Un château de gentilhomme
En 1623, Louis XIII a 22 ans. Il se souvient de cette terre de Versailles où il aimait venir avec son père et décide d’y faire bâtir un pavillon de chasse. Les arpents où le souverain installe ce bâtiment ne relèvent pas de la seigneurie de Gondi mais du prieuré de Saint-Julien, un « franc-fief » - donc dépendant du Roi - et une communauté de mille habitants. Louis XIII peut donc y construire à sa guise, ce qu’il fait dès l’été. Le souverain n’est pas un bâtisseur dans l’âme. Aussi son relai, habitable à l’été 1624, est un lieu modeste et limité à ses simples venues, qui ne sont jamais des longs séjours. Le moins que l’on puisse dire est que le tout premier Versailles ne coûte pas cher aux Menus-Plaisirs. Le Maréchal de Bassompierre écrit à son propos : « Si ce n’est que l’on lui veuille reprocher le chétif château de Versailles, de la construction duquel un simple gentilhomme ne voudrait pas prendre vanité ». « L’aile à droite en entrant était réservée au service : petite cave à vin au sous-sol, cuisines et offices au rez-de-chaussée, logement du concierge à l’étage. Au rez-de-chaussée de l’aile gauche se trouvaient des réserves de meubles ainsi que des latrines sur fosse voûtée. […] L’appartement royal était à l’étage.* » Le seul bel appartement est celui du Roi, qui comprend quatre pièces avec tapisseries et une petite galerie décorée d’un tableau représentant le siège de La Rochelle.
Quand les travaux débutent en 1623, Versailles compte au maximum cent-dix-sept arpents, qui ont coûté, hors travaux, 9.856 livres. En 1632, Louis XIII rachète me domaine aux Gondi ; désormais il compte, pour 16.000 livres, cent-soixante-sept arpents de plus. Le monarque rachète aussi la terre seigneuriale de Versailles-au-Val-de-Galie, pour la somme de 60.000 livres. Dans le même temps que la signature de ces rachats et critiqué sur son château, Louis XIII le modifie en l’agrandissant et en le réaménageant. Il signe huit contrats allant de 1631 à 1634 avec son architecte, Philibert Le Roy. A chaque année son chantier. En 1631, ce sont la façade donnant sur les jardins et les murs du parc ; en 1632 l’aile droite ; en 1633 la façade qui donne sur la cour et l’aile gauche ; enfin en 1634 la clôture de la cour.
« La place [du château] a été fixée une fois pour toutes par la construction précédente : le sommet de la butte. Le nouveau château sera de pierre et de brique, ou, plus exactement, à chaînages de pierre et parements de briques ‘mises en couleur’, c’est-à-dire repeintes en façon de briques** ».
La façade de la cour est entièrement refaite, mais conserve ses dimensions initiales. Elle dispose de cinq fenêtres, d’un rez-de-chaussée et d'un étage avec des toits à lucarnes. Les deux ailes ont aussi chacune cinq fenêtres. Au bout de chacune d’elles se trouve un pavillon d’angle. La façade côté jardin est entièrement refaite, agrandie en largeur et en longueur, et dispose de onze fenêtres. Le château est entouré de fossés délimités par les jardins, qui se limitent à un parterre de broderies et à un bassin circulaire. A côté, on trouve un bâtiment de communs et un bâtiment de gardes, ainsi qu’une pompe, activée par un cheval, afin de prendre l’eau de l’étang voisin de Clagny. Ce deuxième château coûte 213.000 livres pour l’architecture, 42.000 pour les jardins (auxquelles s’ajoutent, toujours pour les jardins, 40.000 livres en 1639), ainsi que quelques milliers de livres pour le mobilier, qui reste résolument simple.
En outre, désormais, le château possède un logement pour la Reine, mais Louis XIII reçoit très peu Anne d’Autriche, car elle vient avec toute sa suite, ce qui l’importune. Il vit à Versailles comme un gentilhomme en son particulier, en petit comité. Ses seuls accompagnants ont des fonctions à la fois de Cour auprès de lui, mais aussi, et surtout, de chasse. Le Marquis de Sourche écrit en parlant du relai de Louis XIII : « Un rendez-vous de chasse… un petit château de gentilhomme ». Les fils du Roi sont aussi volontiers admis à Versailles et l’aîné, futur Louis XIV, s’en souviendra très bien. Dans ce petit relai discret, le souverain vit chichement : il voit l’endroit comme un lieu de repos, loin du monde et des ennuis de la Cour, et il y noie sa mélancolie naturelle.
* Le domaine de Louis XIII à Versailles, Le Guillou J.-C., p.91
** Le château de Versailles, Pierre Verlet, Fayard, 1960, réédition de 1998