Après la défaite en 1870, l’armée prussienne fixe son quartier général à Versailles, où la paix est signée et l’Empire Allemand créé. La Galerie des Glaces devient alors un hôpital. Un an plus tard, la Commune de Paris y installe son siège. En 1875, l’Assemblée Nationale prend place dans l’Opéra Royal avant de poser ses pénates dans la nouvelle salle du Congrès, créée dans l’Aile du Midi. Le Sénat, lui, reste à l’Opéra. En 1879, les deux organismes regagnent Paris mais les locaux utilisés à Versailles restent à leur disposition.
En 1900, l’historien Pierre de Nolhac est chargé de la restauration du château et en devient son conservateur en chef. Versailles reste un musée mais il retrouve aussi sa vocation de château. Il va alors créer des galeries historiques avec un ordre chronologique et une logique suivie, en opposition complète avec les travaux effectués par Louis-Philippe. Naissent ainsi les galeries des Attiques Nord (carrousel d'images en-dessous à gauche) et Sud (carrousel d'images en-dessous à droite), consacrées à la Restauration, au Premier Empire et à la Monarchie de Juillet ; mais aussi celle dédiée au XVIIe siècle dans l’Aile Nord.
Pierre de Nolhac
Le corps central retrouve son mobilier et son décor comme du temps de l’Ancien Régime. Nolhac retrouve et replace certains décors et boiseries, associe les portraits aux occupants des pièces dans lesquelles on les accroche, etc. Pour effectuer tous ces changements, le conservateur n’hésite pas à supprimer des salles anciennement créées sous l’impulsion de Louis-Philippe. Le nouveau musée rouvre en 1848, différent de ce que le Roi des Français avait initialement créé. Mais le résultat est là, puisque le château connaît un renouveau. Les visites augmentent, les mécénats (notamment étrangers) permettent de réaliser des restaurations, et les têtes couronnées européennes viennent le visiter. Durant la Première Guerre Mondiale, le Conservateur met à l’abri plusieurs collections et décors. Et c’est dans la Galerie des Glaces qu’est signé, en 1919, le traité de Versailles mettant fin au conflit, une petite vengeance française à la suite de la défaite de 1871. La même année, Pierre de Nolhac cesse son activité. Le château connaît alors quelques années de vide durant lesquelles il n’est pas entretenu. C’est alors qu’en 1924 puis en 1927, Rockefeller vient visiter les lieux. Il fait alors une importante donation permettant de restaurer Versailles.
Lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate, le nouveau conservateur, Ladoué, met une nouvelle fois les œuvres à l’abri, notamment par suite de la défaite de 1940. Le drapeau Nazi flotte au-dessus de Versailles et des soldats visitent le château où est né l’Empire Allemand. Dès 1945, les œuvres sont remises en place. Afin de sauver Versailles, dont le toit est tellement usé que la pluie entre dans la Galerie des Glaces, André Cornu, sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts, lance un appel radiophonique dédié aux Français : si chacun donne un peu, le château pourra être restauré. C’est un succès et les donateurs populaires sont nombreux. Ils ne sont pas les seuls, car des artistes et d’autres mécènes font aussi des dons au château (plus importants puisque l’on parle ici de millions de francs). Mis à la disposition de la République, le château est le lieu d’accueil des chefs d’Etats reçus par le Président, dont, entre autres, Elizabeth II, le Shah d’Iran ou Vladimir Poutine.
Source photo Galerie des Batailles : Site Officiel du Château de Versailles